Depuis la fin du mois de mai, les éducateurs de l'Aide sociale à l'enfance sont en conflit ouvert avec leur employeur, le Département du Nord, qu'ils accusent de "maltraitance institutionnelle". Ils décrivent des situations où, faute de moyens, il est impossible d'offrir un cadre sécurisant à ces enfants déjà fragilisés.
Depuis près de deux mois, les éducateurs de l'Aide sociale à l'enfance sont vent debout contre leur employeur, le Département du Nord, compétent dans le domaine de l'aide à l'enfance. "La condition des enfants victimes de violences confiés au Département du Nord ne cesse de se dégrader. Les professionnel.les de la prévention et la protection de l’enfance des services du Conseil départemental du Nord n’en peuvent plus. Ils et elles refusent d’assumer les défaillances graves de l’institution et ne veulent plus participer à la maltraitance supplémentaire infligée aux enfants et leurs familles" résume un communiqué cinglant du syndicat SUD, qui accuse aussi le Département de "maltraitance institutionnelle".
Cette maltraitance, c'est avant tout l'impossibilité d'offrir un cadre sécurisant à des enfants déjà fragilisés : ils sont "ballotés d’un lit à un autre, d’une structure à une autre, d’une famille d’accueil à une autre" écrivent ces éducateurs. Une situation devenue banale, faute de moyens.
Si les professionnels de l'aide à l'enfance reconnaissent que les budgets alloués aux départements se sont réduits, ils demandent à leur employeur de reconsidérer ses priorités. Le syndicat accuse le président du Département du Nord, Christian Poiret, d'une politique "gestionnaire brutale et destructrice". Sous sa vice-présidence aux finances, 700 places d’accueils et 300 postes de travailleurs sociaux avaient été supprimés. Aujourd'hui, ces places sont manquantes au point de devoir maintenir chez eux des enfants dont la justice a pourtant demandé le placement.
Pour protester, des éducateurs de Roubaix, Tourcoing ou Wattrelos, exercent depuis leur droit de retrait, et ont choisi de ne plus se présenter aux audiences convoquées par le juge des enfants, où ils représentent leur institution.
Un "plan d'action" qui ne convainc pas les professionnels
Le 17 juin 2022, le Département du Nord avait pourtant détaillé un plan d'action et annoncé "de nouveaux moyens pour les enfants accueillis par le Département". Ce plan prévoit la création de 450 places d'accueil supplémentaires, dont 150 en institution, et le recrutement de 29 travailleurs sociaux enfance. Cette augmentation, par conséquent, ne couvre pas la baisse constatée sous la vice-présidence Poiret aux finances. "Sur Roubaix – Tourcoing, 120 enfants sont sans solution d’accueil et sur Valenciennes, les collègues annoncent qu’il leur manque 180 places" estime le syndicat SUD, dans un décompte daté de la fin juin. Le plan du Département prévoit également, entre autres, la "création de 100 mesures d’interventions renforcées à domicile" et la promesse d'une "intervention auprès de l’Etat pour faire du Nord, LE territoire d’expérimentation de nouveaux dispositifs" de protection de l'enfance.
Les professionnels, eux, estiment ne pas avoir été suffisamment consultés. "Sans aucune concertation, Christian Poiret pond un "plan de 10 mesures pour la protection de l’enfance", dont il fait largement la publicité. Il n’a rien compris, ni retenu des événements passés, de la mobilisation massive des agent.es du Département fin 2018… Il ressort la même recette, celle d’effets d’annonces sans évaluer, ni tenir compte des besoins immenses remontés par les professionnel.les de terrain" estime le syndicat SUD.