Leur fille à naître tuée dans un accident de la route, le couple a suivi l'affaire Palmade en espérant la reconnaissance de l'homicide volontaire

Leur histoire a des points communs avec celle de la famille percutée par la voiture de Pierre Palmade. Alors, Valentin et Angélique ont suivi de près le procès qui vient de se tenir. Ils ne cachent pas leur déception, leur colère même : ils espéraient que l'homicide involontaire soit retenu et que celà leur permette d'obtenir la condamnation de la conductrice du véhicule qui les a percuté, sur le chemin de la maternité.

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Ce devait être un jour heureux. Le 27 juillet 2023, Angélique et Valentin étaient sur la route de la maternité. Ils attendaient leur petite Jade depuis 9 mois. Angélique était à 40 semaines + 3 jours, les contractions annonçaient l'imminence de la naissance.

L'accident

Alors qu'il doublait un camion sur la Départmentale 950, une deux fois deux voies séparées par un terre-plein central, Valentin a été surpris de voir arriver en face une Clio, à contresens. Le choc, à 110 km/h, a été terrible. Il a perdu connaissance, Angélique a été gravement blessée. Surtout, dans le ventre de sa mère, le bébé n'a pas survécu. 

Angélique raconte : "Je la sentais bien bouger, c'était un vrai bonheur. Tout était prêt. On l'attendait depuis 9 mois !". Avec le papa, ils espéraient beaucoup du procès de Pierre Palmade. "C'est très décevant. Le bébé n'a pas été reconnu comme une victime". 

Elle poursuit : "Nous, on a pris perpétuité. On revit l'accident tous les jours. Pour nous, c'était hier. J'ai des séquelles aux jambes, j'ai eu deux vertèbres cassées, un pneumothorax, un hématome à l'utérus, et la perte de notre fille".

Jade, est morte in utero. Parce qu'elle n'a pas respiré, elle est considérée comme un fœtus.

En 2002, la Cour de Cassation a écarté la possibilité de protection pénale d'un fœtus. Ainsi, un homicide involontaire ne peut être reconnu pour un bébé qui n'a pas encore respiré, d'après la jurisprudence. Comme pour Jade, le bébé mort dans le ventre de sa mère dans l'accident provoqué par Pierre Palmade n'a pas été reconnu comme victime.

C'est contre cela que ces parents se battent aujourd'hui. Si leur fille a bien une reconnaissance en droit civil (elle est inscrite sur le livret de famille, elle a une sépulture), elle n'a pas de "personnalité juridique en droit pénal", explique leur avocat, Maître Antoine Régley. Lui aussi souhaite que la loi change.

Pour la reconnaissance de l'homicide involontaire

Dès qu'ils ont voulu porter plainte, les difficultés ont commencé pour Angélique et Valentin. Les gendarmes leur ont expliqué que l'homicide involontaire ne pouvait être retenu.

Angélique fulmine : "On veut obtenir justice et que la conductrice paie pour ce qu'elle a fait à notre fille. Quand on nous explique qu'on ne peut pas porter plaine pour homicide involontaire, c'est une double peine, un 15e coup de poignard".

Ils se sont alors tournés vers leur avocat pour saisir le procureur. Finalement, c'est contre l'avis du parquet qu'un juge d'instruction s'est saisi du dossier. 

Maître Antoine Régley explique que "la jurisprudence est défavorable. Accorder des droits à l'enfant à naître pourrait remettre en cause l'IVG et l'IMG". L'interruption volontaire ou médicale de grossesse. Mais pour lui, des solutions existent pour protéger ces droits acquis. Notamment via une proposition de l'OMS qui fixe à 22 semaines l'âge à partir duquel un fœtus peut vivre en dehors de sa mère. Pour ce qui est de l'IMG, il propose que le législateur réfléchisse à des exceptions après 22 semaines.

Et les coups de pied dans le ventre ? Et les pirouettes ? Et les échographies ? Pour eux, il est inadmissible que l’homicide de leur enfant ne soit pas reconnu.

Antoine Régley, avocat de Valentin et Angélique

"Comment voulez-vous expliquer à ces parents que l’enfant qu’ils aimaient depuis neuf mois, et qui avait donné un nouveau sens à leur vie, n’est rien ni personne ? Et les coups de pied dans le ventre ? Et les pirouettes ? Et les échographies ? Pour eux, il est inadmissible que l’homicide de leur enfant ne soit pas reconnu", écrit Antoine Régley.

Il veut croire qu'un autre chemin est possible. Lui aussi espérait que le procès de Pierre Palmade ouvrirait la voie, les débats. "Il serait intéressant que les juristes de la chancellerie se penchent sur la question. Que le débat se fasse, qu'on essaie au moins" gronde l'avocat. 

Valentin abonde : "On a pensé que, selon ce qui allait être dit, comme il y a des similitudes avec notre histoire et cette maman qui a perdu son bébé à naître... On s'attendait à ce que Pierre Palmade reconnaisse ses torts, qu'il ait un geste envers cette maman, qu'on y réfléchisse. On se dit comment c'est audible que ce n'est qu'un fœtus parce qu'il n'a pas respiré. On ne lâchera pas".

Un procès pour Jade

Les parents et leur conseil espèrent qu'un procès pour homicide volontaire aura lieu pour Jade et pour faire avancer cette question de la reconnaissance de l'enfant à naître. Ils attendent l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction. "Il faut inciter les juridictions saisies à ne pas ordonner un non-lieu. Que le juge renvoie pour homicide volontaire, pour qu'il y ait au moins un débat sur le plan judiciaire", affirme Antoine Régley.

Il complète "sur le plan législatif, il faut trouver une solution, qu'on travaille sur la question bioéthique". L'avocat est en contact avec des députés sensibilisés au sujet et a écrit un livre dans lequel il raconte l'histoire de certains de ses clients, victimes de la route.

Le 10 novembre 2024, le tribunal de Melun a reconnu Pierre Palmade coupable de blessures involontaires sur une famille. Il a été condamné à cinq ans de prison, dont trois avec un sursis. Une qualification des faits qui ne décourage pas Angélique : "On veut un procès. Que la conductrice soit jugée pour ce qu'elle a fait, parce qu'elle a tué quelqu'un. Elle a explosé notre vie, il faut qu'elle paie. C'est trop facile de tuer et de ne pas être condamné pour ça..." 

Car la souffrance des parents qui - comme Angélique et Valentin - ont donné naissance à un enfant sans vie est réelle. D'autant que, même les courriers venant des juges évoquent "l'enfant" ou le "bébé", racontent ces parents endeuillés. 

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