"Mettre en valeur ces métiers tombés dans l'oubli" : les travailleurs essentiels au cœur du magazine des étudiants journalistes de l'ESJ Lille

Cela commence à être une tradition à l'École Supérieure de Journalisme de Lille (ESJ Lille). Depuis début janvier 2024, les étudiants de première année du Master généraliste planchent sur la conception du magazine Latitudes. Imprimé en 1 000 exemplaires, il sera vendu et diffusé par l'école, notamment à l'occasion de son centenaire.

Au 50 rue Gauthier de Châtillon, à Lille, la rédaction s'active pour le dernier week-end avant le bouclage du magazine Latitudes. Les 72 étudiants et étudiantes de première année de Master sont "à fond depuis trois semaines", raconte Clément Rabu, l'un des six rédacteurs en chef du print. Cela "sans compter le travail en amont sur la ligne éditoriale et le choix des sujets", que tient à rappeler Marie Tranchant, responsable pédagogique de la promotion.

Celle qui chaperonne l'organisation globale du projet a proposé aux apprentis journalistes de "repenser le monde du travail". Le thème s'est imposé face aux questions sur la "place du travail, la façon de travailler et le rapport entre la vie professionnelle et personnelle", estime l'ancienne journaliste au Figaro.

Essentiels, mais pas valorisés

Avant les vacances de fin d'année, la rédaction en chef a présenté sa ligne éditoriale aux journalistes. Resserrée sur les "travailleurs essentiels de la deuxième ligne du Covid-19", elle témoigne de la volonté des apprentis de "mettre en valeur ces métiers tombés dans l'oubli" explique Clément.

Un rapport commandé par le gouvernement Castex en 2021 a listé ces professions. Les futurs reporters s'en sont inspirés pour s'intéresser aux "éboueurs, caissières, aides à domicile ou agents de sécurité" dont on ne "pouvait se passer pour la continuité de la vie économique et sociale pendant la pandémie", détaille Marie Tranchant.

Alors qu'une reconnaissance leur était promise, "on constate qu'elle était toute relative" se désole-t-elle. Avant de dénoncer "les difficultés et contraintes communes à ces professions", comme les horaires décalés, les salaires bas et la difficulté à se syndicaliser.

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Pour introduire les 112 pages de magazine, deux des rédactrices en cheffe - Sophie Volatier et Enola Tissandié - ont réalisé un grand entretien permettant de "prendre de la hauteur sur le sujet tout en donnant une expertise", présente l'une d'elles. Leur rencontre avec le photojournaliste Vincent Jarousseau a permis d'aborder le travail des huit femmes qu'il a suivies pendant deux ans avant de publier son roman-photo Femmes du lien.

Parmi elles, Marie-Basile Mbarga, auxiliaire de vie à Paris, se confie notamment sur le manque reconnaissance dont elle souffre. "Tant qu'on n'a pas besoin d'elles, on ne se rend pas compte de leur utilité", résume Sophie Volatier. Elle déplore l'ignorance d'une société "qui tournait en partie grâce aux métiers du lien pendant l'épidémie et qui ne les a même pas reconnus."

19 ans ou 100 ans d'histoire ?

"Intensive, mais plaisante", selon Clément Rabu, la conception du magazine nourrit les attentes de publication. Ce 19ᵉ numéro sera disponible "fin février, début mars" assure-t-il, tout en rappelant le lancement du site internet le 30 janvier.

Le magazine vendu en ligne sera aussi distribué lors des évènements organisés à l'occasion du centenaire de l'école. Pierre Savary, son directeur, se voit bien, lors du week-end du centenaire, le 8 et 9 novembre 2024, "remettre à quelques VIP, en même temps que le livre anniversaire, un numéro de Latitudes."

Imprimé à 1 000 exemplaires au lieu de 500 les précédentes années, il constitue le "miroir de l'enseignement à l'ESJ", selon Pierre Savary, directeur de l'établissement. Se défendant de l'utiliser comme un "objet de communication", il reconnaît cependant le rôle du magazine dans la démonstration du travail des étudiants.

"Quand on l'envoie à 250 rédacteurs en chefs partout en France, c'est aussi pour leur dire de regarder ce que nos étudiants sont capables de faire avec l'espoir non dissimulé qu'ils aient envie de les récupérer", conclut Pierre Savary.

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Sur le mur de l'ESJ Lille, les articles sont affichés le long du chemin de fer. ©Latitudes 2024

L'année 2024 aura un "effet loupe", argue-t-il, sur cet "exercice pédagogique" qui permet "d'apprendre à créer un magazine professionnel" et se "rendre compte de la vie d'une rédaction", détaille Marie Tranchant. Un projet propre à l'école qui est né il y a 19 ans avec la publication de Mémoire vives, après le déplacement de la promotion en Pologne à l'occasion d'un séminaire sur les génocides.

L'année suivante, l'idée se pérennise avec une carte blanche donnée aux étudiants sur une ville. "On les envoyait 15 jours à Londres, Marseille ou Bruxelles, on voulait des idées et des sujets hors des sentiers battus", se souvient Pierre Savary. L'école opte ensuite pour l'illustration d'une thématique dans plusieurs pays, comme les radicalités traitées au Pays de Galles, en Pologne ou encore en Suède. Après avoir traité le charbon en 2023 au milieu d'une crise des énergies, Latitudes fera cette année un saut dans le temps pour repenser aux travailleurs essentiels laissés sur le carreau après la pandémie.

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