Guerre en Ukraine : 10 jeunes kayakistes exfiltrés via la Pologne et l'Allemagne sont désormais en sécurité dans des familles du Canoë Club de Lille

Âgés de 14 à 18 ans et accompagnés d'un coach, les jeunes sportifs ukrainiens licenciés dans des clubs de canoë-kayak ont fuit leur pays. Après un périple interminable et confrontés à de nombreux obstacles, ils sont depuis accueillis dans des familles du Canoë Club Lillois.

Ce "convoi de l'espérance", le Canoë Club Lillois l'a décidé en moins de 24 heures. Sans aucune hésitation. Emmanuel Voynnet, son président, et sa femme Élodie, ont répondu à l'urgence dramatique de la guerre en Ukraine.

À l'origine, un lien tout particulier qui existe entre le club et leur fournisseur de bateaux en Pologne. Le 15 mars dernier, alors que l'invasion russe entame sa troisième semaine, leur contact polonais leur explique que le flot de réfugiés devient de plus en plus difficile à prendre en charge.

De nombreuses familles de jeunes sportifs le sollicitent, il faut organiser leur extraction d'Ukraine au plus vite. Les clubs des pays européens sont ainsi sollicités. Les responsables sportifs lillois répondent alors à ce SOS avec une énergie folle. "Nous sommes des bénévoles, une petite structures de 80 adhérents, mais avec mon mari et une amie nous avons pris le camion du club, ma voiture et nous sommes partis les chercher à Düsseldorf en Allemagne" raconte Élodie.

Le groupe à prendre en charge ? 10 jeunes kayakistes et céistes, âgés de 14 à 18 ans, un coach de 64 ans ainsi qu'une autre adulte, elle-même pratiquant le para-canoë. Ils sont issus des clubs de Lviv, Kiev, Zaporizhzhia et de la région de Kirovograd.

Une fois réuni, le groupe a d'abord du mal à franchir la frontière. L'armée ukrainienne refuse de laisser passer les adolescents de 16 ans et plus. Ils sont censés répondre à l'appel de "mobilisation générale", les hommes de 18 à 60 ans ne pouvant plus quitter le pays. À Lille, Élodie et son mari vont alors se démener pour leur adresser tous les documents et justificatifs attestant de leur qualité d’athlète licencié, membre d'une fédération sportive.

En Ukraine, les jeunes communiquent sur le réseau Telegram et nous plutôt sur WhatsApp, alors on a cherché leurs profils sur Instagram et c'est comme ça qu'on a gardé le lien pendant tout leur périple.

Élodie Voynnet, Canoë Club Lillois

Finalement les kayakistes ukrainiens pourront prendre le bus, direction Varsovie, 12 heures de trajet. Puis c’est le train pour Berlin. Mais personne ne parle polonais. Dans la nuit, à 2 heures du matin, ils réalisent qu’ils ne sont pas dans la bonne direction. Changement de train et nouveau départ pour la capitale allemande. Là un transfert de gare les attend. "Avec mon mari on craignait que ce soit très compliqué pour eux à Berlin, alors il a envoyé un message sur Instagram à Ronald Rauhe, le champion olympique pour qu'il intervienne" détaille Élodie Voyennet.

Ronald Rauhe a quand même 15 000 abonnés sur Instagram, et bien il a répondu à mon mari ! Sans hésiter il lui a dit qu'il récupèrerait les jeunes avec de quoi leur donner à manger et un peu de réconfort. Imaginez les jeunes à la gare quand ils ont vu le champion olympique, ils hallucinaient !

Élodie Voynnet, Canoë Club Lillois

L'accueil des Lillois

Élodie et son mari décident alors d'aller chercher eux-mêmes en Allemagne les réfugiés avec une amie. Le rendez-vous aura lieu à Düsseldorf, pour enfin les amener à Lille après près de 5 heures de voyages. "Les jeunes étaient épuisés à leur arrivée au club, mais après un tel périple c'est bien normal" raconte encore Élodie.

La répartition des jeunes dans les familles bénévoles s'est faite naturellement. Depuis l'annonce de l'opération "convoi de l'espérance" sur les réseaux sociaux du club, la mobilisation a été exemplaire. Les kayakistes garçons ont trouvé des parents avec des adolescents de leur âge ou approchant, pareil pour les filles. "C'était beaucoup d'émotions pour les jeunes ukrainiens à leur arrivée, mais aussi pour les familles."

Si ces sportifs viennent d'échapper aux bombardements et aux images de mort dans leur pays, tous ne réalisent pas encore leur situation. Quand les responsables du Canoë Club Lillois leur parlent de leur inscription au collège ou au lycée, ils s'étonnent.

Ça ne sert à rien d'aller à l'école, à la fin de la guerre je rentre chez moi, dans 3 semaines je serai de retour !

Un jeune kayakiste ukrainien

En arrivant à Lille et même pris en charge avec beaucoup d'affection, les jeunes gardent leurs traumatismes. "Ils continuent à recevoir sur leur téléphone les alertes à la bombe dans les différents villes du pays" nous explique Élodie. Avec son mari elle héberge Natella, une para-céiste de 56 ans qui a fait le voyage avec sa fille Macha et sa petite-fille Alina, dont le père est décédé sous les attaques russes.

Une cagnotte pour les jeunes

La priorité désormais est de s'assurer que tous les jeunes soient administrativement en règle. "C'est un peu l'usine à gaz, raconte Élodie, il y a beaucoup de papiers à fournir. Par exemple on a besoin de connaître leur ville de naissance, mais sur les passeports c'est écrit seulement en cyrillique. Heureusement, l'adjointe aux sports de la ville de Lille nous aide énormément."

Le club lillois souhaite pouvoir aider les jeunes dans la durée, proposer des activités, une journée à paris peut-être mais aussi le quotidien pour eux et les familles d'accueil. Et puis il y a cette perspective de les emmener aux championnats de France à Libourne les 9 et 10 avril prochains. Une autre expédition à organiser !

Pour les aider, une cagnotte en ligne est ouverte. Nul doute que la solidarité des gens du Nord va se manifester encore une fois.

À Lille, la vie reprend doucement pour les sportifs. Eux qui s'entraînaient deux fois par semaine en Ukraine, ont repris le chemin des plans d'eau. Sur le bras mort de la Deule, près d'Euratechnologie ou à proximité de la citadelle, il y a désormais un groupe de kayakistes et céistes plus imposant. Uni par une passion commune. En glissant sur l'eau les jeunes retrouvent leurs réflexes et un peu de sérénité.

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