Retraites : les enseignants-chercheurs lillois misent sur la "grévilla" pour rendre visible leur mobilisation

Action éclair devant la gare à une heure de forte fréquentation puis intrusion dans les locaux du Medef : face à ce qu'ils considèrent comme une "invisibilisation" de la mobilisation contre la réforme des retraites, les enseignants-chercheurs lillois veulent faire passer leur message autrement.

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Posée sur le parvis de la gare Lille Flandres, une enceinte diffuse la musique de "I Love Rock n'Roll" de Joan Jett, aux paroles remaniées : "Macron t'es foutu, toutes les femmes sont dans la rue". Très vite, des passants s'agglutinent autour de la chorégraphie réalisée par une trentaine de personnes.

"A mon avis, le mouvement n'est pas fini du tout, les plus militants ont manifesté en premier et, petit à petit, les gens se rendent compte qu'ils vont se faire entuber", estime Christian Lamarche, retraité de 70 ans, qui observe l'action avec le sourire. Opposé à la réforme, "comme plus de 60% des gens", il la considère comme "un retour en arrière gigantesque".


"Expertise"


Auprès des curieux, des militants distribuent des "tracts de désintox", rédigés par des enseignants-chercheurs, pour remettre en cause des "idées reçues" sur le déficit du régime général ou la nécessité de travailler plus longtemps. "En tant qu'enseignants, on essaie de faire valoir notre expertise, ce sont des sujets qu'on connaît, l'histoire de la protection sociale, son fonctionnement", souligne Fabien Desage, chercheur en sciences politiques. "Quand un gouvernement
décide, pour des raisons idéologiques, de baisser les cotisations patronales, avec des résultats très modestes en termes d'emploi, nous disons que ce sont des choix, on peut faire autrement
".

Quelques étudiants participent également, à l'image de Zyneb Tar, 19 ans, en deuxième année de sciences politiques. "On est tous concernés, cette réforme va nous affecter directement", souligne-t-elle, consciente que sa génération pourrait être la première à ne pas cotiser au régime actuel. "Je suis triste que les étudiants ne soient pas plus nombreux, nous devrions être en tête des cortèges".


"Entre grève et guérilla"


Après la chorégraphie, les militants postent photos et vidéos sur les réseaux sociaux pour accroître leur visibilité. "C'est sûr que quand des cheminots bloquent la France, tout le monde en parle. Faire la grève de la recherche, personne ne va le voir", regrette Paula Cossart, maître de conférences en sociologie, qui n'a pas fait cours depuis la rentrée de janvier. "Il faut qu'on trouve d'autres façons de se faire entendre".

"Déjà 65 vues", s'amuse Camille Herlin-Giret, chargée de recherches au CNRS en sociologie, dans le tramway conduisant les manifestants au siège local du Medef. Pour elle, ce type de mobilisation est aussi un moyen de contourner interdictions ou intimidations. "On ne peut plus manifester, on est gazé, ce qui n'est ni très amusant, ni très mobilisant, donc l'idée, c'est aussi de trouver d'autres modes d'actions qui soient visibles, sûrs". De fait, à Lille, la préfecture a interdit à plusieurs reprises le passage dans le centre-ville des cortèges ou la tenue d'une manifestation aux flambeaux. Une "politique préfectorale d'intimidation" dénoncée dans une lettre ouverte par l'intersyndicale.

L'intrusion du groupe -environ 150 personnes- au siège local du Medef sème un peu la pagaille mais sans tension particulière. "De l'argent, il y en a, dans les caisses du patronat", scandent les manifestants.  "Le patronat trouve son compte dans cette réforme des retraites, surtout les fonds de pension et les compagnies d'assurances privées vers lesquelles on va devoir tous cotiser avec la réforme", estime Stéphane Enjalran, enseignant et secrétaire national du syndicat Solidaires. 

"On a développé le concept de +grévilla+, entre grève et guérilla, on va multiplier les formes d'actions et de contestation. On reste déterminé". 
  
 
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