Les locaux de l'association Al Amal de Wattignies vandalisés : "C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase"

Alors qu'une manifestation pour obtenir un lieu de prière pour le Ramadan se terminait samedi 18 mars devant la mairie de Wattignies, la communauté musulmane de la ville a eu la mauvaise surprise de découvrir les locaux de l'association musulmane Al Amal totalement vandalisés.

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"On dirait qu'ils avaient les plans : ils sont descendus dans la cave, ont arraché les fils du boitier électrique pour désactiver l'alarme et les caméras !" Ce dimanche 19 mars, dans les locaux du centre musulman Al Amal, les esprits sont tendus.

Une réunion s'est tenue entre la communauté musulmane de Wattignies (Nord), le maire Alain Pluss et son adjoint Jean-Marie Décan. En cause, un acte de vandalisme qui a touché les locaux de cette association culturelle et cultuelle qui arrive au moment où les fidèles réclament un local pour prier, à quelques jours du début du mois de Ramadan. 

"On ne se sent plus en sécurité"

Les plafonds ont été détruits, les fils électriques arrachés et les sols sont jonchés de débris. "C'est comme si on avait cassé votre propre maison", déplore un habitant qui se demande si les récentes manifestations pour obtenir un local de prière n'ont pas attiré l'attention d'un groupuscule d'extrême-droite. 

Le maire, de son côté, en est convaincu : ce vandalisme est bel et bien d'un "acte islamophobe". "L’acte de vandalisme est scandaleux, honteux, on ne peut pas faire des choses comme ça", déplore-t-il. Son adjoint renchérit : "La cassette qui contient de l'argent n'a pas été volée et ils n'ont pas récupéré un centimètre de cuivre". 

"On ne se sent plus en sécurité", lancent plusieurs fidèles en rappelant que ce saccage est un nouveau coup de massue alors qu'ils sont en pleine bataille pour permettre l'ouverture de ce centre, inoccupé à cause de plusieurs refus de permis de construire. 

"C’est vraiment détail sur détail pour empêcher l’ouverture"

Car, depuis l'acquisition des locaux, de nombreux obstacles administratifs et préfectoraux les empêchent d'ouvrir le lieu. "Une fois, c’était une porte coupe-feu et après, il y a eu une histoire de traçage au sol, une fois que le traçage a été réglé, on nous sort un autre problème. C’est vraiment détail sur détail pour empêcher l’ouverture", énumère Sofiane, membre du collectif des musulmans de Wattignies, créé pour mener des actions de terrain et faire entendre les besoins des fidèles de la ville. 

Certains considèrent qu'il s'agit d'excuses infondées pour retarder l'ouverture du lieu. Le maire et son adjoint, qui n'hésitent pas à envoyer leur avis favorable à la préfecture, estiment également que certaines justifications données pour ne pas fournir le permis de construire se contredisent d'un refus à l'autre. 

Cette affaire est d'autant plus complexe que les fidèles, en plus de se battre pour avoir un lieu provisoire pour prier et ouvrir définitivement ce centre, doivent désormais composer avec les dégâts liés à l'acte de vandalisme. Une enquête est d'ailleurs en cours pour déterminer les circonstances exactes et retrouver les coupables. L'ampleur des dégâts seront quant à eux estimés à partir de lundi par un expert de l'assurance. 

"Un modèle de vivre ensemble"

Pour comprendre l'attachement qu'a la communauté musulmane de Wattignies envers ce lieu, il faut remonter à 2008, lors de la fondation de l'association Al Amal. Celle-ci a peiné pendant plusieurs années à trouver un endroit qui permettrait à la fois d'avoir un espace culturel et un espace cultuel.

Il a fallu attendre 2019 avant d'en trouver un. Des centaines de personnes se sont alors mobilisées pour aider à coups de dons et de main d'oeuvre.

"On recevait des dons des fidèles mais aussi d'habitants d'autres confessions, certains ne venaient même pas de Wattignies, se rappelle Najih, un wattignisien. Je n'ai jamais vu une telle solidarité et une collecte de fonds aussi rapide". En quelques mois seulement, 750 000 euros ont été réunis. Des petits travaux "pour retaper la peinture, le faux plafond ou changer quelques fenêtres" ont eu lieu et ont mobilisé des habitants de la ville, explique Abdelghafour, le président de l'association. 

Najih se dit chagriné que le lieu n'ait jamais encore ouvert ses portes. "On a fait ce projet pour offrir un lieu d'ouverture d'esprit, c'est un projet pour la jeunesse, détaille-t-il. On voulait offrir un lieu qui mette en avant l'Islam de la lumière, pas celui de l'obscurantisme. Cela devait être un modèle de vivre ensemble". 

"Je préfère avoir un lieu de prière officiel, contrôlé et géré"

Désormais, l'acte de vandalisme vient ajouter des difficultés supplémentaires à l'association et le collectif des musulmans de Wattignies. Sofiane regrette l'absence de lieu de prière et le fait que certains doivent se déplacer jusqu'au quartier de Lille-Sud pour prier dans une mosquée, "mais ce n'est pas évident pour les personnes âgées". 

Et au-delà de la question de l'accessibilité, celle de la sécurité vient se poser. "Je préfère avoir un lieu de prière officiel, contrôlé, géré, que des caves, des appartements en mode sous-marin où tu ne sais pas ce qui y est dit, ça peut vite tourner à la catastrophe. Alors qu'ici, on a un lieu officiel". 

"Je trouve légitime qu'on demande un lieu pour exercer son culte"

Le maire trouve "légitime qu'on demande un lieu pour exercer son culte". Il distingue aussi deux points essentiels dans ce dossier. Le premier, c'est celui d'instruire "sur la proposition d'un lieu" mais les propositions sur trois salles "étaient négatives à cause de conventions posées" avec le service jeunesse-sport de la ville, entre autres.

Le deuxième, "qui m'embarrasse beaucoup", concerne les avis défavorables donnés sur l'accessibilité et la sécurité du lieu. "Un coup sur deux, ils alternent, on passe d'un côté puis d'un autre", souligne Alain Pluss. 

Et tant qu'il n'a pas d'avis favorable de la préfecture, ni lui, ni son adjoint ne peuvent instruire le permis de construire. "Et quand les avis seront levés, on instruira ce permis comme tous les autres permis de la ville", assure-t-il. 

En attendant que la situation évolue, d'autres manifestations devraient se tenir dans les semaines à venir. Une réunion aura lieu en début de semaine pour trouver un lieu provisoire où les musulmans de Wattignies pourront se retrouver pour le Ramadan. 

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