Les étudiants de l'ENSAP de Lille sont entrés ce 13 mars dans la mobilisation nationale des écoles d'arts et d'architecture, avec une manifestation sur la Grand Place. Enseignants, étudiants et écoles dénoncent ensemble un manque de moyens chronique.
"Du budget pour nos projets", "Archi pas contents", "Ecole Nationale Sans Avenir Possible"... Leurs pancartes à la main, ils sont des dizaines d'étudiants et d'enseignants de l’École nationale supérieure d'architecture et de paysage de Lille (ENSAPL) allongés sur la Grand Place de Lille, ce 13 mars.
Un "die in", pour symboliser la mort annoncée des écoles d'art et d'architecture, victimes d'un manque de budget chronique selon les acteurs du secteur.
"On est en colère et on restera mobilisés"
"A Lille, on est face à un manque de moyens et de personnel administratif. Certains cours sont passés en visio parce que nos enseignants sont à cheval sur plusieurs écoles. Les étudiants, même les plus précaires, sont contraints de payer eux-mêmes pour des voyages scolaires qui sont obligatoires. On paye nous-mêmes pour concevoir nos maquettes, faire nos impressions..." détaille Antoine Baulard, représentant du collectif ENSAP Lille en lutte.
A Lille, la direction de l'ENSAP et l'Université de Lille ont apporté leur soutien à la mobilisation dans un communiqué rendu public. Cette semaine a été déclarée blanche au sein de l'école, ce qui permet aux étudiants de mener leurs assemblées générales et leurs actions de visibilisation de leur cause.
"On est en colère et on restera mobilisés après cette semaine de blocage. On mérite d'étudier dans des conditions convenables ! Nous déciderons des actions au fil des AG mais une nouvelle action aura lieu le 15 mars" avertit le représentant étudiant.
En plus de l'ENSAP de Lille, une autre école d'architecture du Nord est menacée, l'ESAD de Valenciennes. En crise depuis 2016, celle-ci pourrait être fusionnée avec l'école d'art de Cambrai. La colère gronde mais le maire de la ville, Laurent Degallaix refuse, selon ses propres mots,"de compenser la défection de l'Etat" en portant le financement de cette institution soumise à des coûts de gestion importants.
L'inflation pèse lourd sur les écoles d'archi
La mobilisation a démarré dès le 6 février, à l'ENSA Normandie, où un manque de personnel a mené à la suppression de deux semaines de temps d'enseignement. Peu à peu, 3 écoles supérieures d'art et 11 écoles d'architecture se sont mobilisées dans leur sillage. En atteste la création du collectif des ENSA en lutte, qui ont coordonné ce 13 mars cette mobilisation nationale.
Dans un manifeste publié le 3 mars sur le site du journal Médiapart, le collectif ENSA en lutte décrit les maux qui affligent les écoles d'architecture. "Dans l’ensemble des écoles, une grande précarité budgétaire s'est installée, conduisant à des situations récurrentes de déficit qui engendrent à leur tour des mesures d’austérité et des risques psychosociaux (...) : baisse des moyens au service de la pédagogie, hausse des frais d’inscription et de scolarité, précarisation des personnels et des étudiant·es, suppressions de postes."
L'inflation et l'explosion des prix de l'énergie ont donc pesé lourd sur un secteur éducatif déjà fragilisé. Parmi les difficultés rencontrées, le collectif ENSA en lutte cite également "la non-compensation par l’État du dégel du point d’indice des agents de la fonction publique, la fragilité financière des collectivités territoriales" et des dotations budgétaires "qui stagnent ou régressent" depuis 10 ans.
Un tiers des enseignants sous-remunérés
La mobilisation des étudiants, des enseignants et des écoles est notamment soutenue par la CGT Culture qui pointe, dans un rapport chiffré, une gestion gouvernementale "déconnectée des demandes et des besoins". Les écoles d'architecture ont pourtant la côte : le site Parcoursup aurait enregistré, en 2021, plus de 47 000 candidatures, pour seulement 3300 places disponibles.
Selon le syndicat, "plus du tiers des enseignant.es de ces écoles sont sous-rémunérés". En 2020, les enseignants dénonçaient déjà cette situation auprès de la ministre Roselyne Bachelot, dénonçant une rémunération ne correspondant pas "à leurs qualifications, leur expérience et leur ancienneté".
Dans un rapport sur le projet de loi finances 2021, le Sénat estimait que "les dotations des ENSA sont faibles en comparaison de celles allouées aux établissements universitaires. La dépense moyenne par étudiant en ENSA est de 7 597 euros par an, contre 11 670 euros par an en moyenne dans l'ensemble de l'enseignement supérieur."
A Lille, le syndicat demande des moyens au ministère de la Culture, mais aussi à celui de la Transition énergétique, un enjeu désormais omniprésent pour tous les travailleurs du secteur de la construction et de l'urbanisme.