"Vivre avec son trac, c'est possible !" promet Romain Lesaffre, rocker, écrivain, entrepreneur et reporter natif du Nord

Champion de France d'air guitar, membre d'Airnadette, groupe connu dans le monde entier, Romain Lesaffre, natif du Nord, est sujet au trac, thème souvent tabou. Il réunit dans un livre les témoignages de 50 personnalités comme Joey Starr, Fauve Hautot ou Bruno Solo pour vous aider à vaincre le trac

Le trac, Romain Lesaffre l'a toujours connu. Que ce soit récemment pour monter sur scène, ou enfant, pour prendre la parole en public. Aujourd'hui, le nordiste le clame haut et fort : "Je suis un espoir pour les timides."

S'il a décidé de partager son expérience dans un livre publié aux éditions Marabout, L'étonnant pouvoir du trac (et autres effets secondaires), c'est pour rassurer le plus grand nombre. Pour lui, presque tout le monde a le trac, il ne faut surtout pas en avoir honte. "Le problème, c'est quand ça devient handicapant. Heureusement, il y a des méthodes pour apprendre à le gérer."

Ce sont ces méthodes que Romain expose dans son ouvrage, pour lequel il a recueilli les témoignages de cinquante personnalités, du monde du spectacle, mais pas seulement. "C'était important qu'il n'y ait pas que des artistes. Le trac de la scène, tout le monde le connaît ou au moins peut se l'imaginer. Je voulais absolument parler avec des chefs d'entreprise, j'ai eu par exemple un pilote de l'air, ou encore des hommes politiques."

C'est ainsi que Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France et candidat à l'élection présidentielle de 2022, a répondu à ses questions. Parmi les cinquante interviewés, huit sont issus des Hauts-de-France, région d'origine de Romain Lesaffre. Né à Tourcoing, il a vécu à Bondues jusqu'à ses 20 ans, avant de s'exiler à Paris… et de revenir à Lille "pour y rester" au moment du confinement.

Autres régionaux, aux côtés de Xavier Bertrand : Bertrand Périer, avocat ayant vécu à Douai ; Didier Super, chanteur et humoriste ; Emeline Bayart, chanteuse, actrice et metteuse en scène ; François Leleux, hautboïste et chef d'orchestre international ; Laura Di Muzio, capitaine du Lille Métropole Rugby Club ; Lucie Leguay, cheffe d'orchestre ; Maurice Barthélémy, comédien, réalisateur et auteur, qui a vécu en Picardie. Tous témoignent des symptômes invalidants du trac, mais aussi des techniques qu'ils utilisent pour mieux le vivre. Grâce à eux, le lecteur comprend que le trac vient avant tout de la peur de décevoir. Voire, de la peur tout court.

Champion de France d'air guitar

Romain, lui, doit avoir peur du vide. Un vide qu'il comble par des occupations nombreuses. Il est ce qu'on appelle un slasher, ou multipotentiel, c'est-à-dire quelqu'un qui multiplie les emplois. "J'ai un BTS en Arts graphiques, raconte-t-il, ce qui m'a permis de devenir directeur de création dans la pub. Et puis, ma vie a changé grâce à une minute d'air guitar…" En 2005, Romain participe en effet à un concours. Le principe ? Mimer le geste d’un guitariste sans avoir l’instrument en main, comme une sorte de playback musical. Il ne gagne pas mais se prend au jeu et l'année suivante, décroche le titre de champion de France de la discipline.

Il finira par intégrer le groupe Airnadette, sous le pseudo de Château Brutal. "C'est aussi le nom de mon groupe de rock, du rock bien gras qui tache, sourit-il. D'où ça vient ? Un jour, j'étais dans un bar pour acheter des clopes, et j'ai entendu quelqu'un dire : "Hey, Dédé, sers-moi le Château brutal !" En fait, c'est le pire vin possible, le moins cher."

