Le laboratoire allemand Merck a annoncé dans un communiqué sa mise en examen pour "tromperie aggravée" dans l'affaire du Lévothyrox. Pour Sylvie Robache, déléguée de l'Association française des malades de la thyroïde pour les Hauts-de-France, "il faut que le laboratoire soit puni pour ce qu'il a fait".
La filiale française du laboratoire pharmaceutique allemand Merck a annoncé mercredi 19 octobre sa propre mise en examen pour "tromperie aggravée" dans le dossier du changement de formule du médicament Levothyrox.
31 000 patients souffrant de maux de tête, d'insomnies ou de vertiges
Pour Sylvie Robache, cette mise en examen au pénal est "une très bonne nouvelle". La déléguée de l'Association française des malades de la thyroïde (AFMT) pour les Hauts-de-France est l'une des premières personnes à avoir publiquement pris la parole sur les effets secondaires de la nouvelle formule en 2017. Elle en a même fait un livre, Le scandale du Lévothyrox, paru en 2020.
Pour rappel, le laboratoire avait modifié certains de ses excipients afin d'apporter davantage de stabilité au produit sans prévenir les patients de la nouvelle composition du médicament. Celle-ci a été incriminée entre mars 2017 et avril 2018 par quelque 31 000 personnes souffrant notamment de maux de tête, d'insomnies, ou de vertiges.
Une enquête pénale pour tromperie aggravée, homicide et blessures involontaires a été ouverte en 2018. Elle a débouché dans une premier temps sur une condamnation du laboratoire en 2020 pour "préjudice moral" par la Cour d'appel de Lyon. Après un rejet de son pourvoi en cassation en 2022, il a été forcé d'indemniser les 3329 plaignants à hauteur de 1000 euros chacun.
C’était une très bonne nouvelle d’apprendre ça ce matin. Il ne faut pas que ça s’arrête là, il faut vraiment que le laboratoire soit puni pour ce qu'il a fait car il y en a assez de ces gros laboratoires qui ont tous les droits et qui en profitent largement.
Sylvie Robache, déléguée de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT) pour les Hauts-de-France
"Pourquoi avoir changé la formule ? Elle existe depuis des années !"
"J'ai dû prendre du Lévothyrox car j'ai été opérée d'un cancer de la thyroïde en mars 2016, explique Sylvie Robache. Tout de suite après l'opération, j'ai dû commencer à en prendre". Concrètement, si elle arrête le traitement, "au bout de 15 jours à 3 semaines, je vais tomber dans le coma et puis mourir".
Comme beaucoup, à cette époque, elle apprend la nouvelle formule du Lévothyrox sur internet. "J'ai été interpelée : pourquoi avoir changé la formule ? Elle existe depuis des années !". Elle en parle à son médecin et à des spécialistes de la thyroïde qui lui disent "de ne pas (se) faire de souci, qu'il n'y avait pas de problème".
Elle débute alors le médicament avec la nouvelle formule, une fois les anciens stocks écoulés. "Au bout de quelques jours, j'ai commencé à sentir les nouveaux effets : des problèmes digestifs, intestinaux, des maux de ventres, les cheveux qui tombent..." La liste est longue.
L’avantage avec internet, c’est que les gens parlent. J’ai lu beaucoup de témoignages, beaucoup n’ont pas fait le lien avec la nouvelle formule et les soucis qui en découlaient.
Sylvie Robache, déléguée de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT) pour les Hauts-de-France
L'idée de faire une pétition lui vient "tout bêtement" en lisant des témoignages sur internet "de personnes qui se posaient des questions, qui étaient très mal depuis la nouvelle formule". Elle est alors prise de "colère". "La pétition a été la première étape, il a fallu ensuite l'aide des journalistes pour pouvoir la faire connaître." A ce jour, en France, elle a récolté le nombre impressionnant de 345 000 signatures.
"Il existe des alternatives"
Quand la première condamnation au civil pour "préjudice moral" tombe en 2020, Sylvie Robache regrette que "les malades qui ont porté plainte n'aient quasiment rien eu, la somme est dérisoire". Mais face à la mise en examen récente du laboratoire Merck, elle se dit "contente, c'est le début, ça bouge". Elle espère que la justice les entende, "je pense surtout aux personnes qui ont gardé des séquelles, d'autres sont décédées, rien que pour toutes ces personnes, il faut que justice soit rendue."
Depuis, cette "crise de la nouvelle formule" a poussé les patients à trouver d'autres alternatives moins contraignantes. Au départ, peu de choix se présentaient à eux : "il y avait les gouttes de L thyroxine, c'était surtout prévu pour les enfants et les personnes ayant du mal à déglutir". Puis d'autres alternatives ont vu le jour, "dont le T Caps", un médicament qui n'existait pas en France jusqu'à récemment.
J’ai choisi le T Caps car c’est celui qui a le moins d’excipients et je trouve qu’on devrait avoir le droit de choisir son médicament sans qu'il n'y ait de facteur financier, c’est vraiment dommage.
Sylvie Robache, déléguée de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT) pour les Hauts-de-France
"On a réussi à le faire distribué en France pour qu'il y ait une autre alternative, précise la déléguée. L'association est allée plusieurs fois au Ministère de la santé pour demander qu'il soit remboursé, et jusqu'à présent, il ne l'est toujours pas". Une situation qu'elle juge "honteuse" pour un médicament "dont on a besoin chaque jour".
Pour le moment, "l'ancienne formule est prévue jusqu'à fin 2022, je ne sais pas comment ça va se passer pour 2023". Certaines personnes ont encore "des problèmes pour trouver d'anciennes formules" d'une région à l'autre.
Sylvie Robache tient une permanence téléphonique une fois par semaine, les mercredis après-midi de 14h à 17h au 06 41 18 66 58.