Pourquoi le combat de Saméon contre "l'antenne Free" de TDF pourrait faire des émules en France

Plusieurs communes, et pas seulement dans la région, surveillent de près ce qui se passe dans le petit village nordiste.

"NON à l'antenne Free de Saméon." Ce n'est pas difficile de placarder une affiche dans toutes les rues d'un village... Ça l'est un peu plus d'en étendre une de 14 m² sur la façade de l'église. Un signe que Saméon, petite commune de 1600 âmes entre Orchies et Saint-Amand-les-Eaux, est bien en lutte contre l'installation de son antenne de télécommunication, soupçonnée de menacer le paysage.

 

Que prévoit le projet ?

Cette bataille judiciaire, dont l'issue pourrait faire date, a démarré le 24 juin 2018 lorsque TDF (ex-TéléDiffusion), chargée d'installer des antennes pour des géants des télécommunication (Free, Orange, SFR...) dépose une déclaration préalable de travaux sur un petit terrain privé.

Le document, que nous avons pu nous procurer, annonce la "construction d'un pylône de télécommunication de 42 mètres de hauteur hors paratonnerre couleur galvanisé non peint (...) dans le but d'accueillir des opérateurs de téléphonie mobile". Free d'abord, mais aussi à terme d'autres opérateurs pour lesquels il reste largement de la place (voir croquis)
 


Très vite, le projet suscite des critiques et un collectif se crée : l'APRESaméon, qui rassemble en quelques mois 500 adhérents (pour une commune qui compte 1200 inscrits sur les listes électorales) et une pétition est lancée.

 

Pourquoi une telle opposition ?

Pour ses détracteurs, l'antenne risque d'enlaidir le paysage, d'autant plus que du haut de ses 42 mètres, elle serait presque deux fois plus élevée que le plus haut point du village. 

 

Si c'est posé à Saméon, le village est plié !


"Saméon est un village qui a rarement du R+1" souligne Me Manuel Gros, avocat de la commune. "Le point culminant, c’est l’église qui s’élève à 26 mètres. On peut se poser la question de faire une telle atteinte au paysage."
 

Et qui dit paysage défiguré, en plein parc naturel Scarpe-Escaut, dit baisse de l'immobilier.  "Si c'est posé à Saméon, le village est plié !" s'émeut Thierry Hot, à la tête de l'APRESaméon. 

Reste la question de l'impact des ondes sur la santé, qui n'est pas tout à fait tranchée. "Tout le monde patauge un peu là-dedans" concède Me Gros, qui pourtant voudrait appliquer le principe de précaution. "On sait qu'il y a peut-être un risque, mais on ne peut pas encore le prouver." Et de rappeler qu'"il a fallu cinquante ans pour s'apercevoir du scandale de l'amiante."

 

Bataille juridique

Le propriétaire du terrain a beau avoir donné son accord, le maire (Divers droite) Yves Lefebvre, lui, dépose un arrêté d'opposition. "Lorsqu’une déclaration préalable est déposée, le maire peut ne rien dire – et au bout d’un mois c’est accepté – ou bien prendre un avis d’opposition" explique Me Manuel Gros. "TDF a attaqué cet avis d’opposition."

L'arrêté pris par la mairie s'appuie notamment sur le fait que "l'urgence [de l'installation] n’est pas caractérisée dès lors que la commune jouit déjà d’une très bonne couverture réseau 3G et 4G et d’une excellente desserte en fibre optique et très haut débit". Mais aussi sur le fait que "le projet est de nature à porter atteinte à son environnement par son volume et sa localisation", peut-on lire dans l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Lille.
 

Ce à quoi TDF et son avocat ont répondu en estimant que le maire a "entaché son arrêté d’une erreur d’appréciation en considérant que le projet, qui doit s’implanter dans un milieu rural ne disposant d’aucune protection réglementaire et ne présentant pas d’identité particulière, est de nature à porter atteinte à son environnement".

Pourtant, le parc naturel Scarpe-Escaut, sur lequel se trouve la commune a bel et bien rendu un avis défavorable au projet. En fin de compte, le juge des référés a tranché le 24 janvier en rejetant la requête de TDF et en le condamnant à verser 1500 euros à la commune de Saméon.
 

C'est fou comme truc !


"C’est la première fois à ma connaissance que le juge retient le critère paysager, du moins dans la région"  confie Me Gros.  "On ne juge pas sur le fond, que sur l'aspect de l'atteinte au paysage" se réjouit de son côté Thierry Hot, de l'APRESaméon. C'est le seul argument qui a été retenu par le tribunal administratif de Lille. C'est fou comme truc !"

Le Saméonnien reste cependant lucide puisque TDF a désormais deux mois pour saisir la Cour de Cassation. "Cette décision, qui est lourde de conséquences, ne peut pas encore être utilisée en jurisprudence". D'autant plus que si TDF fait appel, "on remet les compteurs à zéro".

 

D'autres dossiers similaires

Contactée, TDF indique qu'il n'y a "pas encore de position prise", mais il n'y a pas que l'APRESaméon et Me Gros qui s'intéressent de près à sa réaction.

C'est le cas également à Sainte-Marie Cassel, à deux pas de Cassel – sacré plus beau village de France notamment par son paysage. L'antenne TDF est déjà installée, mais pourrait être démontée en cas de décision similaire du tribunal.

Même chose à Neuville-Saint-Vaast, près d'Arras, où "là aussi on a un problème de paysage" indique Me Gros, qui défend les trois communes. Là, les descendants de soldats britanniques, américains ou canadiens viennent se recueillir au Flambeau de la Paix. Un flambeau qui risque d'être surpassé en hauteur par une antenne TDF érigée près de là.
 

Rien n'est donc joué, pour la commune de Saméon. "Même si on gagne, on va continuer à sensibiliser les élus d'autres communes" confie Thierry Hot, qui est en contact avec les associations similaires des autres villages concernés.

"Quand j'ai commencé, celui qui s'occupe de l'association contre l'antenne TDF à Neuville-Saint-Vaast m'a dit : 'Bon courage, vous allez voir que vous allez plus avoir de vie'... Il avait raison !"
 
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