Depuis quatre ans, les matières enseignées à l'Université de Lille ne se compensent plus entre elles. Une décision remise sur la table ce 11 avril 2024 en conseil d'administration, au grand bonheur des syndicats étudiants, qui militent pour un retour de la compensation, témoignant d'une baisse du taux de réussite, d'une chute considérable de la santé mentale et d'une hausse du redoublement.
En cette veille de Conseil d'administration, les syndicats étudiants de l'Université de Lille se rongent les ongles, trépignent et ne supportent plus le stress de l'attente. Ce 11 avril 2024, les étudiants et étudiantes lillois·es misent beaucoup. Pour certain·es, leurs études et leur avenir à la fac sont en jeu, si ce n'est carrément leur santé mentale. Rien que ça.
Au cœur des discussions ce jeudi : le possible retour d'une compensation entre les matières et les différents semestres.
Le problème des blocs de compétences
Depuis 2020 - et suivant une réglementation nationale instaurée en 2018 - l'administration de l'Université de Lille a décidé d'instaurer des blocs de compétences et de connaissances (BCC). Au sein de ces blocs les notes reçues aux différents cours se compensent. Mais les BCC ne se compensent plus entre elles, ce qui pose un problème au moment de la validation de l'année : si un·e étudiant·e échoue à un seul bloc pendant les partiels, elle ou il rate donc son année, comme l'explique cette vidéo.
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"Pour la licence de psychologie, par exemple : il y a un bloc qui ne contient qu'une seule matière, les statistiques, à laquelle beaucoup d'étudiants échouent chaque année. Sauf que sans la compensation, ils doivent redoubler, même s'ils ont eu plus de 10 à tous les autres blocs. Tout ça à cause de cette seule matière", explicite Anaïs, représentante UNEF (Union nationale des étudiants de France) à l'Université de Lille.
Une "sélection par l'échec"
Ce dossier est donc crucial pour de nombreux jeunes, qui se voient obligés de redoubler, de passer une année en chevauchement voire d'abandonner leurs études, la plupart du temps au détriment de leur santé mentale et physique. L'UNEF fait savoir que depuis quatre ans, les étudiant·es contactent ses élu·es pour demander de l'aide, s'informer ou simplement montrer leur mécontentement face à cette méthode de notation. Une manière "insidieuse" de "sélectionner par l'échec" selon le syndicat étudiant.
Dans une interview donnée en 2021 chez nos confrères et consœurs de La Voix du Nord, Christophe Mondou, vice-président de l’Université de Lille, révélait avoir enregistré une baisse de 20 à 30 % du taux de réussite au premier semestre chez les étudiant·es, après l'adoption des BCC.
Un enjeu pour les 4 ans à venir
Le vote de ce jeudi est d'autant plus solennel qu'une nouvelle décision concernant la compensation ne pourra pas avoir lieu avant quatre nouvelles années. "L'enjeu est vraiment important", souligne Anaïs. "On a la possibilité de changer les choses maintenant, sinon on repart pour 4 ans." La représentante UNEF craint pour l'issue du vote, qui est encore assez mystérieuse : très peu d'échanges ont eu lieu avec l'administration sur le sujet.
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En réalité il y a un flou autour de cette notion : il n'est pas indiqué si une compensation est obligatoire ou pas... D'ailleurs beaucoup d'universités n'ont pas adopté cet arrêté.
Anaïs, représentante UNEF pour l'Université de Lille
"La présidence de l'Université a peur d'arrêter les compensations parce qu'elle craint d'être en porte à faux face aux réglementations ministérielles. Alors qu'en réalité il y a un flou autour de cette notion : il n'est pas indiqué si une compensation est obligatoire ou pas... D'ailleurs beaucoup d'universités n'ont pas adopté cet arrêté et conservent la compensation", argumente la syndicaliste, en précisant que les étudiants sont très inquiets et très remontés. En attendant cette grande décision, un rassemblement est organisé ce jeudi à 13 heures par l'UNEF et l'Union étudiante de Lille, devant le siège de l'Université de Lille, pour se faire entendre... Même si la période d'examens risque de faire des absent·es.
Une égalité parfaite
Mlagré une pétition qui a reçu plus de 1000 signatures et une multitude de témoignages, l'issue du vote de ce jeudi n'a pas été concluente pour les syndicats.
Le secrétaire général de l'UNEF Lille rapporte ce lundi qu'une égalité des votes a forcé la Vice-Présidente Formation, Corinne Robaczewski, à trancher : "elle a choisi de refuser le retour à la compensation entre les matières, sans aucune explication de vote et contre l'avis de tous les élus étudiants du conseil (UNEF, UE, FAGE et EMF). Elle a par ailleurs voté contre toutes les propositions des organisations étudiantes, même les moins "radicales".
Elle a choisi de refuser le retour à la compensation entre les matières, sans aucune explication de vote et contre l'avis de tous les élus étudiants du conseil (UNEF, UE, FAGE et EMF).
UNEF Lille
L'ensemble des 14 élu·es étudiant·es présent·es à ce conseil ont voté pour le retour de la compensation entre les matières, quand les 14 membres de la présidence de l'université ont voté contre. À l'heure ou nous publions ces lignes, la direction de l'Université de Lille n'a pas souhaité s'exprimer concernant cette décision. Le syndicats étudiants indiquent qu'ils continueront à se mobiliser par tous les moyens.