Violences conjugales. Une aide financière pour quitter le domicile en urgence : "une reconnaissance des difficultés des victimes"

À compter du 1er décembre 2023, les victimes de violences conjugales peuvent bénéficier d'une aide universelle d'urgence. Dans la Somme, où un dispositif similaire existe depuis 2020, l'association AGENA et le CIDFF saluent "une avancée pour les victimes", même si des modalités restent "à améliorer".

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L'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales est mise en place dès ce vendredi 1er décembre 2023 sur tout le territoire. Voté en février par le Parlement, ce soutien financier vise à permettre à la personne qui le sollicite de quitter rapidement son foyer, se mettre à l'abri et pouvoir réaliser des dépenses immédiates.

Une marque de reconnaissance

En 2022, 244 301 personnes, en grande majorité des femmes, ont été victimes de violences conjugales, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, soit une augmentation de 15 % par rapport à 2021. Troisième région la plus exposée aux féminicides en 2022, selon un rapport des Écologistes de la Région, les Hauts-de-France sont particulièrement touchés par ces violences.

Cette aide représente "une très belle initiative et une belle avancée pour les victimes", souligne Claire Diascorn, directrice du Centre d'Informations Des Femmes et des Familles (CIDFF) de la Somme, qui offre une information juridique, et un accompagnement social, professionnel et psychologique aux victimes de violences conjugales.

Safia Drah, cheffe du service SOS violences-vie privée de l'association d'aide aux victimes de violences conjugales AGENA, à Amiens (Somme), souligne également une "nouvelle avancée" et "une reconnaissance des difficultés des victimes de violences conjugales".

Dons ou prêts sans intérêt

Les modalités de l'attribution de cette aide ont été précisées par un décret publié au Journal officiel le 25 novembre dernier. L'argent peut être donné, ou prêté sans intérêt, par la caisse d’allocations familiales (CAF) ou la caisse de la mutualité sociale agricole (MSA).

Un point qui reste à éclaircir pour AGENA et le CIDFF. "Nous ne connaissons pas les modalités de remboursement du prêt", pointe Safia Drah.

Le système de dons est très rassurant pour la victime. Mais la pression que constitue le fait d'avoir une dette sur le dos peut être très compliqué pour la victime, qui n'a pas besoin de ça.

Claire Diascorn, directrice du CIDFF de la Somme

Selon le site de la CAF, dans les situations de prêt, "le montant de l’aide est remboursable par l'auteur des violences s’il est condamné par la justice" et dans le cas contraire, la personne qui a reçu l'aide devra rembourser ce montant.

Des modalités "à améliorer"

Pour bénéficier de cette aide financière, les victimes devront attester de violences par un de ces documents datant de moins d'un an : une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales ; ou un dépôt de plainte ; ou un signalement adressé au procureur de la République. Le dépôt d'une main courante ne suffit pas par exemple. Un point qui reste "à améliorer" pour la directrice du CIDFF 80.

Certaines ne sont pas prêtes au dépôt de plainte, mais sont conscientes qu'elles vivent une situation de violence et ont besoin de sécurité. Et si elles n'ont pas les moyens de partir, elles risquent de ne pas quitter le domicile.

Claire Diascorn, directrice du CIDFF de la Somme

Même si au sein d'AGENA, Safia Drah constate que "de plus en plus de victimes sont prêtes à porter plainte", elle estime qu'il faudra, pour celles qui ne le sont pas, "trouver d'autres biais pour qu'elles s'extraient de leur situation de violences".

Un délai de 3 à 5 jours pour recevoir l'aide

L'aide est également conditionnée par le montant des ressources financières de la victime et la composition du foyer. Ainsi, elle démarre à 243,10 € pour les personnes seules dont les ressources mensuelles sont supérieures à 1,5 fois le Smic net (2 029,60 € à ce jour) et va jusqu'à 1 337,06 € pour les personnes qui ont trois enfants à charge et dont les ressources mensuelles sont inférieures ou égales à 0,5 fois le Smic net (676,54 €). Les différentes situations et montants sont détaillés sur le site de la CAF.

