Laëty, artiste engagée pour rendre possible l'accès des sourds à la culture, vient de réaliser une vidéo sur la Grande Place de Lille. Elle "chansigne" une chanson de Christophe Maé "Il est où le bonheur ?". Postée le mercredi 26 janvier, la vidéo dépasse les 300 000 vues.
Sur la Grande Place de Lille, Laëty chansigne. Si ce n'est le bonheur, elle semble en tout cas avoir trouvé ce qui la fait vibrer au quotidien : rendre plus accessible l'art aux personnes sourdes.
Plus de 300 000 vues sur Facebook
Face au succès de la vidéo sur Facebook (le son de la vidéo a été coupé par le réseau social pour des raisons de droit d'auteur), Laëty n'est pas si surprise : "On est dans une période d'engouement autour de la langue des signes. Donc c'est génial de voir que la vidéo fonctionne aussi bien mais j'espère que cela va permettre aux 300 000 personnes de prendre conscience de la présence des personnes sourdes autour de nous."
Car pour les personnes atteintes de surdité, les contraintes liées à ce handicap sont omniprésentes : "C'est un combat pour eux, demander à un garage d'être dépanné, prendre un rendez-vous médical. Il faut que la langue des signes soit beaucoup plus présente dans notre société."
De cette surdité, découle une autre vision du monde selon l'artiste : "Ils n'entendent pas donc ils ont développé une vision du monde forcément différente car dans leur univers, le son n'existe pas. La culture des sourds est très riche et on a beaucoup à en apprendre."
Une artiste formée à Nantes
C'est à 15 ans qu'elle découvre la langue des signes. A l'époque, dans son cercle proche, elle ne connaît aucune personne sourde. "En découvrant la langue des signes, j'ai décidé d'aller à la rencontre du peuple sourd. On allait danser et en concert, je m'amusais à leur signer les paroles des chansons".
Depuis, elle s'est toujours battue pour la reconnaissance des citoyens sourds, leur accès à la culture et le bilinguisme. A partir de 1999, elle est soutenue par l'association nantaise Cultiv'Art. Elle monte sur scène pour signer des poésies.
Elle s'est ensuite investie à rendre le festival nantais HIP OPsession accessible puis a créé son association TAC (Tout Art et Culture) qui sensibilise à l'accueil du public sourd mais aussi densifie l'offre culturelle proposée aux sourds "signeurs".
"A la base, je suis une personne timide, je travaille sur ce trait de caractère mais le contact avec des personnes sourdes m'a vraiment aidée", reconnaît Laëty. "La langue des signes nous oblige à accepter d'être regardé, scruté de manière intense car si nous écoutons avec nos oreilles, eux, ils écoutent avec leurs yeux."
Paris a aussi eu droit à son chansigne
Laëty s'est aussi produite à Paris, devant les Jardins du Trocadéro. Elle a choisi cette fois-ci d'interpréter "La Foule" d'Édith Piaf.
Le chansigne, qu'est-ce que c'est ?
"Simplement, c'est une chanson en langue des signes", explique Laetitia Tual. De manière plus complexe, elle revient à la définition originelle d'une chanson, "une expression travaillée en vocal" pour la transformer en "expression travaillée en langue des signes".Car, au-delà du signe en lui-même, il y a tout un aspect créatif et d'interprétation à prendre en compte lorsqu'on signe et forcément qu'on chansigne : "Si on signe un moteur par exemple, on va réaliser le même signe s'il est en panne ou s'il fonctionne à fond. C'est grâce à la créativité de chacun que l'on fait comprendre la différence".
Le chansigne existerait depuis longtemps. "Personnellement, cela fait vingt ans que je le pratique, je l'ai découvert sur internet", se souvient l'artiste. "Je pense que ça a toujours existé mais juste qu'on ne savait pas comment le nommer."