La relaxe a été prononcée jeudi à Lille pour le maire DVD de Roubaix, Guillaume Delbar, poursuivi pour "détournement de fonds publics par négligence" concernant des subventions à une association accusée de prosélytisme musulman par la préfecture du Nord.
"C'est un soulagement que les juges aient su écouter les différents arguments pour faire appliquer le droit", a réagi M. Delbar. Selon lui, "de nombreux maires seront soulagés d'apprendre que la justice de la République n'est pas tombée dans le piège de la pseudo-justice médiatique et de la délation".
Jugés à ses côtés le 14 avril, le président de l'association "Ambitions et initiatives pour la réussite" (AAIR), Nordine Khabzaoui, ainsi que le trésorier et une salariée, ont également été relaxés.
Les juges ont considéré que même si un enseignement religieux avait pu être dispensé au sein de cette association, il n'a pas été établi par l'enquête que les subventions avaient été utilisées pour cela.
Le tribunal a surtout pointé l'absence dans le dossier d'un "rapport" annexé au signalement initial de la préfecture du Nord, sur lequel est pourtant fondé toute l'affaire.
Contactée par l'AFP, la préfecture n'a pas donné suite.
"L'honneur est sauf"
"C'est un soulagement complet, l'honneur est sauf et la réalité est établie", a réagi à l'issue du délibéré M. Khabzaoui. Mon client "a le sentiment d'avoir été jugé en droit", il voit que "la justice est indépendante", c'est "un camouflet pour la préfecture, la montagne accouche de rien du tout", a affirmé son avocat, Me Patrick Lambert.
L'accusation reprochait à l'association d'avoir utilisé des subventions publiques, des locaux mis à disposition gratuitement et deux volontaires du service civique "pour dispenser des enseignements religieux sous couvert de cours de langue arabe" au préjudice de la mairie et de l'Etat. Huit mois de prison avec sursis ainsi qu'une peine d'inéligibilité de trois ans avaient été demandés à l'encontre de M. Delbar.
La procureure avait aussi requis douze mois d'emprisonnement avec sursis contre M. Khabzaoui et cinq mois avec sursis à l'encontre du trésorier et de la salariée, poursuivis pour "abus de confiance".
L'Etat "ne finance pas ce qui est cultuel", avait-elle lancé. "On demande aux associations qui reçoivent des subventions publiques de fournir des comptes avec des bilans comptables", "cela n'a pas été le cas." A la barre, les trois membres de l'association s'étaient défendus d'avoir dispensé des "cours coraniques" financés par de l'argent public.
"Principe de laïcité"
"Il n'y a pas eu d'enseignement religieux, il n'y a pas eu d'activités religieuses", avait affirmé M. Khabzaoui, professeur de mathématiques. "Nous n'étions pas dans une attitude de promouvoir l'Islam."
Le maire de la ville, Guillaume Delbar, était lui accusé de n'avoir pas vérifié l'usage des fonds remis à l'association. Il avait expliqué à l'audience manquer de "preuves" pour intervenir. "Je n'ai pas les moyens d'enquête de police (...) Moi, quand j'entends de l'arabe, je ne sais pas si c'est du Coran ou de la poésie", avait-il lancé.
Cette affaire avait été évoquée début 2022 dans un reportage de "Zone Interdite" sur M6, consacré aux "dangers de l'islam radical", qui avait défrayé la chronique. Parmi les témoins de l'émission, Amine Elbahi, jeune juriste et militant associatif de Roubaix, était, selon le président du tribunal, le premier
à avoir alerté la préfecture fin 2020, via un courrier indiquant que "des cours d'arabe à caractère religieux" étaient prodigués par l'association.
Le préfet avait ensuite signalé au procureur des manquements, affirmant que l'association ne respectait pas "le principe de laïcité".
Dans un autre dossier, Guillaume Delbar a été condamné fin 2021 à six mois de prison avec sursis et deux ans d'inéligibilité pour participation à un système frauduleux de défiscalisation via des micro-partis. Il a fait appel.
Avec AFP