La Karmine Corp Xperience (KCX2), un événement de jeu vidéo professionnel organisé à Bercy, rassemble, mardi 21 juin, 12 000 fans dans l'enceinte de Bercy. Tous suivent l'équipe fondée par le streamer ultra-populaire Kameto. Dans les Hauts-de-France, les supporters se préparent pour ce moment fort.
Ils sont 12 000 à trépigner d'impatience. 12 000 places, parties en moins de 10h. Ce soir, à Bercy, c'est la Karmine Corp Xperience 2, plus facilement appelé KCX2, un immense show dédié à l'esport (le jeu vidéo professionnel, ndlr). Il est organisé par une équipe française, la Karmine Kcorp, fondée le 16 novembre 2020. À sa tête, deux streamers emblématiques, Zouhair "Kotei" Darji et Kamel "Kameto" Kébir. Le premier, c'est le gestionnaire, l'homme de l'ombre, un pilier qui a délaissé la diffusion live pour pouvoir gérer cette jeune franchise.
Kameto, c'est le visage public de la KCorp. Ultra-populaire sur Twitch, Youtube, Twitter, il est l'un des petits princes de l'internet actuel. On l'appelle même Général Kameto, depuis la Pixel War. Au cours de cet événement international, qui consiste en une vaste collaboration et bataille artistique sur une fresque virtuelle mise à disposition par le forum Reddit, le vidéaste a montré la puissance et surtout l'engagement de sa communauté. Les efforts de Kameto pour maintenir les symboles français sur la fresque ont même reçu les louanges de Zinedine Zidane en personne. Kameto, c'est aussi un streamer qui a fait de sa simplicité et de sa spontanéité une marque de fabrique, instaurant dans ses diffusions live une ambiance bon enfant.
La KCorp sur la scène compétitive : l'histoire d'un succès fou
Son aventure dans l'esport est à l'image du personnage : atypique, et couronnée de succès. À sa création, la Karmine Corp possède une seule équipe, sur le jeu League of Legends (LoL), qui joue en LFL, l'équivalent d'une Ligue 1. Deux ans plus tard, la KCorp est également présente sur la scène compétitive de quatre autres jeux cultes : Trackmania, Valorant, TeamFight Tactics (TFT) et Rocket League. Sur sa franchise originelle, League of Legends, l'équipe accumule des records : la KCorp est triple championne des European Masters (EUM), un tournoi qui réunit les plus gros clubs européens, et championne de France de la saison d'été 2021.
Le club a non seulement recruté, mais créé des légendes de la scène actuelle, comme Raphaël "Targamas" Crabbé, qui joue maintenant au plus haut niveau européen, la LEC. Parmi les pépites actuelles, on peut nommer Lucas "Saken" Fayard, qui a fait un retour fracassant sur la scène League of Legends, ou Brendan "Bren" Seve, l'un des meilleurs joueurs français sur le jeu de course Trackmania.
"J'ai toujours aimé le côté entrepreneur de Kameto, il met les moyens pour obtenir ce qu'il veut. Monter une équipe esport, c'est montrer de l'ambition, ça m'a donné envie de suivre, et l'histoire est folle", apprécie Antonin Rozier, co-fondateur du Blue Wall, l'association officielle des supporters de la KCorp.
"Je n'ai qu'une hâte : c'est d'y être" : l'ambiance électrique de la KCX
Car l'autre force du club, ce sont des supporters d'une fidélité qui ferait pâlir d'envie n'importe quel club de football. Ce 21 juin, dans Bercy, on est certain de voir se lever des centaines de pancartes peintes de bleue, qui vont former dans le public ce que les fans connaissent comme le Blue Wall. C'est le nom de l'association officielle des supporters de la KCorp, fondée en novembre 2021. "La Karmine Corp est une équipe avec un engagement qui fait la différence, et Bercy en est l'illustration parfaite : 12 000 places écoulées en une dizaine d'heures, c'est du jamais-vu. Aucune autre équipe n'est aussi unie. Dans les événements de la Karmine Corp, il y a toujours au moins un drapeau de la Bretagne, et un drapeau de l'Algérie, ça me fait beaucoup rire, et ça montre la diversité de la fanbase", raconte Antonin Rozier, co-fondateur de l'association. Les Hauts-de-France sont d'ailleurs un gros vivier de fans et d'adhérents pour le Blue Wall.
