Violences sexistes et sexuelles dans l'espace public : avec l'été et les JO 2024, une prévention nécessaire

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Fortes chaleurs, ambiance festive et foule de supporters dans les rues... Ce mélange peut augmenter les risques de violences sexistes et sexuelles. On fait le point sur les chiffres et sur les meilleures façons de prévenir les incidents et les drames.

Harcelées, agressées, violées : les femmes ne sont jamais tranquilles dans l’espace public. Tout récemment encore, ce vendredi 26 juillet, deux joggeuses ont été agressées à Hem et Villeneuve-d’Ascq, à proximité du bois de Meillassoux. Difficile de naviguer sereinement dans la rue lorsque plane la menace des violences sexistes et sexuelles – physiques ou non. En période de forte chaleur et avec l’affluence due aux Jeux Olympiques, ces violences tendent à augmenter.

L’été, les agressions dans l’espace public sont plus courantes”, constate Amy Bah, militante de l’association Nous Toutes Lille et ex-candidate aux législatives dans la première circonscription du Nord. “Les hommes estiment que parce qu’ils voient un bout de nos jambes, ils ont accès à nos corps.” Avec la période estivale et l’ambiance festive, “l’alcool peut aussi être un facteur de risque supplémentaire”.

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Chaleur, alcool, foule et sport : le cocktail des violences

À cela s’ajoute la foule : c’est lors des heures de pointe qu’il y a le plus de “frotteurs” dans les transports en commun. Ceux-ci profitent des rames bondées et de la promiscuité pour se coller contre des femmes qui ne peuvent pas se déplacer et éviter ce contact indésirable.

Enfin, comme le précise Amy Bah, de nombreuses études montrent qu’une hausse des violences conjugales est observée les soirs de matchs :  une défaite sportive entraîne de la frustration, parfois de l’énervement… Des sentiments qui sont corrélés à ces faits. “Et on peut aisément supposer que les rencontres sportives augmentent aussi les risques d’autres formes de violences sexistes et sexuelles”, expose-t-elle.

Dans le cadre des Jeux Olympiques, les autorités tentent d'apporter une réponse aux violences sexistes et sexuelles. Sur la Grand’Place de Lille, la police est mobilisée pour recevoir les éventuelles victimes.

Le point d’écoute itinérant "En voiture, Nina et Simon.e.s" va également à la rencontre des spectateurs des JO. Dans le cadre des JO, on a bien formé tous les policiers qui relaient le message auprès de tous les citoyens", explique Virginie Lasserre préfète déléguée à l’égalité des chances. "Et on a les associations qui sont là, très visibles, pour permettre que ce sujet des violences sexistes et sexuelles soit bien pris en charge et appréhendé dans le cadre des Jeux Olympiques, qui brassent beaucoup de monde ici sur Lille."

Dans le cadre des Jeux Olympiques, on a bien formé tous les policiers qui relaient le message auprès de tous les citoyens.

Virginie Lasserre

préfète déléguée à l’égalité des chances

Insultes, sifflements, gestes ou paroles inappropriés voire, propositions libidineuses, exhibitions sexuelles ou gestes masturbatoires… 80% des femmes ont déjà été victimes de harcèlement sexuel dans les lieux publics, d’après une enquête menée dans 20 pays en 2023 par Ipsos et L’Oréal Paris.

Quand on se penche sur les chiffres nationaux, on constate que les outrages sexistes sont en hausse de 19% en 2023 par rapport à l’année 2022, selon une note du ministère de l’Intérieur publiée ce 31 juillet 2024. Au total, 3 400 infractions pour outrage sexiste et sexuel ont été enregistrées en France par la police et la gendarmerie.

Derrière les chiffres, la réalié des violences difficile à estimer

Cette hausse du nombre d’outrages est à prendre avec des pincettes : seulement 2% des victimes de violences sexuelles non physiques – les outrages sexistes et sexuels, le harcèlement, l’exhibition sexuelle –  portent plainte d’après l’enquête Vécu et ressenti en matière de sécurité (VRS) 2022. 

