"Un homme qu'on ne peut pas glorifier", l'Abbé Pierre va-t-il disparaître des noms de rues ?

Vendredi 6 septembre 2024, l'Église a été encore une fois secouée par la publication de nouveaux témoignages faisant état de violences sexuelles commises par l'Abbé Pierre. Dans le Nord, des dizaines de rues, bâtiments publics ou écoles portent le nom de l'illustre personnage ayant lutté toute sa vie contre la précarité. Des dénominations, aujourd'hui, très contestées.

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Capinghem, Lambersart, Bailleul, Wambrechies, Cysoing ou encore Grande-Synthe... Dans ces municipalités du Nord, allées, rues, avenues, parvis ou salles polyvalentes, affichent le nom de l'Abbé Pierre. Le défunt prêtre catholique, figure de la lutte contre la précarité, est en ce moment l'objet de vives polémiques.

Un article publié lundi 9 septembre 2024 par la Cellule investigation de Radio France revient sur le fait que le fondateur du mouvement Emmaüs a été l'auteur de violences sexuelles vis-à-vis de femmes. Prochainement, une commission d'historiens sera mise en place pour expliquer plus de cinquante ans de silence.

"Un homme qu'on ne peut pas glorifier"

Sur le marché de Grande-Synthe, à proximité de la place de l'Abbé Pierre, dimanche 8 septembre, une bouchère discute avec un client. "Même si ça ne sort que maintenant, ces gens-là, on ne peut pas les glorifier. En tout cas, ce n'est pas la valeur que j'ai envie de donner à mes enfants", témoigne-t-elle.

Les faits pour lesquels l'Abbé Pierre est controversé lui vaudraient aujourd'hui condamnation. "On trouvera bien d'autres personnes à mettre en valeur", poursuit la commerçante. En tant que maman et mamie, c'est un débat qui me remue."

On trouvera bien d'autres personnes à mettre en valeur.

Une mère de famille croisée au marché de Grande-Synthe

"En dépit de l’action de l’Abbé Pierre en faveur des plus pauvres et des mal-logés, très clairement, ce seul critère juridique conduit à retirer son nom de l’espace public", souligne l’historien Mathieu da Vinha dans un article publié dans La Croix.

Cette bouchère de Grande-Synthe n'est pas la seule à refuser de garder l'intitulé d'Abbé Pierre pour des noms de places, de rues ou d'écoles. "Quand ça touche à l'éducation en tant que maman, ça me dérange un peu. Je portais cet homme dans mon estime et là, c'est perdu", témoigne une mère de famille au détour du marché.

L'abbé Pierre, au cœur des débats municipaux

L'Abbé Pierre, quelqu'un qu'il faut mettre à l'honneur ? Benjamin Dumortier (divers droite), maire de Cysoing, commune qui possède une salle à son nom, va trancher prochainement avec son conseil municipal pour décider de garder ou non le nom d'abbé Pierre pour sa salle polyvalente. À ce jour, son avis semble assez clair. "C'est normal de débaptiser. On ne peut pas cautionner ce qu'il a fait sur des femmes. Il faudrait envisager un changement de nom pour le respect des victimes", explique-t-il.

Il faudrait envisager un changement de nom pour le respect des victimes.

Benjamin Dumortier (divers droite), maire de Cysoing

Dans la commune de près de 5 000 habitants, la salle polyvalente du nom du fondateur d'Emmaüs accueille quotidiennement associations, jeunes et aînés. À l'entrée de la salle baptisée en 2008, une photo de l'homme d'Église. "À l’époque il s'agissait de trouver un nom évocateur. Le choix a été unanime. Il s'agissait d'une des personnalités préférées des Français qui incarnait des valeurs d'aide aux plus pauvres", précise l'élu.

Au sein de la municipalité de Cysoing, les débats s'annoncent intéressants. "Il y a une élue qui m'a dit qu'elle ne trouvait pas normal de changer de nom car il incarnait la défense de la pauvreté et la précarité", contrebalance le maire.

Emmaüs, entre désolidarisation et soutien

Contacté, Emmaüs France n'a pas répondu. À ce jour, aucune liste de communes débaptisant ou non leurs espaces publics sous le nom d'Abbé Pierre n'a été établie. L'association envisage pourtant de changer de logo et de statut. Les portraits du prêtre ont déjà été enlevés du haut siège. Une "forme d’indemnisation des victimes" est en réflexion. Selon des membres de la communauté, les habitués sont toujours autant au rendez-vous pour faire des dons.

Le débat agite aussi la communauté d'Emmaüs à Wambrechies."C'est malheureux que cet homme-là, il ne soit plus là pour se défendre. Je suis choqué mais je le défends", déplore Xavier un camarade de la congrégation. J'ai six ans de rues et c'est cet homme qui m'a sorti de la galère". L'Abbé Pierre, cet homme qui aujourd'hui fait couler tant d'encre, est décédé le 22 janvier 2007, à Paris.

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