Le tribunal correctionnel de Lille a condamné les prévenus à des peines de prison allant de 18 mois à 3 ans de prison ferme, et le principal acteur du trafic à une peine de 5 ans ferme. La procureure avait requis 6 ans à l'encontre de ce dernier, faisant valoir que ce trafic était aussi lucratif que le trafic de drogue, mais moins risqué.
Ce mardi 30 janvier 2024, le tribunal correctionnel de Lille a condamné neuf hommes à des peines allant jusqu'à 5 ans de prison pour un vaste trafic de déchets entre la Belgique et la France.
Principal protagoniste de ce trafic, qui a conduit au déversement illégal de quelque 10.000 tonnes de déchets belges en France entre 2018 et 2021, Johnny Demeter a été condamné à 5 ans d'emprisonnement et à la révocation de deux ans de sursis prononcés en 2016.
Son avocat, Quentin Lebas, a jugé cette peine "lourde", bien qu'inférieure aux six ans requis, et indiqué que son client se réservait le droit de faire appel.
Sept autres hommes, dont quatre de la famille Demeter, ont été condamnés à des peines allant de 18 mois à trois ans ferme, et le dernier prévenu à la confiscation de sommes issues de ce trafic.
Outre une amende de 50.000 euros et une interdiction définitive de gérer une entreprise de déchets, Johnny Demeter est également condamné à la remise en état du site de Rédange (Moselle) où quelque 250 tonnes se trouvent toujours, sous astreinte de 150 euros par mois.
Le système mis sur pied consistait d'abord à amener des tonnes d'ordures belges dans des centres de retraitement français, escroqués par l'usage de faux noms de sociétés et jamais payés.
Par la suite, des camions d'ordures ont été déversés de façon sauvage dans des zones frontalières de Lorraine. Des terrains ont également été loués dans le nord de la France. Dans le Nord-Pas-de-Calais, Violaines, près de La Bassée, ou Loon-Plage et Coudekerque- dans le Dunkerquois, ont par exemple été concernés. Le procès s'est tenu devant la Juridiction interrégionale spécialisée, une première en France dans un trafic de déchets.
"Gains équivalents à ceux du trafic de stupéfiants"
La procureure avait souligné que cette activité génère dans l'Union européenne, des gains équivalents à ceux du trafic de stupéfiants, mais fait courir un risque pénal bien moindre.
Le tribunal a également condamné la plupart des prévenus à verser, en cumulé, des centaines de milliers d'euros de dommages-intérêts à Suez, d'autres compagnies escroquées, des associations de protection de l'environnement ou encore la commune de Rédange.
"La symbolique compte. Les sommes prononcées, si on les met bout à bout, sont astronomiques", a souligné l'avocate d'associations et de la commune de Rédange, Muriel Ruef. "On ne se fait pas d'illusion, on ne les récupérera pas mais il y a quand même une réponse forte du tribunal sur ce type d'infraction", a-t-elle ajouté, déplorant cependant le flou qui demeure autour du préjudice écologique, pas suffisamment investigué selon elle.
Dans sa plaidoirie, l'avocat de Johnny Demeter avait regretté l'absence au procès du géant du déchet belge Snoeys, qui payait son client pour qu'il récupère les déchets. Décrivant Johnny Demeter comme un "escroc analphabète", il avait assuré qu'il n'avait fait que profiter de failles d'un secteur peu vertueux.
Un mis en cause a été maintenu sous contrôle judiciaire dans l’attente du renvoi de son dossier à l’audience du 29 mars 2024 à 9h.
Avec AFP.