Opération Dynamo : des fouilles archéologiques sous-marines pour identifier les bateaux mobilisés lors de l'incroyable évacuation des soldats alliés

En septembre, des archéologues sous-marins du ministère de la Culture se sont rendus sur la plage de Zuydcoote. Les experts ont mené une vaste campagne d’identification de ces vestiges de la célèbre opération Dynamo. Cette opération risquée avait permis d’évacuer plus de trois cent quarante mille soldats alliés.

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À marée basse, l'épave du Crested Eagle, un bateau à vapeur et à roues à aubes de la Tamise, construit avec des matériaux en bois, se dévoile. Cette embarcation de 90 mètres a été bombardée par l’aviation allemande le 29 mai 1940. En flamme, elle finira par s’échouer sur la plage de Zuydcoote. Ce naufrage causera la mort de plus de trois cents soldats. Cette épave, connue des historiens locaux, est pour la première fois examinée par des archéologues du ministère de la Culture. Parmi eux, Cécile Sauvage explique : « En fait, l’idée c’est de faire l’expertise de ce site. D’essayer de voir dans quel état cette épave est conservée. Et quels sont les éléments de détails qui vont nous aider à identifier le navire. Il y a peu de doutes sur le fait que ce soir le Crested Eagle, un navire de l’opération Dynamo »

Cette opération avait été baptisée Dynamo, du nom de code de l’évacuation par la mer des soldats alliés pris au piège à Dunkerque par l’armée allemande en 1940 pendant neuf jours.

La résistance de l'armée française donne le temps aux marines alliées d'évacuer près de trois cent quarante mille militaires, mais trois cents navires seront coulés par les canons et les avions allemands.

Claire Destanque archéologue au sein du collectif pour l'archéologie sous-marine, Arkaeos témoigne : « Chacune des épaves du Dynamo, c’est une petite histoire dans une grande histoire. C’est vraiment un témoin de l’opération qui est présent aujourd’hui sur le sable. C’est émouvant.»

POUR ALLER PLUS LOIN

« 1940, la bataille de France au jour le jour : 29 mai, le naufrage tragique du Crested Eagle à Zuydcoote »

 

EN VIDEO

« 1940 : l’Opération Dynamo, un « miracle » dans les larmes et le sang »

 

Archéologue pour le ministère de la Culture, Claire Destanque avait choisi l’opération Dynamo comme sujet de master universitaire. Elle examine ces épaves pour la première fois, un an après le lancement de cette campagne de recherches. Un travail sur le long terme, réalisé avec Cécile Sauvage. Ces deux archéologues sont venues au large de Dunkerque à bord du "André Malraux", le navire du ministère de la Culture. 

Cécile Sauvage : « Dans un premier temps, on va documenter les épaves avec un appareil qui se trouve sous la coque du bateau. C’est un sondeur multifaisceau. Grâce à cela, on aura une vision d’ensemble du site : quand on plonge ici, on voit rarement une épave de 100 mètres de long en entier. Même jamais ! On va avoir ici les dimensions du site, son état de conservation, la hauteur des vestiges conservés. Et nous allons comparer toutes ces données avec toutes les données d’archives pour vérifier si l’identification qui est proposée par les plongeurs peut correspondre. »

Les mesures réalisées par ce duo de chercheuses avaient permis d’identifier trois nouvelles étapes de l'opération Dynamo. Des moments non répertoriés avant la publication de leurs recherches. Des résultats dévoilés en 2023 lors d’une intervention publique organisée à Dunkerque.

Claire Destanque : « Il y a certaines épaves qui potentiellement pourraient être des navires de l’opération Dynamo. Ils n’avaient pas été identifiés par les plongeurs de la région. Aux vues de leurs dimensions et également au niveau de leurs formes, ils pourraient correspondre. Mais il faut absolument faire des expertises en plongée parce que l’état actuel des vestiges ne nous permet pas de le certifier à 100%. »

La technologie au service de l'Histoire

Après ces premières pistes, des vérifications ont été réalisées en septembre 2024, cette fois-ci sous l’eau. Une plongée à la découverte du Saint-Fagan, réalisée début septembre en partenariat avec le club de plongée de Dunkerque. Des plongeurs et historiens ont épaulé les deux archéologues dans cette étape cruciale, quelques mois après l’utilisation du sondeur multifaisceau.

Le bateau anglais repose par vingt-huit mètres de fond au large de Malo-les-Bains. Les plongeurs dunkerquois connaissent parfaitement les lieux.