La personne peut en faire la demande en ligne, ou en se rendant sur place. L'aide sera ensuite versée en une seule fois, dans un délai de 3 à 5 jours après la demande. "Ça peut paraître long, mais tout dépend des situations", estime Safia Drah.

Pour certains besoins, ce délai ne sera pas forcément contraignant. Et charge à nous, les associations, de pouvoir trouver des solutions intermédiaires.

Safia Drah, cheffe du service SOS violences-vie privée chez AGENA

Selon AGENA, environ 70 % des situations que gère l'association n'ont pas besoin d'être traitées en extrême urgence, mais parfois, certaines victimes n'ont par exemple pas suffisamment d'argent pour "faire le plein d'essence" qui leur permettra de quitter le foyer. "Parfois, elles ont quitté le domicile conjugal sans vêtements, sans rien. Pareil pour les enfants", observe Martine Tekaya du réseau Femmes solidaires.

Des points à clarifier

Le CIDFF attend de voir comment les modalités d'accès à cette aide vont s'articuler. "Est-ce que c'est figé pour plusieurs années, ou est-ce que c'est la première marche de l'escalier vers un système qui répondra aux besoins de toutes les victimes ?", s'interroge Claire Diascorn. La directrice concède qu'il est "difficile de faire une loi ou une directive qui réponde à la problématique de toutes les victimes de violences conjugales".

"On va voir au fil du temps si le dispositif sera réadapté. [...] On a l'habitude de travailler avec les CAF et les MSA pour construire ensemble les circuits les plus adéquats, donc on va voir ce qu'on peut construire ensemble", estime Safia Drah.

Une aide qui existe déjà dans la Somme

Depuis 2020, une aide financière similaire pour les victimes de violences conjugales existe dans la Somme. La CAF donne une enveloppe aux structures habilitées, le CIDFF, AGENA, et la Maison des familles de Montdidier, qui peuvent ensuite puiser dedans pour aider des victimes à quitter le foyer dans lequel elles se sentent en danger. Il s'agit uniquement de dons, et non de prêts, ajustés aux besoins de la victime. Ils ne sont pas conditionnés par un dépôt de plainte, ni par un niveau de ressources, et augmentent en fonction du nombre d'enfants à charge.

"Cela répond à la temporalité des victimes, qui ont vécu l'horreur, ont le déclic, sortent de chez elle, et à qui on donne les moyens de s'en sortir. Ensuite, on les entoure pour qu'elles puissent porter plainte, que ce qu'elles ont vécu soit dénoncé, et que l'auteur soit sanctionné", détaille Claire Diascorn.

La CAF de la Somme a également mis à disposition des structures et une adresse mail dédiée afin de transmettre en urgence les dossiers des femmes qui quittent le domicile pour permettre un versement plus rapide de leurs droits au RSA ou aux allocations familiales par exemple.

Cette expérimentation nous a permis de vérifier que ce dispositif répondait à un réel besoin.

Safia Drah, cheffe du service SOS violences-vie privée chez AGENA

"Cette aide vient réduire l'ampleur des difficultés des victimes, lever des freins, rassurer et sécuriser le parcours de sortie des violences conjugales. Les victimes se sentent ainsi mieux prises en compte et moins seules", souligne Safia Drah.

AGENA et le CIDFF ignorent pour le moment si, dans la Somme, le dispositif national va remplacer le dispositif mis en place depuis trois ans, qui est plus souple, ou s'il pourra se poursuivre comme avant.

Si vous êtes victime de violences conjugales, vous pouvez composer le 3919. Gratuit et anonyme, ce numéro est joignable 24h/24 et 7j/7. Vous pouvez également contacter l'association AGENA à Amiens, ou le CIDFF de la Somme.

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