Des psychologues seront bientôt présents dès la garde à vue pour les auteurs de violences conjugales dans les commissariats de la Somme. Une initiative qui pourrait aider à prévenir la récidive. À ce jour, on dénombre 121 féminicides en France depuis le début de l'année 2023.
Un nouveau dispositif va être progressivement mis en place dans les commissariats de la Somme : la présence d'un psychologue dès la garde à vue pour les auteurs de violences conjugales. Une expérimentation a été menée du 6 au 10 novembre à l'échelle du commissariat d'Amiens.
Deux associations ont été sollicitées par le procureur d'Amiens pour participer au projet : AGENA qui vient en aide aux femmes victimes de violences, seules ou accompagnées d'enfants, et l'AEM (Association d’Enquête et de Médiation), une association socio-juidiciaire habilitée Centre de prise en charge des auteurs de violences conjugales (CPCA) dans la Somme et l'Oise.
Recueillir la parole "sans jugement"
Au total, quatre situations ont été étudiées par l'AEM et AGENA, pendant la phase expérimentale. L'AEM était ainsi contactée par l'officier de police judiciaire en charge de la procédure de garde à vue. L'association envoyait alors une de ses deux psychologues, formées et compétentes dans les dossiers de violences conjugales.
"C'est un outil innovant. Cela permet d'amener les éléments pertinents au parquet au moment où des décisions doivent être prises", explique Damien Renaud, coordinateur des mesures pénales de l'AEM.
Ces éclairages psychologiques peuvent prendre tout leur sens devant la problématique des violences conjugales
Damien Renaud, coordinateur des mesures pénales de l'AEM
Charlotte Decayeux, psychologue depuis un an au sein de l'AEM, a participé à cette expérimentation en novembre. "L'idée est de recueillir la parole de l'auteur en toute bienveillance, sans jugement, car on n'est pas là pour ça. Il faut entendre ce que la personne a à nous dire et aussi la responsabiliser et la faire travailler", explique-t-elle.
Des psychologues formées sur les violences conjugales
L'objectif visé est d'éviter la récidive et de faire prendre conscience à l'auteur de violences conjugales de la gravité de son comportement. Cette séance ne peut pas suffire à provoquer de profonds changements chez l'auteur de violences conjugales.
En une heure de séance, si certaines questions qu'on peut poser les amènent à réfléchir à ce qui s'est passé, s'ils s'interrogent, que ça fait son chemin et que ça peut être ensuite consolidé thérapeutiquement, c'est déjà beaucoup.
Charlotte Decayeux, psychologue au sein de l'AEM
Un des hommes rencontrés par une des psychologues a ainsi accepté d'entamer un suivi thérapeutique avec la psychologue rencontrée en garde à vue. "Ils sont dans une fragilité qui leur permet d'entamer un travail d'introspection et d'avoir une meilleure adhésion en cas d'obligation de soins", appuie la psychologue de l'AEM.
Selon Charlotte Decayeux, il est important que les psychologues mandatées sur ces dossiers aient de l'expérience.
Il faut avoir déjà rencontré des auteurs de violences conjugales, car c'est une population particulière
Charlotte Decayeux, psychologue au sein de l'AEM
"En une heure, il faut bien cadrer son entretien, savoir rebondir correctement, et avoir un bagage, une connaissance sur la prise en charge des auteurs de violences conjugales", souligne-t-elle.
Des inconnues sur les modalités de déploiement du dispositif
Restent quelques inconnues : quand le dispositif sera-t-il officiellement mis en place dans tous les commissariats de la Somme ? Combien de psychologues formés aux violences conjugales sont-ils disponibles dans le département ? Pourra-t-on compter sur une disponibilité des psychologues en permanence afin d'intervenir dans tous les dossiers ? Le psychologue qui s'entretiendra avec l'auteur des violences sera-t-il le même que celui qui s'entretiendra avec la victime ?
Malgré de multiples demandes, Jean-Philippe Vicentini, le procureur de la République d'Amiens à l'initiative de ce dispositif, a refusé de répondre aux demandes d'informations de France 3 Hauts-de-France, mais a accepté de communiquer avec d'autres médias locaux. À l'heure de finaliser cet article, nous sommes toujours dans l'attente d'une réponse de sa part.
En date du 17 novembre, le collectif #NousToutes a recensé 121 féminicides en France depuis le début de l'année 2023. Les Hauts-de-France sont la troisième région la plus exposée aux morts conjugales violentes en 2022, selon un état des lieux des Écologistes de la Région.
Si vous êtes victime de violences conjugales, vous pouvez composer le 3919. Gratuit et anonyme, ce numéro est joignable 24h/24 et 7j/7. Vous pouvez également contacter l'association AGENA à Amiens.