"Je mène de front deux vies artistiques, poursuit-il. Airnadette est un airband reconnu internationalement. On a joué partout, on a eu notre nom en lettres rouges l'Olympia, on a été hébergés dans les plus grands palaces. On a tourné partout avec notre spectacle, Le pire contre-attaque."

"Avec Château Brutal, compare-t-il, c'est autre chose, même si on a aussi fait des albums, des clips, dont un dans une boucherie du Nouvion-en-Thiérache, dans l'Aisne, des concerts à Londres, Lisbonne… Comme pour l'air guitar, je me déchaîne sur scène avec ma batterie."

"Par contre après les prestas, on dormait par terre après avoir mangé des pizzas froides, s'amuse-t-il. Il y a un côté un peu insolite. On a joué sur le toit d'un bus anglais, ou encore en prison. Un jour une jeune fille nous a envoyé un mail pour qu'on vienne jouer pour la soirée d'anniversaire de ses 18 ans, près de Maubeuge ; elle n'avait pas beaucoup de moyens. Alors, on lui a facturé 22,95 euros, deux goudas et un maroilles, et ça l'a fait."

"Au début, se remémore-t-il, j'avais un peu le trac, je le raconte dans le livre. Je me vidais avant chaque concert. Puis ça a pris de plus en plus de place, jusqu'à en prendre trop." Romain décide alors de faire un documentaire pour la télévision, sur cette thématique selon lui trop peu abordée. "Même moi au départ je n'en parlais pas. Quand on fait du rock bien gras et qu'on dit : "J'ai le trac", ça ne le fait pas."

"J'avais déjà fait une série de docus pour Planète, détaille-t-il. J'ai été reporter pour une série, où je me suis retrouvé dans un cabriolet des années 60 à sillonner la France. Avec mon projet sur le trac, j'ai contacté EgoDoc, la boîte de production de Pascale Breugnot. Ils ont dit oui tout de suite."

Une aventure géniale

Sauf qu'aucune chaîne n'achète le projet. "Je n'ai pas voulu laisser tomber, affirme Romain. Je me suis dit que j'allais en faire un livre. J'en ai parlé à Florence Servan-Schreiber, qui m'a mis en contact avec Marabout. Trois jours plus tard, j'étais chez eux pour signer."

Pendant deux ans, Romain vit ce qu'il voit comme "une aventure géniale". "J'ai rencontré des gens avec des parcours incroyables, s'enflamme-t-il. Tous m'ont parlé de leur trac sincèrement et facilement, alors que certains symptômes ne sont pas glam à aborder. On rentre quand même dans l'intimité des gens."

Certains confient avoir sommeil, d'autres, le cœur qui s'accélère, d'autres encore, une envie d'uriner à répétition. Pour Romain Lesaffre, tant que les symptômes sont gérables, il n'y a pas de problème. Mais s'ils deviennent invalidants, il faut en parler, et se faire aider.

Autant de méthodes que de symptômes du trac

Dans le livre, avec beaucoup d'humour, il raconte son parcours et recense les différentes méthodes pour s'en sortir, à travers les témoignages qu'il a recueillis. "Les cours de prise de parole à l'école, ça devrait faire partie des cours obligatoires", revendique ainsi Xavier Bertrand. Maurice Barthélémy, ancien traqueux, a raté cinq fois son permis à cause de ça. Pour lui, "les émotions il faut les prendre, les bonnes comme les mauvaises, c'est sain." La rugbywoman Laura Di Muzio, elle, pratique la préparation mentale.

Pour Romain, "il est très important de comprendre qu'on n'est pas nul parce qu'on a le trac. On n'est pas tous équipés pareil pour gérer la pression. Kyan Khojandi était tellement claustrophobe qu'il ne pouvait pas prendre l'avion pour aller jouer à Montréal par exemple. Il a fait de l'EMDR, ça a réglé jusqu'à ses problèmes de trac, qui déroulait de sa peur des espaces clos."

Il n'y a pas de recette miracle contre le trac. C'est à chacun de faire sa petite cuisine en utilisant une ou plusieurs techniques.

