L’entraide, la solidarité sont dans les gènes de Sandrine. C’est d’abord en venant en aide aux SDF de sa ville que tout a commencé. Maraudes, distribution de nourriture, de couvertures, on ne peut laisser des personnes à la rue. Aujourd’hui, bien qu’habitant dans le Grand-Est, c’est dans la "jungle" du Dunkerquois qu’elle apporte son aide, dès qu’elle le peut. Rencontre.
Sandrine Biancalani âgée de 52 ans est maman de trois enfants, deux filles et un garçon "mais ils sont déjà grands". C’est en Lorraine qu’elle habite tout au long de l’année "Dans le village où je vis, la solidarité est bien ancrée. Notre commune a un passé récent de village communiste et le partage n’est pas un vain mot, mais nous avons aussi été une cité minière, comme il y en a beaucoup dans les Hauts-de-France. Nos grands-parents sont des mineurs or beaucoup de nationalités travaillaient à la mine."
C’est avec ces valeurs qu’elle a grandi. Avec aussi celles de son grand-père, qui, à 17 ans, a passé les montagnes, trafiqué sa carte d’identité pour dire qu’il avait 18 ans afin de fuir le fascisme italien et s'engager dans la Légion étrangère. Alors s’il y en a bien une qui comprend cette volonté de partir de son pays, c’est elle !
"Mon grand-père était fier d’avoir été naturalisé, d’être français. Cette notion d’entraide, cette culture à aider les plus faibles, le respect de l’autre, ce sont des valeurs que j’ai reçues et qui font ce que je suis aujourd’hui."
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"C’est quand le camp de Blida à Metz a été démantelé que je suis venue dans le Nord. Un bénévole, Laurent, m’a mis en contact avec Pascaline qui est bénévole au sein de l’association Salam".
C’est comme cela que tout a commencé. À son invitation, elle découvre le camp de Grande-Synthe.
"La première fois que j’y suis allée, j’avoue, j’avais un peu peur. Aujourd’hui, j’ai plus peur d’aller dans une cité que d’aller à leur rencontre".
"Je suis encore en contact avec lui, il vit en Angleterre"
Je vois encore la maman l’habiller, lui mettre ensuite le gilet de sauvetage, couvrir son bébé et lui enfiler également un gilet. Quand je les ai perdus de vue, j’ai pleuré comme une madeleine.
Sandrine Biancalani
"Je me souviendrai toute ma vie de cette distribution. De Jabbar en particulier. Exilé comme tous les autres, il ne m’a pas quitté un instant. Il portait les sachets de dons, il m’a montré le camp. Je suis encore aujourd’hui en contact avec lui, il vit en Angleterre".
Sandrine vient de faire son premier passeport. Elle s’en va dans quelques jours avec l’une de ses filles, retrouver celles et ceux qui ont réussi à traverser la Manche. "Tous ceux qui ont réussi à passer, travaillent là-bas. C’est ce qu’ils souhaitent, travailler ! Parmi tous ces réfugiés, il y a des médecins, des avocats, des professeurs de mathématiques… En Angleterre ils travaillent comme cuisinier, dans un Car Wash (station de lavage de voiture) … Ils sont heureux d’avoir du boulot. Quand je leur ai annoncé que je venais les voir bientôt, ils étaient fous de joie".
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Ils donnent de leur nouvelle vie
Parmi les migrants qui l’ont le plus touchée, il y a cette famille un jour de novembre. Ils allaient prendre la mer le soir. Il faisait froid. Sandrine et Pascaline avaient fait une distribution de vêtements chauds "Nous étions sur une voie de chemin de fer désaffectée. Ils étaient quatre, les parents, une petite fille de 4 ans, et un bébé. Nous avions donné une combinaison de ski pour la petite. Je vois encore la maman l’habiller, lui mettre ensuite le gilet de sauvetage, couvrir son bébé et lui enfiler également un gilet. Quand je les ai perdus de vue, j’ai pleuré comme une madeleine. Nous sommes tous conscients des risques qu’ils prennent. Mon plus grand bonheur, c’est ce coup de téléphone m’annonçant ça y est, nous sommes en Angleterre. Ils étaient sains et saufs".
Sandrine n’est pas membre d’une association : "je ne préfère pas déjà parce que j’habite loin, ensuite parce que parfois, j’ai besoin de me ressourcer. C’'est dur psychologiquement de voir toute cette misère, et puis je m’attache facilement donc c’est difficile de voir les situations dans lesquelles se retrouvent toutes ces personnes avec lesquelles tu as créé des affinités". En revanche, elle est en contact quasi quotidien avec Pascaline, qui parfois l’appelle à l’aide.
"Quand un camp est démantelé, tout est détruit ! Les tentes, les vêtements, les embarcations sont lacérées, soi-disant pour leur sauver la vie, les empêcher de partir, mais comme on ne veut pas qu’ils restent non plus… J’ai été choquée de vivre un démantèlement de loin et de voir un jeune dont le seul souvenir qu’il avait emporté avec lui était une photo de sa maman décédée, on lui a pris la photo, elle a été arrachée et foutue à la poubelle...".
