Dans le cadre de sa lutte contre les violences conjugales, sexistes et sexuelles, la gendarmerie de la Somme propose aux associations de découvrir les lieux de prise en charge des victimes. Exemple à Ailly-le-Haut-Clocher, près d'Abbeville, lors d’une visite organisée vendredi 19 avril 2024.
"La personne se présente à l’accueil et dès lors qu’on détecte une situation de violences intrafamiliales ou de violences conjugales, le militaire, qui est formé à ça, va isoler la personne dans un lieu confidentiel où elle pourra libérer sa parole et nous dire ce qu’il s’est passé", décrit le lieutenant Romuald Hardy, commandant de la communauté de brigades d'Abbeville.
Au sein de la gendarmerie d’Ailly-le-Haut-Clocher, ce lieu "confidentiel" est un bureau, avec des vitres opaques, isolé du public ainsi que des autres militaires. "On propose à la personne d’être accueillie par une personne du même sexe, en présence d’un tiers désigné ou même de l’entendre plus tard. On se met à sa disposition", affirme-t-il.
Découverte des locaux de la gendarmerie
Vendredi 19 avril, plusieurs associations ont suivi une visite singulière, passant de la cellule de garde à vue à la pièce dans laquelle les dépositions sont enregistrées. "Il faut savoir que l’on peut prendre quelques photos de la personne pour marquer les traces sur les bras ou les visages", y précise le lieutenant. "Il faut imaginer qu’au procès pénal, les magistrats vont ouvrir la procédure et dès lors qu’il y a une image, c’est très parlant."
Gwénaël Leroy, directrice de l’association Agena, salue cette visite : "Cette interconnaissance entre nous est nécessaire. On se forme sur les limites, les contraintes, les capacités et les possibilités de chacun."
La démarche est tellement sensible […] À partir du moment où une victime sonne à la gendarmerie, il faut l’entendre tout de suite.
Gwénaël LeroyDirectrice de l’association Agena
Les gendarmes formés aux violences intrafamiliales
En 2019, le gouvernement organisait le Grenelle des violences conjugales pour améliorer la prise en charge des victimes. Depuis, des militaires ont reçu des formations. Au sein d’une brigade, un référent est désigné pour accompagner la victime "du début à la fin" assure Meghann Potte, gendarme à la brigade d'Abbeville.
"On suit la personne quand elle arrive, avec une prise de plainte forcément. Ensuite, et c’est le plus important : il y a l’après. Il faut accompagner les personnes sur l’aspect social. On a des réunions pour savoir si la personne a été condamnée et si la victime de violences intrafamiliales est satisfaite de notre service." Des assistantes sociales sont aussi présentes au sein des brigades.
L’empathie est indispensable. Il faut pouvoir se mettre à la place de la personne, mais il faut aussi pouvoir faire notre travail d’enquêteur, c'est-à-dire enquêter à charge et à décharge.
Meghann PotteGendarme à la brigade d'Abbeville
En 2023, 94 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon des chiffres annoncés par Eric Dupond-Moretti, ministre de la Justice. "C’est stressant. On a très peur que quelque chose comme ça se produise", confie le Lieutenant Romuald Hardy. "Ça peut vite arriver. Des fois, il n’y aura pas eu de première plainte ni de première intervention. Nous, on n’a pas le droit de se rater."
Avec Dominique Patinec / FTV