L'entreprise textile nordiste Lemahieu, assistée de 10 000 bénévoles, a commencé à produire des masques en tissu, lavables et réutilisables, validés par le CHU de Lille et permettant un niveau de protection similaire en termes de particules à celui des masques chirurgicaux classiques jetables.
L'entreprise Lemahieu, implantée à Saint-André-Lez-Lille dans la métropole lilloise, ne pensait pas rouvrir si vite. Dix jours à peine après avoir quitté les lieux les larmes aux yeux, une quinzaine de couturières volontaires ont repris du service dès ce week-end pour produire des masques "sécurisés" en tissu, lavables et réutilisables. Bien loin des tee-shirts techniques, caleçons, slips et autres culottes mentruelles habituellement en production chez ce bonnetier.
C'est le PDG de Lemahieu, Martin Breuvart, qui a eu cette idée solidaire et a très vite proposé ses services de fabricant textile au CHU de Lille. Ensemble, ils ont mis au point un prototype capable de filtrer les particules de façon satisfaisante. Il s'agit d'un dispositif complémentaire, qui ne remplace pas le masque à usage unique, toujours préconisé en cas de soin, mais qui peut pour le CHU "constituer un substitut acceptable pour les autres situations".
Baptisé GARRIDOU, en référence à ses concepteurs, le patron de ce masque a été déposé, "afin de limiter le risque de contrefaçons inefficaces", indique encore le CHU.
Lemahieu promet 3.000 masques par jour
Dans un premier temps, l'entreprise nordiste prévoit de fabriquer 3.000 masques par jour. Une quinzaine de personnes travaillent sur site, de 7h15 le matin jusqu'à 13h. Certains emportent ensuite des kits chez eux pour les y assembler. Objectif, fournir tout le personnel hospitalier du CHU de Lille, puis les autres soignants et, à terme, les services de secours associés comme les pompiers, les policiers, les gens mobilisés pour les sans abri.
Plusieurs entreprises textiles de la région qui ont dû fermer pourraient également s'associer au projet. "Il s'agit bien d'une initiative solidaire, pas marchande", précise Martin Breuvart. Les masques seront revendus au CHR à prix coûtant, ce dernier ayant déjà reçu des promesses d'aide financière de la part de la MEL, la région, la préfecture, l'ARS ou encore différentes mutuelles.
Plus de 10.000 bénévoles
Le CHU et Lemahieu ont également lancé un appel aux couturiers et couturières bénévoles de la région Hauts-de-France, relayé par la communauté solidaire Le Souffle du Nord, qui se définit comme "un collectif d’acteurs du Nord – citoyens, entreprises, associations, collectivités, institutions, écoles… – réunis par l’ambition d’impacter positivement le monde". En moins de 24 heures, plus de 10.000 particuliers se sont ainsi manifestés sur le site Des masques en Nord - parmi lesquels des membres du personnel hospitalier. "Soyez patients, nous allons tous vous contacter, promet Sylvain Derreumaux, du Souffle du Nord. Nous venons de former le plus grand atelier de couture du monde et il est 100% solidaire !!!"Un mail envoyé à tous les participants détaille le process : "Lemahieu reçoit les tissus, les découpe et prépare des kits de 50 masques prêts à assembler. L’entreprise LMC (partenaire) prépare les envois individuels. Les bénévoles du Souffle du Nord distribuent les kits aux couturier(e)s volontaires, et les récupère après assemblage. Lemahieu effectue un contrôle qualité avant livraison au CHU de Lille."
Les 134 premiers kits de 50 masques chacun seront distribués demain, mardi 24 mars. Un tuto d'assemblage devrait également être mis en ligne mais attention ! "C’est la combinaison validée par le CHU de Lille d’un patron et de tissus spécifiques qui garantit la conformité du modèle GARRIDOU, précise Sylvain Derreumaux. Le patron seul ou du tissu sans patron ne sont en aucun cas une garantie. Le “même” masque, réalisé avec d’autres tissus, n’aurait pas la même efficacité et pourrait comporter des risques car il procurerait une fausse sensation de sécurité." Ainsi, chaque masque est composé de trois épaisseurs de tissu dont deux filtrants, et doit porter une étiquette, qui garantit qu'il a été fabriqué avec les matières préconisées par le CHU.
"Il n'y a pas d'hôpital public sans solidarité"
Le directeur général du CHU de Lille, Frédéric Boiron, était ce lundi 23 mars chez Lemahieu, et c'est avec une vive émotion qu'il a assisté aux premiers assemblages. "Je travaille à l'hôpital depuis 30 ans, a-t-il confié, ces gens, ces entreprises qui se mobilisent pour la solidarité... c'est juste magique. Il n'y a pas d'hôpital public sans solidarité."