Pascaline donc l’appelle, lui raconte, explique les besoins, et Sandrine réagit tout de suite. Elle a développé via les réseaux sociaux, une belle communauté de personnes qui la suivent et les aident. Parmi celles-ci il y a des personnalités comme Joey Starr, mais aussi Sonia Rolland, Romane Bohringer et même un certain Michel Denisot pour ne citer qu’eux. Et il y a bien sûr, tout un tas d’anonymes.
"Je lance un appel pour financer l’achat de tentes, payer des nuits d’hôtel, et même si aujourd’hui notre société est individualiste, égoïste, il y a encore beaucoup d’humanité. De toute façon, moi, je ne lâche rien ! Comme a dit l’Abbé Pierre, même si vous êtes seul et que personne ne vous suit, défendez toujours ce qui vous paraît juste".
On s’imagine que ce sont des profiteurs, qu’ils veulent gratter des aides, que ce sont des violeurs, des assassins… On ne cherche pas à savoir pourquoi ils sont là.
Sandrine Biancalani
Cette phrase, on pourrait penser qu'il l'a prononcée pour Sandrine ! Lors de notre conversation téléphonique elle a bien insisté sur le fait qu’elle ne lâchera jamais. Elle qui préfère louer un appartement ici dans la région pour les vacances. "Avec ma fille, on adore le Nord ! On loue un appartement, au bord de la mer, on aide comme on peut les migrants. On leur permet de venir se laver, prendre une douche. Ils sont tellement respectueux avec les bénévoles ! Vous savez, ils sont tous dans la merde, ils sont tous solidaires. On s’imagine que ce sont des profiteurs, qu’ils veulent gratter des aides, que ce sont des violeurs, des assassins… On ne cherche pas à savoir pourquoi ils sont là. Certains fuient leur pays parce que leur préférence sexuelle fait que s’ils restent, ils seront tués. D’autres parce qu’ils ne veulent pas qu’on leur impose un mariage, par souci d’économie aussi, ils veulent gagner leur vie. Et bien sûr pour les conflits qui règnent dans leur pays. J’essaye d’expliquer, de raconter, je recommence sans arrêt ! Beaucoup me disent oui mais pourquoi viennent-ils tout seul ? L’un d’entre eux m’a expliqué pourquoi il n’est pas venu avec sa famille. Il m’a dit, je ne veux pas leur faire prendre de risque. Je viens le premier, j’essaye de passer, si je réussis, je ferai venir ma famille…"
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Je continuerai à croire, même si tout le monde perd espoir. Je continuerai à aimer, même si les autres distillent la haine.
Abbé Pierre
Dans la jungle, c’est le cas par cas. Il y a beaucoup de nationalités différentes, Sandrine m’explique que les plus gros problèmes viennent souvent des passeurs, qui exigent des sommes monumentales pour essayer de leur faire traverser la Manche, parfois sur des embarcations où d'entrée de jeu on voit qu'ils n'y arriveront pas. Pascaline lui raconte donc au jour le jour ce qui se passe là-bas : "C’est un peu une chasse à l’homme qui est organisée régulièrement. Comme par hasard, c’est souvent lorsqu’il pleut, qu’il fait froid que les camps sont démantelés. Cette destruction empêche tout un vrai travail de fond, les déplace… Aujourd’hui, il semblerait qu’il y ait de plus en plus de Vietnamiens qui arrivent. Ils ne parlent pas trop, restent cachés… Bien sûr il y a beaucoup d’hommes seuls mais aussi de plus en plus de familles… Moi, c’est ce que j’aime le plus, voir tous ces enfants qui ont le sourire malgré les difficultés que la vie leur impose. Vous savez, c’est ceux qui ont le moins qui aident le plus..."
C’est l’histoire de l’humanité, il y a de toujours eu des déplacements de population et cela, Sandrine l’a bien compris. Elle enrichit sa vie, élargit sa vision du monde, essaye d’en faire de même avec les personnes qu’elle rencontre, car n’oublions pas que derrière chaque réfugié se cache une personne. Le mot de la fin revient donc à Sandrine, et c’est en quelque sorte une prière, un poème de l’Abbé Pierre qu’elle a choisi :
Je continuerai à croire, même si tout le monde perd espoir.
Je continuerai à aimer, même si les autres distillent la haine.
Je continuerai à construire, même si les autres détruisent.
Je continuerai à parler de paix, même au milieu d’une guerre.
Je continuerai à illuminer, même au milieu de l’obscurité.
Je continuerai à semer, même si les autres piétinent la récolte.
Et je continuerai à crier, même si les autres se taisent.
Et je dessinerai des sourires sur des visages en larmes.
Et j’apporterai le soulagement, quand on verra la douleur.
Et j’offrirai des motifs de joie là où il n’y a que tristesse.
J’inviterai à marcher celui qui a décidé de s’arrêter…
Et je tendrai les bras à ceux qui se sentent épuisés.
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