Nord : la fin de la trêve hivernale menace les foyers les plus fragiles, les sans-abri et les réfugiés

Les locataires fragiles, les réfugiés et les sans-abri en centre d'hébergement risquent de nouveau l'expulsion depuis ce 1er juin 2021, après un report de deux mois de la date fatidique à cause de la crise sanitaire. Les associations tentent coûte que coûte de faire reconnaître leurs droits. 

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"Les expulsions de personnes disposant d’un logement privé ou social vont reprendre à partir de juin", alerte Collectif 27 mars pour le Droit au Logement et à la Dignité. Les associations reçoivent déjà de nombreux appels de procédure de recours à la force. En France, selon les associations, 30.000 familles sont menacées d’expulsion, deux fois plus qu’avant la pandémie.

La trêve hivernale avait été prolongée de deux mois à cause de la crise sanitaire. Depuis ce mardi 1er juin, les expulsions locatives peuvent reprendre. Le gouvernement avait annoncé le 21 mai dernier un répit de quelques mois pour des milliers de sans-abris, qui ne seraient pas expulsés de leur centre d’hébergement.

Toutefois, le Collectif 27 mars pour le Droit au Logement et à la Dignité qui fait le lien entre différentes assocations spécialisées dans la question de l'hébergement (Utopia 56, APU...) explique que "les préfets, notamment celui du Nord, ne respectera pas complètement cette mesure". Ils affirment avoir appris "que les structures d’hébergement de l’OFII (CAES, CADA…) ont à ce jour pour consigne de reprendre les remises à la rue au 31 mai."

Nous avons appris que les structures d’hébergement de l’OFII (CAES, CADA…) ont à ce jour pour consigne de reprendre les remises à la rue au 31 mai.

Collectif 27 mars pour le Droit au Logement et à la Dignité

Les locataires fragiles en ligne de mire

"J'ai des personnes qui passent dès cette semaine au tribunal en procédure d'expulsion, explique Frédéric Laroche, membre du collectif. Ce sont des personnes qui avaient une vie, qui ont travaillé mais ont eu des difficultés." Il cite l'exemple d'un couple à Fives avec un enfant en bas âge qui ont été expulsés d'un logement privé il y a quelques semaines. L'enfant a pu, heureusement, être hebergé chez de la famille pendant que les parents, eux, dormaient dans la voiture. 

Ce constat est partagé par l'Atelier Populaire d'Urbanisme (APU) du Vieux-Lille, association spécialisée dans la défense des intérêts des locataires et des propriétaires occupants. "Durant les permanences qu'on tient, de plus en plus de gens nous sollicitent car ils ont contracté des dettes sur leur loyer, explique Gauthier Ragonnet, membre de l'APU. Mais on est certain que la majorité des gens menacés d'expulsion ne viennent pas nous voir.", 

Frédéric Laroche ajoute qu'avec la crise sanitaire "les gens ont eu des baisses de ressources sans forcément une baisse du loyer, il ne s'agit pas d'être mathématicien pour savoir que les gens se retrouvent en difficulté". 

Les gens ont eu des baisses de ressources sans forcément une baisse du loyer, il ne s'agit pas d'être mathématicien pour savoir que les gens se retrouvent en difficulté.

Gauthier Ragonnet

Aujourd'hui, d'après les informations qu'il continue de recevoir, les bailleurs sociaux, "censés protégés", mettent place "des procédures d'expulsion après à peine deux mois d'impayés et cherchent rarement la médiation", même s'il reconnaît qu'il y a des solutions trouvées et des situations qui "se dénouent bien". Frédéric Laroche refuse d'incriminer totalement "les bailleurs sur tous les sujets car ils ont dû faire face de la baisse APL qui leur limite leurs moyens pour investir et developper les solutions".

"On constate qu'une majorité des gens qui viennent sont menacés d'expulsion du parc social, remarque Gauthier Ragonnet. Il pourrait y avoir des prises de position, comme avec le bailleur social de la ville de Paris qui avait annoncé qu'il n'expulserait pas en 2020." Il se questionne également sur le rôle des préfets. "De quelle manière les prefets peuvent-ils s'adresser aux bailleurs sociaux, leur demander la plus grande clémence dans l'application de la procédure d'expulsion ? Je pose la question.

Il y a également la problématique du nombre faible de logements sociaux, voire très sociaux (PLAI), peu nombreux par rapport à la demande réelle. Dans le Nord, et à Lille plus précisement "75% des demandes de logements sont pour les logements très sociaux", précise le collectif. Ces logements ne représentent pourtant que 4% du nombre de logements HLM. 