Pour avoir les places, et gagner Paris à temps pour la Karmine Corp Xperience 2, il a fallu s'organiser. "La KCX2 va être mon premier vrai événement officiel, savoure Gaëlle Speter. La jeune femme de 23 ans travaille comme assistante commerciale et vit à Longuenesse, dans le Pas-de-Calais. Je vais aller jusque Lille en train, puis je vais prendre un covoiturage, l'organisation est un peu compliquée, mais je voulais vraiment y aller, donc j'ai trouvé un moyen. Je n'ai qu'une hâte, c'est d'y être." Clément Briand, 17 ans, vit à Ternas (62) et est supporter de l'équipe League of Legends. Il portait la délicate responsabilité d'acheter les places pour lui et son ami, Esteban Issandou, 16 ans. "Il a fallu être malin. Les places étaient mises en ligne à 11h, vendredi dernier, et il y avait une file d'attente de 15 000 personnes ! Moi, je suis allé directement sur le site de l'Accor Hôtel Arena, donc j'ai eu nos places assez facilement", révèle le jeune homme. Ce 21 juin, il passait aussi son Grand Oral du baccalauréat, mais la vraie priorité est ailleurs.
Tous les fans anticipent déjà l'ambiance sur place. Les slogans, les chorégraphies et les chants se préparent, certains empruntés aux hymnes du football. "Quand le Blue Wall se met à chanter, c'est toute la salle qui va s'enflammer", promet l'un d'entre eux.
"Il y aura un cortège à Paris, qui commence à 16h, organisé par le Blue Wall, qui ira du Louvres jusqu'à Bercy. Il y aura des drapeaux, des trompettes, des tambours... La préfecture a refusé nos fumigènes bleus, c'est un peu notre symbole, mais on n'a jamais pu les sortir. Ce sera pour une prochaine fois, dévoile Paco Demarlière, 25 ans, un adhérent du Blue Wall qui vit à Compiègne. Ensuite, on se rejoint tous pour le show. Les joueurs vont comprendre qu'ils sont entourés de 12 000 personnes, ils ne vont même pas pouvoir se parler (rires). Des nouveaux joueurs viennent d'arriver, ils ne s'attendent pas à ça. Déjà, au premier KCX, on était 3000, et on avait l'impression d'être 10 000."
La KCorp et ses fans, une fidélité à toute épreuve
Il faut les entendre, les ultras les plus bienveillants de France, parler de leurs sportifs préférés. "Mon joueur favori, c'est Rekkles [Martin Larsson, joueur de League of Legends, ndlr]. Avant, je n'avais pas vraiment de joueur favori et lui, je ne le connaissais pas avant la Kcorp. Ce qui m'a touchée le plus dans ce joueur, c'est sa personnalité. Il est vraiment très à l'écoute des gens, il a une aura bienveillante. Il se donne à fond dans ce qu'il fait, et l'équipe c'est la priorité", admire par exemple Gaëlle Speter. Pour Noluène Gombert, une fan de 22 ans qui étudie à Lille, c'est Lucas "Saken" Fayard. "Il est juste incroyable. C'est un pilier de la Kcorp, que dire..! J'aime sa simplicité : on gagne, c'est incroyable ; on perd, c'est pas si grave, on se relève." Esteban Issandou, lui, cite Maëllo "AztraL" Ernst, un joueur professionnel de Rocket League. "Mon style de jeu se réfère plus au sien et j'aime ce qu'il est capable de faire, comment il peut retourner un match, c'est assez exceptionnel..."
La KCorp et ses fans, c'est de la fidélité de haute volée. Le personnage accessible de Kameto, son parcours, son ambition, ont attiré un large public, et même initié de nombreux fans de jeux vidéo à la scène compétitive. Fait rare dans le milieu esportif, les fans des différentes licences de jeux vidéo se considèrent membres de la même communauté. Voire, même, de la même famille. "A la KCorp, on retrouve beaucoup plus de sentiment de communauté. On est soudés, vous voyez ? On n'aime pas l'équipe seulement quand elle est forte. On la suit, on la soutient, et dès qu'elle perd, on va aller soutenir l'équipe victorieuse ? Non, ça ne marche pas comme ça ! tranche Paco Demarlière. On a vraiment ce "fanatisme" d'une équipe de foot comme l'OM, qui n'est pas forcément lié au résultat." Gaëlle Speter confirme avec enthousiasme : "L'ambiance est géniale entre les membres, tout le monde s'entraide : si quelqu'un a une question, ou du mal à s'intégrer... Jamais personne ne sera mis à part. Ça nous permet de rencontrer des personnes qui ont les mêmes intérêts que nous."
L'idylle est réciproque : les fondateurs de la KCorp et les joueurs semblent tout aussi pressés de retrouver leur public. "Comment trouver le sommeil, demain on doit faire Bercy" twittait Kamel Kébir, à la veille de faire face à 12 000 fans.