Tidjani Bekkadour-Benatia est le père du jeune lycéen décédé en pleine épreuve du baccalauréat au lycée Gaston Berger de Lille. France 3 Hauts-de-France a recueilli son témoignage. Il réclame aujourd'hui des explications sur les circonstances de la mort de son fils.
Que s’est-il passé dans la salle d’examen du lycée Gaston Berger de Lille ? C’est la question qui hante désormais Tidjani Bekkadour-Benatia, le père de Nadir Bekkadour, lycéen décédé en pleine épreuve du baccalauréat, mardi dernier.
“Il était 15h07, 15h07…”, à plusieurs reprises, le père de famille insiste et répète l’heure exacte à laquelle sa femme l’a appelé. Il était alors au travail, à Lesquin. “Au téléphone, elle m’a dit en pleurant que Nadir avait eu un malaise. J’ai immédiatement quitté le travail.” Lorsque Tidjani arrive au lycée Gaston Berger, il se souvient du monde et de l’affolement autour de lui. “Il y avait les élèves mais aussi beaucoup de pompiers, le Samu… les sirènes résonnent dans ma tête” raconte le père de famille, toujours sous le choc.
Il se souvient : “Lorsque je suis entré, le proviseur était là ainsi que ma femme. J’ai tenté de la réconforter. Des soignants sont ensuite venus nous dire : c’est très grave. Je leur ai demandé de faire tout leur possible.” Le père de Nadir demande alors à voir son fils. Il entre dans la salle d’examen. “Nadir était au sol. Les soignants utilisaient un défibrillateur. Son corps se soulevait, décollait, presque 20 cm au dessus du sol à cause des électrochocs.”
La réanimation est un échec. Nadir est alors transféré au CHR de Lille, où il est suivi depuis l'enfance pour une maladie cardiaque sévère. La famille s’y réunit. “Une heure après notre arrivée, un médecin m’a annoncé la mort de mon fils. Le cauchemar. J’ai demandé pourquoi Nadir partait comme ça, pourquoi nous. J’ai beaucoup pleuré” confie le père, inconsolable depuis.
L'incompréhension de toute une famille
A la douleur et à la peine d’un deuil, s’ajoute aujourd'hui l’incompréhension. Plusieurs témoignages d’élèves présents autour de Nadir ce jour-là pointent le manque de réactivité des huit surveillants en charge de l’épreuve. Plusieurs camarades ont même témoigné directement auprès du père de Nadir. “Un ami à lui m’a confié avoir alerté les surveillants à deux reprises. Il disait : on s'en fout du bac, quelqu'un est en train de mourir. Personne n’a rien fait. Ils leur ont dit de poursuivre leurs épreuves.”
L’état de Nadir se dégrade alors. Selon des élèves présents sur place, “il devenait tout bleu”. La panique s’empare de la salle d’examen. Selon ces mêmes témoignages, les secours seraient arrivés environ 20 minutes après le malaise de Nadir. C’est ce qui explique aujourd’hui la colère de Tidjani. “Ils ont peut-être pensé qu’il faisait la comédie. Mais peu importe, même un animal on ne le laisse pas comme ça” raconte-t-il avec “dégoût”.
De leur côté, joints par téléphone, le lycée et le rectorat se refusent à tout commentaire. Notamment parce que deux enquêtes sont déjà ouvertes. La première, administrative, à l'initiative du ministère de l'Education Nationale. La seconde par la procureure de Lille pour déterminer "les causes de la mort" du lycéen et de déterminer exactement "les circonstances du décès."
Le père de famille l’assure, selon lui, le lycée Gaston Berger était bien au courant des antécédents médicaux de Nadir. “Il était dispensé de sport. Tout le monde savait qu’il avait des problèmes cardiaques, qu’il était équipé d’un pacemaker. C’est même moi qui ai prévenu à plusieurs reprises l’établissement”. Le père de famille envisage donc de porter plainte. “Il était malade. Peut-être qu’il serait mort dans tous les cas. Mais pourquoi n’avez-vous pas tout fait pour le sauver ? C’est la question qui me brûle aujourd’hui. Pourquoi ? C’est de la non assistance à personne en danger.”
"Je veux juste savoir ce qu'il s'est passé"
Mais avant le temps de la justice, la priorité est au recueillement pour la famille. “Aujourd’hui, Nadir sera inhumé. C’est le temps du recueillement. Je porterai plainte ensuite” insiste Tidjani avant de reprendre : "Je crois à la justice française. Je veux juste savoir ce qu'il s'est passé."
Un père qui salue la mémoire d’un fils courageux. “Il n’acceptait pas d’être malade. Il était passionné de football alors il jouait. C’était un jeune. Il était malade depuis petit. Il est arrivé en France petit, pour être soigné. Et grâce à ses médecins ici, il y avait du mieux”. Il décrit Nadir comme un garçon jovial et solidaire. “Mon fils, tout le monde l’aimait, il avait toujours le sourire. C’était quelqu’un de bien, un ami, un frère.” Il conclut, en peine et résigné : “C’était un ange, et le bon Dieu l’a pris.”