30.000 familles menacées d'expulsion : la partie visible de l'iceberg

"Quand on parle de 30.000 ménages menacés, ce sont que des expulsions avec concours de la force publique, détaille Gauthier Ragonnet. Cela signifie que la tentative d'expulsion de l'huissier à déjà eu lieu. C'est la dernière étape." Le chiffre ne prendrait donc pas l'entière réalité de la situation. 

L'Etat avait annoncé "qu'il n'y aurait pas d'expulsion sèche en 2021, une circulaire a été donnée aux préfets pour trouver une solution d'hébergement ou de relogement aux ménages menacés d'expulsion, poursuit-il. Mais cette circulaire ne vise qu'une minorité des ménages en situation d'expulsion, celles en fin de procédure, qui feront face au concours des forces de l'ordre". 

Quand on parle de 30.000 ménages menacés, ce sont que des expulsions avec concours de la force publique. Cela signifie que la tentative d'expulsion de l'huissier à déjà eu lieu. C'est la dernière étape.

Gauthier Ragonnet

Selon lui, l'annonce de la circulaire est dangereuse car elle est trompeuse. De nombreuses personnes sollicitent l'APU avec l'espoir d'un relogement ou d'un hébergement en tête. "Mais c'est faux, car dans beaucoup de cas, l'expulsion se fait avant le concours des forces de l'ordre, par huissier, et ces personnes ne sont pas concernées parl a circulaire.

De plus, l'association et le collectif ont constaté que la circulaire n'a pas empêché les forces de l'ordre d'expulser des ménages sans relogement l'an dernier. "On craint que le prefet fasse fit de cette circulaire. Concrètement, ce qui s'est passé l'an dernier ne donne pas confiance en l'avenir."

Les centres d'hébergement d'urgence également concernés

Une annonce gouvernementale faite par voie de presse par Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au logement, le 21 mai dernier avait fait souffler un vent d'espoir chez les résidents de centres d'hébergement d'urgence. "Même si en réalité, ce ne sont pas des logements mais simplement un lit sans réel espace de vie ni cuisine", précise Frédéric Laroche. 

Cependant, les associations remarquent plusieurs signaux "qui nous alertent que des gens sont mis à la rue." Certains hôtels qui hébergeaient des sans-abris et des réfugiés, "vont remettre les gens à la rue car ils réclament les chambres le plus rapidement possible pour la réouverture aux touristes."

Les sans-abri, les réfugiés n'ont pas tous connaissance de leurs droits, ne prennent pas facilement la parole et ne sont pas des électeurs courants, alors on les abandonne.

Frédéric Laroche

Selon lui, ces expulsions se font sous silence "car les sans-abri, les réfugiés n'ont pas tous connaissance de leurs droits, ne prennent pas facilement la parole et ne sont pas des électeurs courants, alors on les abandonne". 

De nombreux logements vides

Quand on lui demande quelle solution existe, Frédéric Laroche pense au "retrait de l'article la loi sécurité globale qui criminalise l’occupation de logements vacants et les menace d'amende et d'emprisonnement, et porte atteinte au droit au logement". Il met en avant "les lois de réquisition qui permettent de réquisitionner les bâtiments publics, des collèges abandonnés, etc."

"Il y a des milliers de bâtiments vides à Lille et dans le Nord, conclut-t-il. On dit qu'ils appartiennent à des retraités propriétaires dont on vole la maison, c'est une idée répandue alors que, dans les faits, c'est très minoritaire". Il cite également Lille Verte, groupe d'opposition à la municipalité, qui s'est rendu ce lundi devant un IME (institut médico-éducatif) de 1000 m2, vide depuis plusieurs années. Ils ont dénoncé la vacance de nombreux logements de la métropole qui auraient pu servir, selon eux, à héberger des familles et des sans-abris. 

Il y a des milliers de bâtiments vides à Lille et dans le Nord. On dit qu'ils appartiennent à des retraités propriétaires dont on vole la maison, c'est une idée répandue alors que, dans les faits, c'est très minoritaire.

Frédéric Laroche

Même si Gauthier Ragonnet et l'APU n'ont "pas assez de recul sur les chiffres ni de bilan pour cette année", leur sentiment se base sur des faits vérifiables "de plus en plus de gens arrivent pour nous demander de l'aide". Et leur conviction, c'est qu'il y en aura encore davantage dans les mois à venir car les procédures d'expulsion sont longues et ne réflètent pas la situation socio-économique des ménages en temps réel. Les difficultés financières d'hier ne seront donc palpables que dans les mois prochains. 

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