La cour d'appel de Paris a confirmé le 24 janvier l'ordonnance de non-lieu dont a bénéficié Gérald Darmanin, accusé depuis 2017 de viol en 2009, estimant dans un arrêt dont l'AFP a eu connaissance mardi que "les faits dénoncés ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale".
La plaignante de 50 ans, Sophie Patterson-Spatz, a formé un pourvoi. Elle avait déposé une première plainte pour viol au printemps 2017, pour des faits qui se seraient produits à Paris en 2009 et dénoncés à l'époque à l'UMP (devenu LR depuis).
La plaignante s'était adressée à celui qui était alors chargé de mission au service des affaires juridiques du parti, pour obtenir un appui alors qu'elle souhaitait faire réviser une condamnation de 2005 pour chantage et appels malveillants à l'égard d'un ex-compagnon.
Selon elle, M. Darmanin se serait engagé à rédiger une lettre pour appuyer sa requête auprès de la Chancellerie, et aurait demandé en échange une relation sexuelle.
Sophie Patterson-Spatz estime avoir été contrainte de "passer à la casserole" par M. Darmanin après que celui-ci, alors âgé de 26 ans, lui aurait dit : "Vous aussi, il va falloir m'aider".
De son côté, le ministre de l'Intérieur a reconnu un rapport sexuel, à l'initiative d'une plaignante "entreprenante".
Le 24 janvier, la cour d'appel a motivé sa confirmation du non-lieu de juillet à l'aide de l'expertise psychiatrique de la plaignante en 2021, qui concluait à un "conflit psychique (...) l'amenant à accepter une forme d'échange" avec M. Darmanin "avec comme contrepartie (...) l'aide pour son dossier".
"Relecture"
Sophie Patterson-Spatz aurait ensuite opéré "une relecture" des faits, "dans la mesure où elle n'était pas franchement désireuse de ce rapport sexuel".
La cour a aussi estimé qu'elle avait eu "toute latitude pour partir et éviter la rencontre charnelle envisagée", contestant qu'elle ait fait "comprendre" au désormais ministre "qu'elle ne voulait pas cette relation sexuelle ou encore qu'elle était sous son emprise".
L'arrêt ajoute qu'"aucun" des messages échangés entre les deux protagonistes après mars 2009 "n'accrédite" que Sophie Patterson-Spatz ait été violée par "surprise", l'une des quatre modalités possible selon le code pénal avec la contrainte, la menace ou la violence.
Dans le dossier figure pourtant un SMS de Mme Patterson-Spatz neuf mois après la soirée litigieuse: "abuser de sa position. Pour ma part, c'est être un sale con (...) Quand on sait l'effort qu'il m'a fallu pour baiser avec toi. Pour t'occuper de mon dossier".
M. Darmanin avait répondu rapidement: "tu as raison, je suis sans doute un sale con. Comment me faire pardonner ?"
Pour l'avocate de la plaignante, Me Elodie Tuaillon Hibon, l'arrêt est "incompréhensible" en termes de droit européen ou français.
Selon elle, "la cour d'appel a créé un droit spécial pour cette affaire", sa cliente "discriminée" et "M. Darmanin bénéficie d'un traitement de faveur institutionnel".
"Procès médiatique"
Au cours de la procédure en appel, l'avocate avait plaidé une contrainte morale "parfaitement caractérisée", notamment parce que sa cliente était alors "dans un état de grande vulnérabilité" et avait basculé sous "l'emprise" de M. Darmanin.
Me Tuaillon Hibon avait aussi avancé l'existence de "nombreux éléments à charge" non exploités, notamment le rapprochement avec une autre enquête classée sans suite en 2018. Une femme de Tourcoing avait accusé M. Darmanin de l'avoir contrainte à des relations sexuelles en échange d'un logement et d'un emploi.
Il est invraisemblable qu'elle ait pu penser qu'une lettre d'un conseiller municipal ait pu avoir un effet dans une procédure terminée
Avocats de Gérald Darmanin
L'avocate demandait à la cour l'audition de cette femme et de l'ex-épouse du ministre, qui avait "expressément demandé à être entendue", sans l'être, par la juge d'instruction.
Le camp adverse avait en retour rappelé les quatre précédentes clôtures de l'enquête en cinq ans, soulevant la "défiance envers l'institution judiciaire" de la plaignante qui voudrait "un procès médiatique visant à la démission de M. Darmanin".
Mes Pierre-Olivier Sur et Mathias Chichportich avaient aussi balayé toute pression exercée par leur client qui, "à l'époque des faits, était conseiller municipal et chargé de mission à l'UMP, avait 26 ans, elle 38."
"Il est invraisemblable qu'elle ait pu penser qu'une lettre d'un conseiller municipal ait pu avoir un effet dans une procédure terminée," avaient-ils relevé.
Sollicités ce mardi, les avocats de M. Darmanin n'ont pas commenté.
Avec AFP