Dans la métropole lilloise, un square Dominique Bernard verra prochainement le jour, suivant une annonce du maire de La Madeleine ce jeudi 28 décembre 2023. Un "signal positif" que salue Nicolas Penin, secrétaire général du syndicat UNSA Éducation des Hauts-de-France.
Sébastien Leprêtre, maire de La Madeleine, dans le Nord, a annoncé la création d'un square qui sera baptisé au nom de Dominique Bernard, en hommage à l'enseignant tué dans un attentat à Arras le 13 octobre 2023. Nous avons posé des questions à Nicolas Penin, secrétaire général du syndicat UNSA Éducation dans les Hauts-de-France, sur le symbole de cette décision et sur l'état d'esprit de la communauté enseignante.
Que représente cet hommage pour la communauté enseignante ?
Nicolas Penin : Pour moi, il s'agit d'un signal qui positif, qui montre l'adhésion d'une communauté, ou ici d'une ville, à des valeurs que Dominique Bernard incarnait en tant que professeur. Des valeurs que tout membre de l'éducation pourrait d'ailleurs incarner, que ce soit pour le savoir, la transmission, le respect de l'autre, de la laïcité et des valeurs de la République.
Que pensez-vous du choix d'un square pour accueillir le nom de votre collègue ?
N.P. : Dans cette situation, le lieu choisi est évidemment important. Un square, c'est un lieu public, c'est un lieu de rencontres, de vie, qui reste ouvert sur le monde. Certes, ce n'est pas un établissement scolaire ni une salle où on pourrait avoir des réunions liées à la vie de la cité ou un espace associatif. Mais c'est un lieu qui porte parfaitement les valeurs qu'incarne Dominique Bernard. C'est un message solidaire important.
Un square c'est un lieu public, c'est un lieu de rencontres, de vie, qui reste ouvert sur le monde.
Nicolas Penin, secrétaire régional UNSA Éducation
Pensez-vous que ce projet pourrait diviser parmi les enseignants ?
N.P. : Il peut y avoir des avis partagés. On a l'exemple malheureux de Samuel Paty où des membres de la communauté éducative, qui ne se limitaient d'ailleurs pas au personnel de son établissement scolaire, étaient partagés. La même chose se produit avec notre collègue arrageois. Certains pensent qu'il faut lui rendre honneur et multiplier le nombre de signes publics, qui peuvent signifier notre attachement. Et puis d'autres, comme dans tout processus de deuil et c'est bien normal, ne veulent plus en entendre parler pour pouvoir avancer et ne pas perpétuellement revenir sur ce drame.
Comme dans tout processus de deuil, certains enseignants ne veulent plus en entendre parler pour pouvoir avancer et ne pas perpétuellement revenir sur ce drame.
Nicolas Penin
Et de quel côté vous rangez-vous ?
N.P. : Pour ma part, et je pense que c'est ce qui est porté par une majorité de collègues, je trouve que donner le nom de Dominique Bernard à un lieu, ce n'est pas passer son temps à vouloir se remémorer cet évènement, c'est aussi se dire qu'il faut tout faire pour éviter tout nouveau drame.
La commune bretonne de Perros-Guirec souhaite également nommer l'une de ses places "Dominique Bernard". La même initiative résonne-t-elle différemment dans les Hauts-de-France ?
N.P. : Plus on se rapprochera du lieu de vie de notre collègue, plus le symbole sera fort. Et La Madeleine est plus proche d'Arras que la Bretagne. Mais plus on se rapproche, plus il faudra faire attention, puisque les décisions seront ressenties plus intensément.
Vous pensez justement à la ville d'Arras ?
N.P. : Tout le monde pense bien sûr à Arras et se demande quel lieu pourrait prendre le nom de notre collègue, tout en sachant qu'on n'a pas le droit de se louper et qu'on ne peut pas baptiser à l'infini. C'est quelque chose sur lequel il faut prendre son temps. Je n'ai pour ma part pas de solution miracle, je pense que c'est une décision à prendre collectivement, qui dépend de ceux qui seront les plus touchés, autrement dit sa famille et ses collègues directs.
Tout le monde se demande quel lieu à Arras pourrait prendre le nom de notre collègue, (...) on n'a pas le droit de se louper, on ne peut pas baptiser à l'infini.
Nicolas Penin
Justement, plus de trois mois après l'attentat d'Arras, comment se porte le corps enseignant dans le Pas-de-Calais et dans le territoire arrageois ?
N.P. : La première rentrée est passée à la Toussaint, c'était assez difficile. Après le drame, il y a eu une semaine où l'on a pu commencer le travail de deuil et puis l'arrivée des vacances qui ont permis une reconstruction personnelle. Là arrive à la deuxième rentrée après l'évènement, donc ce ne sera déjà plus la même chose, tout en sachant que ça reste encore très frais et je pense que ça le restera jusqu'à cette première rentrée de 2024, lorsqu'un nouveau cycle recommencera.
La communauté enseignante reste toujours choquée, avec une blessure encore vive, tout en sachant que la vie doit reprendre le dessus. On garde tout de même en tête que le quotidien doit reprendre le pas... Même si, pour ceux qui connaissaient Dominique Bernard directement, le drame ne partira jamais vraiment.