Lors du week-end pascal des centaines de doses d’AstraZeneca sont restés sur les bras de centres de vaccinations, faute de volontaires en Hauts de France. A tort ? Un infectiologue de l’Institut Pasteur de Lille répond à nos questions.
Le week-end dernier, on a compté plusieurs centaines d’annulations de rendez-vous pour se faire vacciner avec de l’AstraZeneca, dans les Hauts de France. A Calais, comme à Gravelines, 600 doses n’ont pu être injectées. 900 à Valenciennes ou près de 200 Boulogne-sur-Mer. Peu après, mardi 6 avril, le lien entre quelques dizaines de cas de thromboses et le vaccin AstraZeneca était scientifiquement avéré. Alors qu’en penser, faut-il réfléchir à deux fois avant de se faire vacciner par ce type de vaccin ?
Cinq questions à Daniel Camus, infectiologue et épidémiologiste à l’Institut Pasteur de Lille.
Quel regard portez-vous sur ce qui s’est passé dans des centres de vaccination des Hauts-de-France le week-end pascal où des centaines de doses de vaccins n’ont pas trouvé preneurs, faute de volontaires ?
C’est une réaction classique quand il existe un risque et qu’on apprécie mal la situation, ou on est mal renseigné. La réaction est manichéenne, elle consiste en une solution extrême : le retrait, la rétractation. C’est humain. Au lieu d’avoir une attitude mesurée correspondant à un bon niveau de connaissance ou d’information.
Pourtant le lien est avéré entre des cas -peu nombreux- de thromboses et le vaccin AstraZeneca…
Il s’agit plutôt de troubles de la coagulation au sens large plutôt que seulement des cas de thromboses. Il y a en fait, à cause du vaccin, un défaut de fonctionnement des cellules du sang que l’on appelle les plaquettes. Soit ces plaquettes sont détruites et provoquent des saignements, il y a alors un défaut de coagulation ; soit, au contraire, il y a une trop importante coagulation, c’est-à-dire des thromboses, espèces de caillots qui bouchent les veines.
Justement, quel est le rapport bénéfices-risques de ce vaccin ? Et comment ce rapport se mesure-t-il ?
On évalue la mortalité du Covid-19 et sa morbidité que l’on compare au nombre de personnes décédées d’un accident vaccinal ou qui présentent d’autres effets indésirables graves (EIG) suite à la vaccination. Aujourd’hui, on sait par exemple via l’Agence Nationale du Médicament qu’au 25 mars, en France, 4 850 effets indésirables graves ont été constatés pour 9,8 millions de doses injectées (7,2 millions de Pfizer ; 1,8 million d’AstraZeneca et 617 000 de Moderna). Il n’est donc pas raisonnable de ne rien faire, de ne pas se faire vacciner, a fortiori quand on a des facteurs de comorbidité. Maintenant, individuellement, c’est parfois compliqué. Une chose est de prendre un médicament quand on est malade, une autre est de s’injecter un vaccin avec ses risques d’effets secondaires, quand on est sain. A mon avis, les campagnes d’explication, de sensibilisation ne mènent à rien. Il faut du cas par cas : un entretien individuel, ouvert, pour entendre l’angoisse, l’argument, ou la sensibilité de la personne.
Pourquoi le vaccin AstraZeneca est aujourd’hui interdit aux moins de 55 ans en France ?
Parce qu’on s’est aperçus que des troubles de la coagulation apparaissaient chez des moins de 55 ans après vaccination, alors que ces troubles apparaissent, normalement, beaucoup plus rarement dans ces tranches d’âge.
En conclusion, vous estimez nécessaire de se faire vacciner ?
Les vaccins protègent à plus de 90% contre les formes graves de la Covid-19. Ils sont un peu moins efficaces contre la transmission de la maladie : quelqu’un de vacciné peut éventuellement transmettre le virus, mais il reste nécessaire de se faire vacciner.