Le tribunal correctionnel de Lille examinait ce 6 juin 2023 la plainte de Violette Spillebout, députée du Nord, contre le journaliste Jacques Trentesaux, de Médiacités, pour harcèlement. Le ministère public s'en est remis à la décision des juges. Le jugement a été mis en délibéré.
Les faits remontent à la campagne des municipales de 2020. Le 13 février, à la fin d'un point presse de la candidate à la mairie de Lille Violette Spillebout, sa directrice de campagne Ingrid Brulant, s'entretient avec Jacques Trentesaux, journaliste et directeur de publication de Médiacités.
Au cours de la discussion, le journaliste s'interroge sur l'existence de photos pornographiques de Violette Spillebout, qui pourraient provoquer un "fait de campagne" selon Jacques Trentesaux. À la barre, ce 6 juin 2023, il assure qu'il n'avait pas d'intérêt en soi pour ces photos, clichés que son média n'avait pas vocation à publier. En revanche, il lui semblait qu'une éventuelle diffusion sur un réseau social ou dans un autre média aurait provoqué un séisme dans la campagne de Violette Spillebout.
A l'audience, la députée de la 9e circonscription du Nord, préfère lire un texte qu'elle a rédigé, à l'attention du président de séance. Elle évoque le "choc", qui a été le sien après le compte-rendu que lui a fait Ingrid Brulant à l'époque de son entrevue avec Jacques Trentesaux.
Ingrid Brulant, qui n'était pas présente à l'audience, aurait compris lors de cet entretien que Jacques Trentesaux était bien en possession des photos compromettantes. Ce dernier assure, lui, avoir toujours expliqué que ce n'était pas le cas mais qu'on lui avait promis ces photos, dont il souhaitait vérifier l'existence.
Quatre autres faits - pouvant constituer selon la plaignante une répétition et donc un fait de harcèlement - se seraient ensuite déroulés jusqu'au 29 avril 2020. Entre-temps, Violette Spillebout a écrit une lettre au journaliste datée du 8 mars, soit à sept jours du premier tour, pour dénoncer son comportement et lui demander de ne plus assister à ses points presse.
Jacques Trentesaux se rappelle alors être "tombé des nues" à la réception de cette lettre. Ce qui ne l'empêche pas d'expliquer dans un courriel du 29 avril, dans l'entre-deux tours de "continuer ses enquêtes tous azimuts".
La procureure s'en remet à la décision des juges
À l'audience, Violette Spillebout continue à lire son texte à la barre. Puis, silence... Émue, la députée pleure. Elle ne comprend pas : "Je l'ai dit aux policiers lillois : est-il légitime d'aller à la rencontre des gens pour parler de photos érotiques de moi ? Je me demande ce qu'il s'est passé dans sa vie. Je me sens salie, blessée, attaquée dans ma vie de femme et de mère. Je ne veux qu'une chose, qu'il cesse ses agissements".
La procureure n'a pas tranché mais a préféré s'en remettre à la décision des juges, étant donné que l'enquête sur les faits a été classée sans suite dans un précédent jugement.
Dans sa plaidoirie, Maître Stéphane Dhonte, avocat de Violette Spillebout s'est interrogé : "Ma cliente aurait inventé ? C'est elle qui aurait imposé le sujet ? Non, il y a une certaine emprise de Jacques Trentesaux, mise en place par touches, en finesse. Si ce n'est pas pour publier des photos, alors pourquoi poser la question à toutes ces personnes urbi et orbi. Il a eu un comportement qui a créé une situation d'emprise".
À l'opposé, Maître Vincent Fillola, avocat de Jacques Trentesaux, a soutenu qu'au contraire la vraie raison de la plainte de Violette Spillebout, "c'est qu'elle ne supporte pas quand la presse n'est pas laudative, quand elle ne lui porte pas ses lauriers. C'est une procédure abusive faite pour étouffer les journalistes qui ne sont pas complaisants." L'avocat réclame la relaxe et quelque 10 000 euros de dédommagements.
Pour conclure cette audience, le président de séance a donné la parole à Jacques Trentesaux. D'une voix calme mais, néanmoins ému, le journaliste a expliqué avoir quitté son domicile en disant à sa femme et sa fille : "vous saurez ce soir si je suis un harceleur sexuel", et de rappeler une parole de Violette Spillebout : "Depuis 2018, j'ai le sentiment d'être épiée". Le journaliste explique ne pas vouloir nier la souffrance réelle de celle à qui il est opposé dans cette affaire, mais évoque ce qu'il considère comme un "blocage" de la députée.
Le jugement a été mis en délibéré au 4 juillet 2023 à 14h00.