Romain Lesaffre

EMDR, mais aussi sophrologie, respiration, PNL, méditation… "Il n'y a pas de recette miracle, prévient Romain. C'est à chacun de faire sa petite cuisine en utilisant une ou plusieurs techniques."

"Le trac donne tendance à s'autodéprécier, poursuit-il. Moi, je voyais tout en noir. Tout était nul, la salle, le show... C'était le trac qui me faisait parler. Il fallait le prendre en main. L'écrire a eu un côté cathartique." Et le résultat est plaisant : léger, drôle, facile à lire, et instructif.

Ce n'est pas la première fois que Romain s'attaque à l'écriture. "On a aussi fait un livre pour enfants avec Airnadette, sourit-il. Quand on met du rock à un enfant, surtout avec du volume, il saute partout. Partant de là, on a écrit une histoire, avec une autrice et une dessinatrice de la région, Mélanie Bayart et Cécile Nolf-Carbon. Et c'est Aurélien Gainetdinoff, du groupe Okay Monday, qui a composé toutes les musiques." Le résultat ? Du rock dans ton salon, comédie musicale en playback pour enfants.

Notre Romain est donc graphiste, musicien, reporter, écrivain… Et ne s'arrête pas en si bon chemin puisque depuis 2018, il est aussi chef d'entreprise – slasher, on vous a dit ! Papa d'une petite Nico de six ans (alias Mini Château Brutal, elle en a même le costume, "dégueulasse de mignonnerie"), il s'est dit un beau matin que la tournée d'Airnadette était compliquée pour la vie de famille. Alors avec sa compagne, Caroline Ales, il a décidé de monter une société de "rigolade en entreprise". Bazar Général propose du teambuilding, des ateliers créatifs, des soirées clé en main, les plus originales possible. Concours de chant, de graphisme, spectacle à monter en quelques heures, mais aussi bien sûr air guitar, tout y passe.

"Quand on débarque avec nos photocopies, nos feutres, nos ciseaux et notre colle, on nous dit souvent qu'on se croirait à la maternelle. La différence, c'est qu'en maternelle, on sait dessiner, découper, chanter… Après, on ne sait plus."

Avec le confinement, la plupart de ses activités ont été suspendues. "Quand j'en ai eu marre de faire des puzzles et de regarder la vie passer, explique Romain, j'ai eu envie de faire rire, et de recréer une relation avec le public. Et j'ai décidé de réhabiliter le calembour, jeu de mots aussi génial que pourri. J'en fais tout le temps, et c'est assez pénible pour mon entourage…" Avec Jérôme Auriac, un ami, il crée alors la Fédération française de calembours, sous couvert de laquelle il publie depuis sept mois un calembour par jour sur Facebook et Instagram, qui touche 35000 fans. Exemple : "Un dermatologue, c'est un médecin qui a fait Sciences Peau."

La "maladie du calembour", comme il dit, se transmet de génération en génération. Romain Lesaffre la tient de sa mère, Bénéditte, qui le tenait elle-même de sa mère. "C'est d'ailleurs Béné Brutal qui fait mes costumes". Elle fait partie de l'association Nouvoulook à Marcq-en-Barœul. "Pour l'asso, j'ai quand même vu ma mère défiler en tenue de Marylin à 75 ans et faire Poopoopidoo. Et vous savez quoi ? Elle avait le trac !"

Pour la détendre, nul doute qu'il lui a soufflé des calembours dans les coulisses. "Ça a l'air ringard. Mais ça marche. Je reçois des messages de remerciements tous les jours, comme quoi, ça fait du bien de rigoler. Vous savez, ça me prend du temps, et ça ne me rapporte rien. Mais des sociétés m'ont même appelé pour faire leur comm !"

Tiens, un nouveau métier en perspective... Romain dit toujours oui, à condition de sentir qu'il peut s'amuser. "J'ai de la chance de pouvoir m'écouter, conclut-il. Je n'ai plus envie de travailler. J'ai envie de m'amuser et qu'on me rémunère pour ça."

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