En 2023, les plaintes pour violences conjugales ont augmenté de 10% dans le Nord. Comment stopper ces maltraitances ? Une aide d’urgence a été mise en place début décembre pour accompagner financièrement et psychologiquement les victimes. Un premier bilan a été dressé au centre d’information des droits des femmes et des familles (CIDFF) à Tourcoing.
Avec 12 000 plaintes enregistrées en 2023, le Nord est le troisième département le plus touché par les violences conjugales et enregistre une hausse de 10% en un an. Des chiffres pourtant bien en dessous de la réalité car selon Virginie Lasserre, préfète déléguée pour l’égalité des chances : « Une femme sur quatre seulement ose porter plainte. » Présente au CIDFF de Tourcoing pour dresser le bilan du premier mois de l’aide universelle d’urgence, la préfète a insisté sur la difficulté des victimes à aller jusqu’au bout des procédures de séparation : « Une femme quitte en moyenne sept fois le domicile conjugal avant de rompre définitivement le cycle de la violence. »
Lorsqu'une victime trouve la force de se détacher de l’emprise d’un conjoint violent, un des facteurs qui freine sa décision de partir est l’aspect financier. « On s’est rendu compte qu’il y avait un gros maillon manquant dans la chaîne de prise en charge de victime de violence conjugale, c’est la question de l’emprise financière qui est un obstacle infranchissable », explique Valérie Létard, conseillère départementale du Nord. Un frein d’autant plus important lorsqu’il y a des enfants à charge. « Les enfants sont soit témoins, soit victimes, c’est pourquoi il faut agir vite et les mettre à l’abri avec leur mère, pour qu’ils puissent prendre un nouveau départ », précise-t-elle.
Qu’est-ce que l’aide universelle d'urgence ?
C’est une aide financière calculée selon les ressources et la composition familiale qui sera débloquée en moins de cinq jours par la CAF ou la Mutualité Sociale Agricole (MSA) après le dépôt du dossier. « Le montant moyen versé aujourd’hui est à peu près de 860 euros », annonce Adélaïde Raveleau, directrice adjointe en charge de l’action sociale CAF du Nord. À cela s’ajoute un accompagnement social pour trouver un logement, un emploi, effectuer des démarches administratives, et bénéficier d’une aide psychologique. « L’idée est de pouvoir créer ces conditions qui feront que peut-être demain on aura beaucoup moins de personnes qui seront tenues de rentrer à la maison ou de ne pas quitter le domicile parce qu’elles n’ont pas trouvé ou l’accompagnement ou les moyens d’y arriver », explique Valérie Létard.
Qui peut en bénéficier ?
L’aide est dite universelle, toute personne victime de violence peut en bénéficier, avec ou sans enfant, quel que soit son âge, qu’elle soit allocataire ou non à la CAF. Elle est confidentielle et séparée du compte familial pour protéger les victimes. Les demandes peuvent être déposées sur place ou en ligne auprès de la CAF ou de la MSA. Selon la situation financière du demandeur, l’aide sera versée sous forme de don ou de prêt sans intérêt. Chaque dossier doit être complété d’un dépôt de plainte, ou d’une ordonnance de protection ou encore un signalement au procureur. « En un mois, 400 personnes ont pu bénéficier de cette aide et de l’accompagnement, c’est considérable au niveau du Nord. Au niveau national, on doit être autour de 7000 », se félicite la conseillère départementale du Nord.
Avant d’être généralisée à l’ensemble du territoire, l’aide universelle d’urgence a été expérimentée dans le Valenciennois où soixante-neuf femmes ont été accompagnées sur une année. Pour l’instant, aucune n’est retournée au domicile conjugal. Un constat qui ravit Valérie Létard : « Dans l’expérimentation on voit que ça marche. Les personnes victimes ont vu qu’en 3 jours, on était capable de changer les choses, de leur apporter une aide, un soutien y compris financier, elles reprennent espoir en l’avenir. »