Mélanie Loriot ne propose pas de l'art-thérapie. Elle n'est pas médecin. Néanmoins, elle fait partie d'une équipe hospitalière, presque d'un parcours de soins. Via la lecture, via ses échanges nourris avec les patients ou les personnels, elle propose "à coups de livres...", comme dit la chanson de J.-J. Goldman, "de franchir tous ces murs" que peuvent représenter les maladies. Portrait d'une bibliothécaire sélectionnée en finale d'un concours national.
Lors de son entretien d'embauche Mélanie n'y était pas allée par quatre chemins. Elle avait confié sa peu reluisante représentation de l'hôpital : "austère, où on ne veut pas aller et où on mange mal".
La jeune femme, alors âgée d'un peu plus de 25 ans, armée de deux Masters et d'une solide expérience - autour de projets - menée à bien dans une association culturelle du bassin minier puis d'une autre association, des éditeurs des Hauts-de-France, s'était alors étonnée, confie-t-elle, qu'il existe "une bibliothèque à l'hôpital".
Néanmoins, solaire, ayant le goût de la discussion, du contact et de la rencontre, elle avait bien tapé dans l'œil de Karine Fraysse, déléguée aux affaires culturelles de l'hôpital, lors de son entretien pour un éventuel recrutement.
Certes, au début, Mélanie a eu une "petite appréhension" : "je me disais mince les gens vont me parler de leurs pathologies. Moi, je ne suis pas médecin, je ne vais pas pouvoir leur répondre". Mais finalement, "je trouve cela super parce que, les gens quand ils passent le pas de la médiathèque, ils ne se sentent plus à l'hôpital. Ils s'évadent par la discussion et la lecture".
4 000 ouvrages
Pour sa première mission "livres et lecture" à l'hôpital, le projet a été conséquent : penser et organiser en équipe l'ouverture d'une bibliothèque à l'hôpital Claude Huriez de Lille qui accueille patients ou proches, personnels, voire du quartier et leur propose quelque 4 000 ouvrages. Sur la médecine, les pathologies comme le diabète ou le cancer, "pour éviter que les gens se renseignent mal sur internet" mais aussi et surtout des romans, des fictions, pour les deux tiers du fonds.
Si la médiathèque du CHU existe depuis 2009, "c'était un module qu'on dépliait, en accordéon, dans les couloirs. Désormais, on a voulu un lieu où tout un chacun est bienvenu, pour discuter, discuter livres et emprunter". Un repère, un lieu de rendez-vous, comme pour ce patient d'une trentaine d'années qui, lors de son passage à l'hôpital, passait consulter les magazines de voitures ou de motos.
Lien social
Ou comme Marie-Josèphe, septuagénaire, qui aime découvrir des univers différents et qui compte devenir bibliothécaire bénévole. Marion, secrétaire d'un service du CHU, a bien compris aussi l'intérêt d'un tel lieu et s'est prise au jeu, durant sa pause de venir discuter avec Mélanie, des séries télévisées du moment ou des challenges littéraires (1) qui se lancent sur le web et auxquels toutes les deux participent.
Il y a là aussi, un couple de passage, dont la femme a un problème ophtalmique et vient demander des renseignements sur un immense vitrail exposé dans le hall de l'hôpital, juste à côté de la bibliothèque. Son mari en profite pour récupérer le magazine Rose, qui titre sur "Mon sport, ma thérapie". Bref, Manu de l'accueil, ou Seb, du courrier, venu chercher le dernier Franck Thilliez, en attesteraient sûrement aussi : ici, on crée du lien social.
Et le nombre de prêts décolle. "Certes, il y a un effet d'ouverture", commente Mélanie, mais, en moins d'un an "on a prêté 3 500 ouvrages alors que les années précédentes, c'était mille ouvrages".
La jeune bibliothécaire, 31 ans aujourd'hui, assure également que pour les Bateliers (antenne du CHU) du Vieux-Lille ou Jeanne de Flandre (la maternité) située à quelques encablures, "on a mis en place un service de portage, via notre service de courrier interne. Le cœur du métier, c'est l'usager en fin de compte : comment je peux répondre à leurs besoins. On prend les avis avec plaisir ! On a même des psychologues qui viennent nous conseiller des livres jeunesse".
Parcours de soins
Interrogée sur ce qu'elle aime dans son métier, Mélanie rétorque que "ça a du sens", qu'il y a une espèce d'émulation, et prend en exemple la publication de son collègue de la communication à propos de la finale Livres Hebdo des meilleurs bibliothécaires de l'année. "Mon collègue a fait un post Facebook et des patients sont venus me voir pour dire qu'ils avaient voté pour moi. Je ne suis pas du tout dans le soin, mais je fais partie de la communauté hospitalière qui participe au parcours de soins".
Karine Fraysse, interrogée sur la question, explique que : "le but est de soutenir, de la même manière que d'autres services, le parcours de santé au sens large. Le bien-être, la psychologie en font partie. Ici à Huriez, à la médiathèque, il y a une oreille attentive qui va moduler, modérer leur rapport aux soins et à la représentation qu'ils ont de l'hôpital".
Cœur de bibliothécaire
Ses coups de cœur de lectrice (elle lit 70 romans par an), "ce sont des bouquins que je conseille : ceux de Marie Vareille ou Claire Norton". "À chaque fois que je termine un de leur bouquin, j'ai la satisfaction de connaître l'issue de l'histoire mais, je me dis : mince, je ne verrai plus les personnages". C'est le deuil du livre avec l'envie d'écrire à l'auteur pour savoir quand il sort son prochain opus.
J'ai adoré La dernière allumette, le dernier livre de Marie Vareille qui, dans la France contemporaine, raconte l'histoire d'une bonne sœur qui ne peut parler et qui va écrire son histoire ainsi que celle de son frère, Gabriel.
(1) Qui consistent à lire des livres contenant plusieurs mots-clés.