Difficile, donc, d’estimer combien de personnes sont réellement victimes de ces violences : “Ces chiffres sont très inquiétants mais ils sont aussi très loin de la réalité… Ce qu’ils montrent surtout, c’est que les femmes signalent davantages ces faits et vont au bout de la démarche, ce qui est une bonne nouvelle”, indique Amy Bah.

Pour éviter les outrages, il faudrait quoi ? Ne pas s’habiller comme on veut alors qu’il fait chaud ? Ce n’est pas la solution !

Amy Bah

militante de l’association Nous Toutes Lille

Plus largement, en France, les services de sécurité ont enregistré près de 84 000 victimes de violences sexuelles hors cadre familial en 2023, soit une augmentation de 6% par rapport à 2022. Parmi elles, 85% sont des femmes, majeures ou mineures. La quasi totalité des auteurs, soit 96%, sont quant à eux des hommes. Dans la majorité des cas, il s’agissait de violences physiques : des viols ou tentatives de viol, des agressions ou des atteintes sexuelles.

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Les violences sexuelles physiques commises hors du cadre familial sont, là aussi, très rarement signalées aux services de sécurité : seulement 6% des victimes portent plainte, toujours d’après l’enquête VRS 2022.

Réagir, parler et intervenir

Alors comment lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles ? La militante féministe Amy Bah rappelle que “la prévention ne dépend pas des femmes mais des hommes”. “Pour éviter les outrages, il faudrait quoi ? Ne pas s’habiller comme on veut alors qu’il fait chaud ? Ce n’est pas la solution ! On n’a pas à faire le moindre effort, à changer nos habitudes, à se remettre en question ou à avoir peur. C’est à la société de changer.

Du côté de Nous Toutes, on recommande “d’apprendre à réagir” face au harcèlement de rue : pas la peine de répondre à un sifflement, mieux vaut “rester impassible”. Et “même si on sait que c’est très dur d’oser riposter, on conseille de trouver de bonnes punchlines pour les affronts – seulement dans le cas où on ne se sent pas menacée, pour que la situation ne prenne pas d’ampleur”.

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La militante déconseille fortement à celles qui auraient peur de subir des violences dans l’espace public de s’équiper d’un spray lacrymogène ou d’une bombe au poivre : l’arme de défense risquerait de se retourner contre vous.

La parole comme seule arme

Surtout, pour Amy Bah, “même si c’est difficile en tant que victime, le meilleur moyen pour que ça s’arrête c’est de signaler les faits à chaque fois. Il ne faut surtout pas laisser passer”. Malheureusement, il reste très difficile de prouver un outrage, ce qui rend cette infraction “difficile à condamner” par la justice. “Mais c’est en parlant qu’on peut faire changer les choses”, assure la militante.

Elle rappelle qu’il ne faut en aucun cas banaliser ces violences : “ce n’est pas normal de se faire siffler ou insulter dans la rue ! On doit continuer à dénoncer ces actes, à en parler à nos copines, à nos copains, aux hommes de nos entourages… Pour éveiller les consciences.”

Même si c’est difficile en tant que victime, le meilleur moyen pour que ça s’arrête c’est de signaler les faits à chaque fois. Il ne faut surtout pas laisser passer.

Amy Bah

militante de l’association Nous Toutes Lille

La lutte contre les violences sexistes et sexuelles passera aussi et surtout par l’éducation : non seulement celle des enfants, des collégiens et des lycéens, mais aussi celle des adultes. “Les outrages sexistes sont ancrés dans les moeurs : ça met du temps à évoluer”, explique Amy Bah. Pour elle, il est essentiel de former les personnes : les policiers, pour une meilleure prise en charge des victimes ; les entreprises, pour une vraie sensibilisation aux problématiques des violences sexistes et sexuelles ; les commerçants, pour permettre aux femmes de trouver refuge lorsqu’elles se sentent en danger dans la rue.

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On est tous et toutes responsables”, souligne la militante de Nous Toutes, qui rappelle l’importance d’aider la victime lorsque l’on est témoin de violences sexistes et sexuelles dans l’espace public. Pour combattre le harcèlement de rue, la méthode des “5D” permet d’avoir à disposition un ensemble d’actions simples et efficaces pour intervenir en toute sécurité dans ce type de situation. 

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