Portrait. La géniale photographe de toute la planète rock : les Rolling Stones, Bowie, Madonna, Joey Starr, Johnny, et d'autres

Un proverbe chinois résume parfaitement la vie de Gaëlle Ghesquière : Le moment donné par le hasard vaut mieux que le moment choisi. Voici l’histoire incroyable de celle qui est l’une, pour ne pas dire la plus grande photographe des icônes du Rock en France.

Gaëlle Ghesquière est née à Maubeuge dans le Nord. Elle grandit à Amiens (80), Compiègne (60) et part à Paris pour suivre ses études en Hypokhâgne. Nous sommes au milieu des années 90, et la jeune étudiante prépare une maîtrise "en parler wallon-picard, je suis bilingue ch’ti" (elle est titulaire d’un DEA en lettres modernes). Acharnée du boulot, elle s’ennuie malgré tout à la Fac. Au détour d’une boutique, une amie lui dit : "Si tu veux, passe-moi ton CV, mon cousin travaille rue du Louvre, au Figaro, tu pourrais peut-être y faire un stage pour passer le temps."

Je n’ai jamais eu la passion de la musique, du rock, de la photo, mais comme tout le monde, j’écoutais en boucle l’artiste du moment qui me plaisait.

Gaëlle Ghesquière, photographe

"Je n’ai jamais eu la passion de la musique, du rock, de la photo, mais comme tout le monde, j’écoutais en boucle l’artiste du moment qui me plaisait. Plus jeune, je pratiquais la danse classique, de plus, ma mère étant enseignante, j’ai reçu les valeurs du travail et de la rigueur".

Voici donc Gaëlle en stage au Figaro ! Elle rencontre Franz-Olivier Giesbert qui lui propose d’aller prendre les photos du concert des Red Hot Chili Peppers. À la question as-tu un appareil photo, Gaëlle répond oui et fonce acheter des jetables à la supérette du coin ! "Je rêvais d’aller à ce concert, le premier de ma vie, car c’était le groupe que j’écoutais en boucle, il m’envoie chercher un pass-photo à l’étage du dessous". Là aussi le hasard intervient, elle se trompe de porte, atterrit au service photos de France-Soir et repart avec son accréditation. 

Sur un malentendu son destin bascule

Nous sommes en octobre 1995, au Zénith de Paris. Gaëlle, qui se déplace à vélo (mode de transport qu’elle utilise encore aujourd’hui) se retrouve dans l’espace réservé aux photographes. La règle est ainsi faite : trois titres pour prendre les artistes en photo (parfois deux), après, en fonction des désidératas des artistes, de la production, soit les photographes professionnels sont chargés de partir, soit ils peuvent assister au concert depuis la salle.

Après le concert les Red Hot vont recevoir un disque d’or et on a besoin d’un photographe pour immortaliser ce moment ?

Quand le hasard fait bien les choses

C’est ce que fait notre jeune photographe en herbe, elle se met sur le côté, car elle est venue pour voir le concert. C’est alors qu’une personne de la maison de disques du groupe vient vers elle : "Vous êtes photographe ? Parce qu’après le concert les Red Hot vont recevoir un disque d’or et on a besoin d’un photographe pour immortaliser ce moment, rendez-vous à côté du rideau noir tout à l’heure". Voilà Gaëlle propulsée photographe backstage ! On ne va pas vous mentir, elle n’en mène pas large ! Mais Gaëlle a du cran ! Alors, elle ne se dégonfle pas, et se retrouve seule, face au groupe qu’elle admire pour réaliser cette photo officielle. Complicité avec nos artistes installés en rang "comme une photo de classe" et lorsqu’ils voient son appareil photo et que l’un des membres du groupe l’interpelle (Anthony Kiedis le chanteur principal) : "new technology" dira Gaëlle en souriant.

L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais c’est sans compter sur sa bonne étoile.

Elle raconte alors ce qui lui est arrivé à la secrétaire de France Soir qui a la bonne idée d’appeler Philippe Manœuvre (Rédacteur en Chef de Rock and Folk) et de tout lui expliquer.

