Roubaix : le collectif contre la démolition du quartier de l'Alma investit le conseil municipal

Dans le cadre d'un vaste plan d'aménagement urbain, la ville de Roubaix veut "dédensifier" et réhabiliter le quartier populaire de l'Alma. Mais les habitants refusent la destruction de leur habitat. Ils ont manifesté leur colère lors du dernier conseil municipal ce jeudi 6 octobre.

Dans le cadre d'un vaste plan national de réaménagement urbain, la ville de Roubaix a décidé de transformer en profondeur le quartier populaire de l'Alma. Ce plan prévoit la démolition de 480 logements, dont 428 logements sociaux et la rénovation de 390 logements, ainsi que la construction de 90 logements neufs.

Il y a quelques mois, des habitants ont formé un collectif nommé "Non à la démolition dans le quartier de l'Alma Gare". Ils s'opposent à la destruction de leur quartier, dont l'architecture ouvrière a été primée à sa création, dans les années 1980. La non-reconstruction du bâti social est également source de tensions.

La mairie de Roubaix estime cette refonte nécessaire. "La ligne directrice c'est de trouver des solutions dans un quartier où il y a un manque d'équipements publics, des problèmes structurels dans la manière dont le logement a été conçu, des problèmes de sécurité" défend Guillaume Delbar, décidé à ne pas reculer. Le président du collectif, Florian Vertriest, parle, lui d'une tentative à peine voilée de "grand remplacement".

Son collectif a pris le parti d'une démonstration de force, au cours du conseil municipal de la ville de Roubaix, ce 6 octobre. Ils sont venus nombreux, enfants, jeunes ou anciens du quartiers. Munis d'une longue banderole, d'abord dissimulée, ils ont assisté aux débats. Le dossier concernant l'aménagement urbain de leur quartier était en effet à l'ordre du jour, en présence de responsables de l'Agence Nationale de la Rénovation Urbaine (ANRU).

L'opposition fustige un plan "mal conçu, mal concerté"

Michel David, conseiller de l'opposition est revenu le premier sur la question participation des habitants et prend comme cas de figure le quartier de l'Alma. "Il est incontestable que ce quartier souffre d'une dégradation générale. Grilles soudées, logements extrêmement dégradés, sols à nu sans revêtement, entre autres. Pourtant, les personnes qui y vivent paient leurs loyers et leurs charges. Comment en est-on arrivé là ? (...) Il est de bon ton d'accuser les gens de dégrader eux-mêmes leur environnement, et il ne faut pas nier cette partie de la réalité, mais quand on ne respecte pas les gens, ils finissent eux-mêmes par ne plus respecter quoique ce soit."

L'élu a dénoncé l'abandon des bailleurs sociaux et qualifié de "maltraitance" les conditions de vie des habitants du quartier. Il a enjoint la majorité à entendre le collectif de quartier qui s'est formé.

"A l'évidence, il est admis que la concertation sur ce quartier a été absente ou insuffisante. Quelques réunions de concertation au début d'un projet qui a beaucoup évolué ne peuvent suffire et lire un power-point n'est pas concerter. On aboutit à la situation actuelle : pas d'adhésion au projet, pas de confiance dans la parole donnée, beaucoup de résignation et de colère."

Il a enjoint les élus de la majorité à écouter la parole du Collectif de quartier de l'Alma.

"Il y a un sujet qu'il faut immédiatement prendre à bras-le-corps, c'est un plan préalable d'amélioration de la gestion urbaine. Il faut écouter les gens qui ont une expertise d'usage de leurs appartements et de leurs espaces publics", a conclu Michel David. Il s'est également dit favorable à une rénovation plutôt qu'à une démolition dans certaines zones, estimant que le problème résidait davantage "dans le ghetto social qui a été constitué que dans le bâti".

Christian Carlier, également élu d'opposition, a dénoncé un projet : "Mal conçu, mal concerté, bref, mal fagoté", qui "suscite toujours plus d'interrogations et d'oppositions". Il a posé pour sa part la question du relogement des habitants : "ce relogement se heurte à la réalité. Il est facile de proclamer une volonté de reloger les habitants hors des quartiers. Encore faudrait-il que les habitants concernés le veuillent. Encore faudrait-il que les logements existent dans des conditions supportables. Encore faudrait-il que les communes sollicitées fassent preuve d'un minimum de bonne volonté. Nous sommes de plus en plus loin du compte, et il ne faut pas oublier que les financements d'Etat sont conditionnés au respect d'un calendrier."

La majorité interrompue aux cris de "Non à la démolition !"

Guillaume Delbar a voulu rappeler les éléments de concertation déjà mis en place "le plus factuellement possible", "cela permettra de dire combien on a essayé, en plus de la concertation légale, d'impliquer les habitants" a estimé le maire. Le conseiller spécial Pierre-François Lazzaro a revendiqué une vingtaine de réunions de concertation dans le cadre du plan de rénovation. "Je comprends les angoisses, c'est un chamboulement immense dans la vie des gens, nous touchons à ce qu'ils ont de plus précieux : leur chez-eux."

Le conseiller a assuré avoir planifié dès la semaine prochaine les premières réunions de retour sur les "diagnostics en marchant", effectués majoritairement en 2018. "Le collectif qui est apparu à l'Alma, s'il permet aux gens d'échanger et de proposer des choses pour le quartier, j'en suis content. C'est tant mieux et on les écoutera", a poursuivi Pierre-François Lazzaro. C'est ce moment qu'a choisi le collectif pour déployer sa banderole, aux cris de "Non à la démolition de l'Alma !"

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Le collectif contre la démolition du quartier de l'Alma déploie une banderole pendant le conseil municipal de la ville de Roubaix. ©Yacha Hajzler / France Télévisions

Une soixantaine de personnes se sont rangés derrière cette banderole, la maintenant durant quelques minutes derrière la barrière qui délimitait la partie réservée au public. Ils ont quitté la salle avec applaudissements et sifflets, après la demande de Guillaume Delbar de bien vouloir replier la banderole. "Je vous ai laissé entrer avec, je vous ai laissé la déployer, je n'ai pas demandé de suspension de séance, je vous demande de vous remettre à vos places."

Cela aurait été très facile de ne pas laisser entrer le collectif, j'ai voulu le faire car on a besoin d'expression publique et chacun le fait à la manière

Guillaume Delbar

Le collectif espère "poursuivre le dialogue"

Une fois l'ordre revenu, le maire a répondu à la fois aux militants du quartier et à son opposition. Il a d'abord pointé du doigt la responsabilité des bailleurs sociaux dans la dégradation du quartier, un point qui fait l'unanimité auprès de tous les acteurs du dossier. "C'est très rentable de ne pas faire de travaux en attendant l'ANRU et c'est une bataille importante" a reconnu Guillaume Delbar.

Il a répété qu'il ne voulait pas "donner l'illusion" que le volet habitat du projet était encore modifiable en profondeur. "Cela ne peut pas être remplacé par trois coups de crayons et trois protestations. Par contre, il va y avoir un vrai travail de co-construction sur la question des espaces publics" a-t-il assuré avant de clore le dossier.

Sur le parvis de la mairie, le président du collectif est soulagé. "On avait peur de ne pas pouvoir déployer notre banderole. On a pu faire passer notre message, ils l'ont compris et on espère qu'on pourra poursuivre le dialogue rapidement. Pour le moment, monsieur Delbar avance tête baissé et on voudrait vraiment échanger avec lui", encourage Florian Vertriest. 

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