Il faut plusieurs dizaines de plongées pour appréhender une épave à Dunkerque, pour l'avoir dans la tête. Au fil du temps, au fil des plongées, on commence à la connaître, on peut s’aventurer un peu plus à l’intérieur

Bruno Pruvost, plongeur dunkerquois

Ils réalisent des repérages de ces épaves depuis des années, comme le précise Cécile Sauvage : « On est toujours accompagnés des plongeurs du club de plongée de Dunkerque. Ils connaissent ces épaves par cœur et nous guident assez rapidement vers les endroits qu’on a listés. »

Des conditions de plongée difficiles

Selon Bruno Pruvost, historien local et plongeur dunkerquois : « Il faut plusieurs dizaines de plongées pour appréhender une épave à Dunkerque, pour l'avoir dans la tête. Et puis, après, pouvoir se diriger. La technique, entre guillemets, c’est de ne pas quitter le bord du bateau. Enfin… de longer la coque en haut et puis après, on fait le tour du bateau. Au fil du temps, au fil des plongées, on commence à le connaître, on peut s’aventurer un peu plus à l’intérieur ». 

Archéologue, elle aussi, Cécile Sauvage, poursuit : « Ce sont des plongées assez rapides. On a eu une trentaine, une quarantaine de minutes maximum sur chaque site. Quand les sites sont moins profonds, on a un peu plus de temps. Les conditions de plongées ne sont pas toujours évidentes. On est dans un détroit, il y a beaucoup de courants… Et la visibilité n’est pas toujours au rendez-vous.

Les conditions de plongées ne sont pas toujours évidentes. On est dans un détroit, il y a beaucoup de courants.

Cécile Sauvage, archéologue du Ministère de la culture

Et on a des volumes impressionnants. Parfois, jusqu’à 12 mètres de hauteur conservés. Quand on a travaillé sur les épaves du Débarquement en Normandie, nous n’avions pas du tout le même résultat. Ce sont des épaves qui ont été beaucoup plus ‘féraillées’ après la Guerre.»  

Malgré des conditions météo jugées difficiles, neuf épaves ont pu être observées au cours de ces plongées de septembre. Pour respecter la réglementation en vigueur – le Crested Eagle, construit en Angleterre est une des nombreuses épaves présentes en terre française mais appartenant aux autorités britanniques - les résultats doivent être partagés avec leurs homologues outre-Manche. Outre ce volet académique, cette session de plongée est soumise à autorisation préalable du législateur britannique.

Mémoire et respect

Cécile Sauvage, précise : « On a sur ces sites des problématiques mémoriels. On sait qu’il y a eu des pertes humaines sur ces sites. L’accord que nous avons avec les autorités anglaises, c’est qu’on ne touche pas aux objets, aux différents restes qu’on pourrait trouver. Nous ne faisons que des observations visuelles.»

On sait qu’il y a eu des pertes humaines sur ces sites. L’accord que nous avons avec les autorités anglaises, c’est qu’on ne touche pas aux objets, aux différents restes qu’on pourrait trouver.

Cécile Sauvage, archéologue

« On pense bien sûr aux soldats, aux marins qui sont morts lors de cette opération Dynamo. Mais quand on travaille sous l’eau, il faut aussi mettre ça de côté pour pouvoir faire notre travail. Parfois, on est sous l’eau dans des conditions pas évidentes. Si on ne met pas ça, on peut se laisser submerger par des émotions qui n’ont pas lieu d’être dans son travail. »

Un patrimoine fragile

Pour Cécile Sauvage : « Il y a une certaine urgence, c’est vrai. On a tendance à croire que ces épaves métalliques sont  extrêmement solides et qu’elles sont là pour des siècles et des siècles. Ce n’est pas du tout vrai. Elles s’abîment du fait de la corrosion, du courant, du fait de la houle. Et elles sont très fragiles, finalement. »

L'étude est financée par la Communauté urbaine de Dunkerque. L’ouverture d’un centre de ressources à Zuydcoote est toujours à l’étude. La création de ce lieu permettrait de rendre accessible au grand public l’ensemble des données récoltées par les plongeurs du club de Dunkerque. Et les trouvailles contemporaines des archéologues du ministère de la Culture, passionnées par ces vestiges périssables. 

La campagne 2024 de recherches s’est refermée courant septembre. L'équipe reviendra l'an prochain pour compléter l'étude. 84 ans après l'opération Dynamo, il est désormais nécessaire de sauvegarder la mémoire de ces épaves.  

Edité par Florent Motey et Vincent Dupire

Dossier préparé par Valériane Porcher, Chloé Peltin, Mathilde Barron, Solène François, Gonzague Vandamme et Florence Mabille.

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