"À l’époque, nous avions des répondeurs à cassette à la maison. Je l’ai gardée précieusement depuis, car recevoir un appel de Philippe Manœuvre qui a flashé sur mes photos live du concert des Red Hot, et qui souhaite me rencontrer…"

À la suite de cette fabuleuse rencontre, tout s’accélère... Gaëlle achète un appareil photo (même si au début elle prend encore les photos de concerts avec des instamatics ) et part dès le lendemain photographier Tina Turner.

durée de la vidéo : 00h13mn00s
Originaire du Nord, Gaëlle Ghesquière une photographe de stars ©France Télévisions

>>> Voir ou revoir l'émission Hauts Féminin avec Gaëlle Ghesquière en cliquant sur l'image ci-dessus.

Je vous le disais, Gaëlle est une travailleuse acharnée, elle achète des livres sur l’art de la photographie pour apprendre les techniques indispensables, les réglages… Elle s’entraîne directement en prenant les photos des artistes qui lui ont été demandées. "Aux Etats-Unis, je me suis perfectionnée dans mes bidouilles photographiques en faisant les portraits d’Ozzy Osbourne et de Lou Reed !" Elle est aujourd’hui une spécialiste des portraits d’artistes.

Une carrière incroyable

Gaëlle a en elle un instinct qu’elle ignorait pour prendre des photos. C’est cet instinct qu’à décelé Philippe Manœuvre, mais pas seulement. Il voulait aussi féminiser la rédaction de Rock and Folk. Et avouons qu’il a bien fait ! Car trente années plus tard, la carrière de Gaëlle est immense. Lors de notre échange téléphonique, j’ai découvert une femme qui garde les pieds sur terre, qui n’a pas attrapé la grosse tête (alors qu’elle aurait pu), un être entier avec beaucoup de recul, qui relativise et a bien compris la chance qu’elle a. Combien auraient aimé être à sa place ? Vivre ce qu’elle vit ?

Elle, on la remarque lorsqu’elle arrive quelque part pour prendre ses clichés. Gaëlle mesure 1m60, "ce n’est pas très grand, alors je monte sur ma mallette pour travailler", une jolie chevelure fauve, un look qui n’est pas celui du milieu de la photo (pas de gilet avec des poches). Dès qu’elle a terminé ses photos, elle fonce les développer, comme ça, elles sont sur le bureau du rédacteur en chef à la première heure.

Il y a des phrases qu’ils l’ont marquée et qui l’inspirent encore aujourd’hui. Comme celle de Sylvia Monfort, comédienne française et directrice de théâtre, qui l’avait repérée lors d’une pièce jouée avec sa classe à Compiègne : "Quoique tu fasses dans ta vie, fais-le en bon amateur, mais jamais en professionnel". Elle avait proposé aux parents de Gaëlle de lui faire faire une école de théâtre à Paris "mais j’étais jeune et provinciale, alors ça ne s’est pas fait…".

"Il faut avoir un minimum de psychologie pour faire ce métier, ne pas déranger, ne pas gêner l’artiste et bien sûr le respecter".

Gaëlle Ghesquière, photographe

Arrive le temps des livres

Elle enchaîne les concerts, en couvre parfois deux, voire trois dans la soirée. Gaëlle m’explique le fonctionnement des photographes, pour résumer le voici :

Premier niveau : celui de ses débuts, où avec son accréditation presse, elle dispose de quelques minutes pour prendre les photos qui seront publiées dans le magazine ou le journal pour lequel elle travaille. Puis vient le statut de photographe officiel, à la demande de l’artiste (comme Madonna qui l’a choisie en 2000 pour la séance photos de promotion de l’album Music) et enfin le « All Access » où là, le photographe va où il veut.

"Il faut avoir un minimum de psychologie pour faire ce métier, ne pas déranger, ne pas gêner l’artiste et bien sûr le respecter".

All Access, c’est justement le titre du premier livre de Gaëlle. Paru en octobre 2003, il vous emmène, grâce aux photos et aux textes de Gaëlle, de la scène aux coulisses Pop Rock.

>>> Ecoutez ci-dessus le podcast de l'émission avec Gaelle Ghesquière. 

En 2004, c’est avec le « poète » Ben Harper, qu’elle sort Ben Harper En Live. Il lui avait dit "si un jour, tu fais un livre, je suis là." C’est la première bio de l’histoire de cet artiste, des photos incroyables et un livre où l’on découvre que le grand-père de l’artiste était luthier…

Je ne vais pas énumérer tous les livres de la bibliographie de Gaëlle, le dixième et le onzième vont sortir cette année nous y reviendrons un peu plus tard.

