Lille : 300 étudiants des Arts et Métiers protestent contre une hausse probable jusqu'à 500 % des frais de scolarité

300 étudiants de l'école des Arts et Métiers ont manifesté ce lundi 29 mars à Lille contre la probable hausse des frais de scolarité, qui pourraient passer de 601 à plus de 2 500 euros. La direction assume cette augmentation, c'est désormais à la ministre de l'Enseignement supérieure de trancher.

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L'opération a été minutieusement préparée. Dès ce dimanche, ils ont apporté la banderole, déployée lundi 29 mars devant le campus des Arts et Métiers (ENSAM) de Lille, située Boulevard Louis XIV. 200 à 300 étudiants – sur les 600 – ont manifesté pour protester contre la probable hausse des frais de scolarité pour les nouveaux entrants à partir de la prochaine rentrée. Actuellement de 601 euros, ils pourraient s'élever à 2 500 voire 3 500 euros, soit une augmentation entre 300 et 500 %. "Une injustice", selon Maxime Dubois, président de l’association des élèves des Arts et Métiers de Lille. Un enseignant-chercheur du campus s'interroge "sur le timing et la pertinence" d'une telle annonce en pleine épidémie de Covid-19, avec de terribles conséquences sur le porte-feuille d'étudiants.

Un sentiment pas du tout partagé par Philippe Degobert, directeur de l'établissement nordiste depuis deux ans et enseignant-chercheur depuis 1990. "C'est une demande du ministère de se mettre sur le standard des écoles A+ comme les Mines, Polytech, Supélec. Leurs tarifs se situent entre 2 500 et presque 4 000 euros l'année."

Jeudi dernier, lors du conseil d'administration de l'ENSAM à Paris, la motion "de consultation", selon M. Degobert, a abouti à 18 votes pour, 10 contre et 2 abstentions sur 30 bulletins. Ce qui ouvre la voie à une augmentation des frais d'inscription. 

Le directeur de l'école dénonce un "amalgame"

Le directeur de l'école lilloise argue que ce sujet est sur la table depuis plus de deux ans. "La faute vient de tous les membres du conseil d'administration. Les élèves, les enseignants, tous les membres sont en tort." Lorsque les discussions entre la ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, et le directeur général des Arts et Métiers se sont intensifiées à partir de décembre dernier, la hausse des frais d'inscriptions est redevenue un sujet aux conseils d'administration successifs à Paris. Jusqu'à ce vote qui va entraîner une décision de la part de Frédérique Vidal. On ignore lorsqu'elle va la prendre.

Si le directeur lillois justifie cette future probable augmentation par une volonté d'harmonisation entre toutes les écoles d'ingénieur du même standing, étudiants et enseignants – trois quarts d'entre eux seraient opposés à la hausse des frais d'inscription – estiment que l'argent glané permettrait de financer un nouveau projet pédagogique nommé "learning factory", qu'on peut traduire par "usine école". "C'est une concordance de calendrier. Ils font un amalgame entre la hausse des frais d'inscription et ce projet de learning factory", dénonce Philippe Degobert, qui a finalement admis, en fin d'entretien, que l'augmentation des frais d'inscription couvrirait "en partie le projet de financement de learning factory".

"C'est un projet encore au stade embryonnaire, encore trop flou pour faire appel à la mobilisation des étudiants. On refuse de payer et de voir, après, ce qui a été fait", se défend Maxime Dubois, qui craint que son établissement, public, ne perde son identité – entre les boursiers, qui ne déboursaient pas de frais et les autres, il n'y a pas d'échelon intermédiaire.

"Les Arts et Métiers, c'est une école accessible à tous, un des plus beaux symboles de la méritocratie. Toute une catégorie va devoir revoir ses plans, la diversité du public va être menacée. Des étudiants se sont engagés dès la terminale dans des classes préparatoires en vue d'accéder à cette école, on va leur imposer une augmentation. Ça les prend en traître."

Maxime Dubois, président de l’association des élèves des Arts et Métiers de Lille

Le directeur lillois se défend, encore. "Les Arts et Métiers, ce n'est pas une université ! Actuellement, un étudiant paie en frais de scolarité 2 % de son coût total sur les trois années." Avec l'augmentation, le pourcentage passerait à plus de 10.

Et pourquoi les nouveaux étudiants trinqueraient et pas ceux actuellement en place ? "Quand on joue un jeu, on en garde les règles jusqu'à la fin. Une fois que l'augmentation sera actée, les plus de 1 000 étudiants connaîtront les nouvelles règles du jeu. C'est ce qui s'est passé dans les autres écoles", insiste M. Degobert.

Learning factory

Mais qu'est-ce que ce projet de "learning factory" ? Le directeur de l'ENSAM Lille explique ce nouveau projet pédagogique. "À l'école, on a des activités de recherche, de formation et d'innovation avec des espaces complètement dissociés et des projets où des étudiants n'ont pas accès. On veut lier les activités et identifier des cellules, des briques pour mutualiser un maximum." Comme le "jumeau numérique", qui permettrait à un des 8 établissements du réseau de faire un TP en présentiel pendant que les autres se greffent sur ce cours afin pour manipuler ces outils à distance.

"Le projet est séduisant sur le papier avec de nouveaux équipements, une approche différente de la formation, une montée en puissance des projets... avance l'enseignant-chercheur. Mais on a l'impression que tout est mis dans le même package." Les enseignants ont été consultés pour remonter à la direction ce qui pourrait être transformé, notamment dans les cours dispensés. Mais pas les élèves.

Les étudiants lillois ont été les premiers à se mobiliser contre la probable hausse des frais d'inscription ce lundi. Ils devraient être suivis par leurs homologues partout en France tout au long de la semaine. Avec l'intention que la ministre de l'Enseignement supérieur ne donne pas son aval pour cette augmentation. C'est mal parti.

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