Les fédérations de chasse ont rarement été autant tributaires de l'actualité. Avec la guerre en Ukraine, le montant des indemnités versées aux agriculteurs pour les dégâts causés par les gibiers sur les cultures a augmenté. Contre toute attente, c'est la sécheresse qui a sauvé les finances. Des hauts et des bas de plus en plus difficiles à anticiper.
Il y a de quoi avoir le tournis dans les Fédérations de chasse. Elles se dirigent cette année vers une indemnisation record des agriculteurs. Le président nordiste de la fédération nationale des chasseurs est inquiet. L'état financier des 35 entités françaises n'a jamais été aussi mauvais : "Une dizaine sont très abîmées actuellement".
Plus 20% dans le Pas-de-Calais, plus 40% dans le Nord
Les fédérations du Nord et du Pas-de-Calais ne sont pas les plus à plaindre. Dans une région où le gros gibier est plutôt maîtrisé, les dégâts sur les cultures sont moindre et la note forcément moins salée. Il n'empêche. Le montant sera plus élevé cette année. "On s'apprête à payer 300 000 euros dans le Pas-de-Calais", confirme Willy Schraen. C'est 20% de plus que l'année précédente. La hausse est de 40% dans le Nord. "En juin, il y a eu beaucoup de dégâts dans les champs de fraises du côté de Samer. Des gros dossiers qui peuvent monter à plusieurs dizaines de milliers d'euros".
Dans le viseur des chasseurs : la loi d'indemnisation des agriculteurs et son fameux code de l'environnement rédigés en 1968. En France, les Fédérations départementales de chasse sont en charge de la gestion de la faune. L'article L.421-5 du code de l'environnement le stipule : "Elles conduisent des actions de prévention des dégâts de gibier et assurent l'indemnisation des dégâts de grand gibier". C'est donc à elles d'assurer la protection des cultures.
Indemniser en fonction des marchés
Le mode de calcul de ces indemnités est précisé : "La Commission nationale d'indemnisation fixe chaque année, à titre indicatif, au fur et à mesure de sa connaissance des cours réels des marchés, les valeurs minimales et maximales des prix des denrées à prendre en compte pour l'établissement des barèmes départementaux" (article R426-5 du code de l'environnement). Les marchés, c'est-à-dire le cours des céréales… et c'est là que tout se complique pour les Fédérations de chasseurs.
Car, depuis le début de la guerre en Ukraine, ces mêmes cours s'envolent. "Vous vous rendez compte ! Le quintal de blé était à 180 euros en 2021. En 2022, il est à 350 euros ! Nous, on ne peut pas payer ça", s'indigne Willy Schraen. Jamais les fédérations de chasse n'auront autant indemnisé les agriculteurs pour les dégâts causés sur le gibier sur les cultures.
La sécheresse a permis de temporiser
De façon inattendue, c'est la sécheresse qui a sauvé les finances des fédérations du Nord et du Pas-de-Calais. Elle a permis de contenir les dégâts dans les cultures.
Au début de la saison, les sangliers étaient nombreux. Beaucoup d'agriculteurs ont ouvert des dossiers. On avait provisionné beaucoup d'argent. Avec le manque de pluie, les sangliers se sont finalement désintéressés des champs.
Willy Schraen, président de la fédération nationale des chasseurs
Les animaux restent dans les forêts et sortent peu dans les plaines. Si la pluie revenait abondamment en cette fin août, le problème serait moins grave, l'essentiel des cultures ayant déjà été coupées.
Pour les chasseurs, pas question d'en rester là pour autant. "Il faut changer le dispositif créé dans les années 1960", demande Willy Schraen. Un dispositif devenu obsolète à ses yeux. "On tuait 50.000 à 100.000 sangliers en France à l'époque. Aujourd'hui, on frôle le million. Et surtout, la culture agricole a beaucoup changé". Un combat ancien pour le président de la fédération nationale des chasseurs.
Entamer une réflexion de fond
En cette année très particulière, l'Etat a fait des concessions. "Cette fluctuation des denrées a été mise sur le plan de résilience". Les calculs seront donc faits sur l'année 2021 et non 2022. Mais la baisse du nombre de chasseurs en France et du nombre de domaines "chassables" impose une réflexion de fond.
Dans les Hauts de France, il y a beaucoup de constructions qui rendent la chasse compliquée. On ne va pas chasser entre les maisons !
Willy Schraen
Selon le président nordiste de la fédération des chasseurs, la création des réserves naturelles a également compliqué la traque des sangliers. "Ils se réfugient dans les réserves notamment sur le littoral. On ne peut pas aller les chasser là-dedans ! Ils sortent la nuit pour aller se nourrir dans les champs. Je ne conteste pas ces réserves, mais la pression fiscale doit être mise au bon endroit".
En septembre, Willy Schraen sera reçu par le Président de la République pour discuter de ces sujets complexes. Il en attend évidemment beaucoup.