Bien sûr, tous la touchent, résonnent en elle, et les photos qu’elle partage avec nous sont des moments immortels de ces artistes admirables. Lors de notre échange, elle évoque NTM That’s My People, livre paru en 2019 dans le cadre de la dernière tournée du groupe. Gaëlle les suit depuis un moment, un vrai feeling s’est installé avec eux et en particulier avec Joey Starr. "Joey est coauteur avec moi, il a été très ému en découvrant les mots que sa maman m’avait confiés."

En 2022, à l’occasion des 60 ans des Rolling Stones, Gaëlle a voulu leur rendre hommage, elle qui les suit depuis de nombreuses années, a, dans ce cadre, ouvert ses archives (avec l’aval du groupe). Des témoignages, des anecdotes, des photos exclusives et un SMS de Keith Richards qui lui confie s’être marré en lisant le livre. Le graal non ?? (The Rolling Stones paru aux éditions Plon en 2022).

Pour les 30 ans de Taratata

Gaëlle a fait également pas mal d’exposition de ses œuvres, car ses photos sont bel et bien des œuvres ! Aujourd’hui elle expose moins par manque de temps : "je pars du principe qu'un artiste se doit d’être là en permanence quand il expose et pas uniquement au vernissage. C’est mieux de rencontrer les gens, de parler avec eux, de plus je faisais des conférences dans les villes où j’exposais, et cela, je n’ai plus souvent le temps de le faire"

Je me retrouve à être la photographe exclusive grâce à Nagui qui l’a voulu. J'évolue entre les câbles, les caméras, à essayer d’être la plus discrète possible pour immortaliser ce moment unique de cette émission unique

Gaelle Ghesquière, pour les 30 ans de Taratata

Pourtant c’est bel et bien une exposition qui lui a ouvert les bras de Taratata. Nagui a flashé sur la photo de Bruce Springsteen monté sur scène pour rejoindre Mick Jagger et les Stones lors d’un concert en 2014 à Lisbonne. Il achète la photo et lui envoie un message : "Gaëlle, nous finirons par travailler ensemble".

Ça s’est fait, il y a peu, pour les 30 ans de Taratata. Notre petit bout de femme se retrouve à être la seule photographe de l’émission. "Grosse pression pour moi ! Avec toujours la peur que quelque chose ne fonctionne pas, que les photos soient ratées, qu’il y ait un problème technique. Trois jours où j’ai peu dormi, 84 artistes, les répétitions, le sentiment de prendre la place de quelqu’un. Je me retrouve à être la photographe exclusive grâce à Nagui qui l’a voulu. J’évolue entre les câbles, les caméras, à essayer d’être la plus discrète possible pour immortaliser ce moment unique de cette émission unique elle aussi ".

Excellente nouvelle pour nous qui sommes des amateurs de cette émission culte, un livre sera publié pour les 30 ans de Taratata en fin d'année. Gaëlle et Nagui travaillent dessus actuellement.

Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres 

À celle qui respecte chaque artiste qu’elle a croisé, qui est bien consciente que son statut peut déranger certains, qui a su garder son âme d’enfance, et qui profite de tous ces instants que lui offre la vie, j'ai demandé s’il y avait des artistes qu’elle regrettait de ne pas avoir photographiés ?

Sa réponse : "je n’étais pas encore entrée dans ce milieu car il est décédé en 1994, c’est Kurt Cobain du groupe Nirvana. Il y a un autre artiste mais là c’est parce que tout simplement je n’étais pas née, Jimmy Hendrix". Et que dirait-elle à la petite fille qu’elle était si elle en avait l’occasion ? "Mais que s’est-il passé dans ta vie ? Tu as eu raison de bosser comme une dingue, d’être carrée, exigeante, car tu vas être très heureuse plus tard".

Gaëlle Ghesquière a été nommée Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en juin 2022 "J’ai pris cela comme un nouveau Bac, c’était une surprise totale quand j’ai découvert la lettre de la Ministre de la Culture Roseline Bachelot dans ma boîte aux lettres" mais pour une fois, là, on peut dire que ce n’est pas dû au hasard ni au destin, c’est la juste récompense de son travail de partage et de transmission.

Pour découvrir le travail de Gaëlle Ghesquière, rendez-vous sur les réseaux ou son site internet en cliquant ici.

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