Pierre Mathiot revient sur l'élection des deux nouveaux sénateurs RN - Joshua Hochart (Nord) et Christopher Szczurek (Pas-de-Calais) - ce dimanche 24 septembre. Le résultat, selon lui, de l'implantation du parti et de la propagation de ses idées auprès des élus du monde rural.
Le Rassemblement national fait son retour à la chambre haute, où elle enverra trois nouveaux sénateurs. Deux d'entre eux viennent du Nord (Joshua Hochart) et du Pas-de-Calais (Pas-de-Calais). Après le raz-de-marée des législatives, le parti d'extrême droite confirme son ancrage sur le territoire lors de cette nouvelle élection parlementaire, ce dimanche 24 septembre 2023.
Pierre Mathiot, directeur de Sciences Po Lille, analyse ce vote en faveur du RN, qui ne cesse d'augmenter en nombre et en pourcentage depuis 2001. Interview.
Les bons résultats du RN sont-ils une surprise ou une suite logique des choses ?
Les résultats dans le Pas-de-Calais étaient plutôt attendus au vu de l'implantation du Rassemblement national. C'est un fief où le parti détient des villes et une base conséquente de grands électeurs (députés, maires, conseillers régionaux, généraux et municipaux... NDLR). Dans le Nord, c'est plus une surprise, car les grands électeurs étiquetés RN sont moins nombreux.
Comment expliquer l'augmentation du nombre de voix de grands électeurs ?
Dans les deux départements, le RN a bénéficié du vote de grands électeurs non étiquetés. Il s'agit pour la plupart, je pense, de maires de petites communes rurales - et il faut savoir qu'il y en a beaucoup dans le Pas-de-Calais et dans le Nord. Dans le secret de l'isoloir, ces maires qui ne sont pas identifiés politiquement, ont donc voté RN.
Ce vote valide la stratégie de dédiabolisation du RN. C'est un indicateur de l'implantation de plus en plus forte du parti dans les deux départements. Leurs idées se propagent, notamment, dans les petites communes rurales.
Qu'est-ce-qui a fait basculer ces élus de communes rurales vers le RN ?
Le discours du RN sur la ruralité, sur ces petites communes mal aimées ou oubliées, correspond aux revendications des maires. Que ce soit sur les questions de la dotation globale de fonctionnement, de prix de l'essence, ou même le Macron bashing, ces maires y sont sensibles. Si avant ils avaient l'habitude de voter pour la droite ou le centre droit. Là, ils ne l'ont pas fait.
Par exemple, dans le Pas-de-Calais, la liste (de centre droit NDLR) de Jean-Marie Vanlerenberghe ne fait pas un score incroyable (12,22%, moins que le RN). Qui il y avait en deuxième position de cette liste ? Brigitte Bourguignon. Je pense que pour beaucoup de maires de petites communes c'était donc une liste macroniste.
Dans le Nord, la division de la droite a-t-elle favorisée le RN ?
Oui, la dilution de l'offre politique de centre et de centre droit a servi en partie le RN. Dans le Nord, il y avait 16 listes. 16 listes ! La première a obtenu 15,6% des voix, ce qui n'est pas grand-chose. Il n'y a que trois listes qui dépassent les 10%. Et désormais avec 5,6% de voix vous avez un sénateur... Olivier Henno NDLR). Il y a six ans, il fallait 7,8% des voix.
Cette multiplication des listes n’est pas un signe de vitalité politique, c'est un signe de crise politique.