Alors que la récolte de la chicorée débute, les semis d'avril 2025 se feront sans Bonalan, un produit phytosanitaire qui empêche la prolifération du chénopode, mauvaise herbe qui étouffe la chicorée ou les endives. L'UE estime que le Bonalan pourrait tuer les oiseaux mangeant les vers de terre imprégnés de Bonalan. Entretien avec Stéphane Catrice, dirigeant de Chicorée du Nord à Oye-Plage.
En France, la chicorée qui remplace le café des Ch'tis est produite exclusivement dans les Hauts-de-France où se situent les deux usines de torréfaction françaises, Chicorée Leroux et Chicorée du Nord. Entretien avec Stéphane Catrice, dirigeant de Chicorée du Nord.
Que représente la filière de la chicorée ?
La chicorée sur la région des Hauts-de-France, ce sont 2 000 hectares de culture. Environ 200 agriculteurs qui produisent à peu près un quart de la production mondiale. C'est un marché de niche qui produit à peu près 84 000 tonnes de racines de chicorée. Il y a trois bassins de production, Audruicq - Oye-Plage ; Cambrai - Valencienne et la Somme qui emploie quelque 7 000 personnes.
Risque-t-on de voir cette filière disparaître ?
Il faut préciser que si le Bonalan est interdit, il y a sans doute de bonnes raisons et il faudra qu'il le soit à l'avenir. Nous, ce qu'on demande simplement, c'est, le temps de la transition écologique, de passer d'un produit qu'on utilise depuis 50 ans à d'autres produits que nous ne connaissons pas encore pour sauver cette filière. Aujourd'hui, la filière est très embêtée, parce qu'on a deux gros sécheurs et deux entreprises de torréfaction et on est dans l'incertitude totale de ce qui va se passer l'année prochaine. Cette année, les agriculteurs ont pu utiliser le Bonalan pour les récoltes qui ont commencé la semaine dernière, mais pour 2025, le Bonalan est interdit et on ne sait pas si les agriculteurs vont continuer ou pas à produire de la chicorée.
Existe-t-il des produits phytosanitaires de substitution ?
On a quelques produits de substitution, mais qui n'ont pas été testés sur des durées suffisamment longues. Et là aussi, on avance dans le noir, on ne sait pas du tout ce que cela va donner. Les produits ne sont pas homologués donc on est dans une situation très périlleuse. Les agriculteurs pourraient planter cette année, mais on ne sait pas quels seront les résultats. S'ils sont mauvais, tout le monde va arrêter.
Le plan C, c’est peut-être d'importer des cossettes de chicorée d'Inde, mais c'est contre toutes nos valeurs. Ce n'est pas ça qu'on veut faire.
Stéphane Catrice, Chicorée du Nord
Vous envisagez d'importer ?
Les agriculteurs vont mettre de la betterave, du blé, d'autres céréales plus simples à cultiver pour eux. Cela ne sera pas bon pour la biodiversité... Si les agriculteurs sont attachés affectivement à la chicorée, ils sont attachés viscéralement à leurs revenus et je les comprends tout à fait. S'ils se disent, ça va être compliqué et que les rendements chutent, je comprends qu'ils basculent sur d'autres choses. Pour nous torréfacteur, on ne sait que torréfier. Le plan A, c'est d'avoir une torréfaction sur le Bonalan, le plan B c'est d'avoir d'autres produits, mais c'est très incertain. Le plan C, c’est peut-être d'importer des cossettes de chicorée d'Inde, mais c'est contre toutes nos valeurs. Ce n'est pas ça qu'on veut faire.
Une dérogation rapide est-elle envisageable ?
Avec la dissolution, on n'a plus d'interlocuteurs politiques alors qu'on avait beaucoup de contacts pour faire avancer ce dossier-là. Aujourd'hui, je ne pense pas que la chicorée soit la priorité du ministre de l'Agriculture. Les délais : on a un peu de temps puisque les prochains semis seront en mars, mais la dérogation, on ne l'aura pas cette année et même si on l'avait, il est trop tard pour fabriquer le Bonalan. Donc pour l'année prochaine, c'est foutu, on part vraiment dans l'inconnu.