Covid-19 : pour le médecin nordiste Michaël Rochoy, nos enfants sont en danger et il est urgent de sécuriser les écoles

Cela fait des mois que le nordiste Michaël Rochoy appelle à la sécurisation des écoles, en vain. Pour ce médecin généraliste à Outreau (Pas-de-Calais), co-fondateur du site Stop Postillons et membre du collectif "Du côté de la science", le gouvernement doit d'urgence revoir sa stratégie. Interview.

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Médecin généraliste à Outreau, dans le Pas-de-Calais, Michaël Rochoy intervient régulièrement sur France Info et BFM-TV ainsi que dans d'autres médias nationaux depuis le début de la crise sanitaire. Avec trois autres médecins, il a co-fondé le site Stop Postillons en avril 2020. Alors que le gouvernement estimait que le port du masque n'était pas nécessaire, le site, lui, préconisait déjà de se couvrir le visage d'un "écran anti-postillons" pour limiter la contamination. 

Très actif sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter où il parodie régulièrement dans des vidéos le Premier ministre Jean Castex, il a également co-fondé le collectif  "Du côté de la science", @Cote_Science sur Twitter, un groupe indépendant de scientifiques. Ensemble, ils alertent et conseillent sur la lutte contre le Covid-19, et appellent "à ce qu'elle soit fondée sur les données de la science et débattue avec des citoyens informés."

Depuis 2020, ce collectif alerte sur la contamination des enfants et préconise une sécurisation urgente des écoles, d'autant plus qu'aujourd'hui le nombre d'enfants hospitalisés augmente. Certains d'entre eux déclenchent des PIMS, syndromes inflammatoires multisystémiques pédiatriques, qui se déclarent deux à trois semaines après la contamination, même asymptomatique. Lorsque ces PIMS débouchent sur des myocardites, les enfants sont placés en réanimation. Comme de nombreux médecins, le docteur Michaël Rochoy craint une nouvelle vague d'hospitalisations pédiatriques liées au variant Omicron. Il répond à nos questions.

Dans une tribune publiée fin décembre dans le Journal du dimanche, avec cinquante autres personnels de santé, vous avez interpellé le ministre de la Santé Olivier Véran en réclamant le report de la rentrée de janvier... Or vous n'avez pas été écoutés.  

Ce n'est pas la première fois que l'on tire la sonnette d'alarme, ça fait des mois - bientôt des années ! - que ça dure. Déjà à l'été 2020, nous avions signé une tribune dans Le Parisien - Aujourd'hui en France intitulée "Quatre propositions urgentes pour l'école" . Elle est toujours d'actualité, rien n'ayant été mis en place, hormis le port du masque obligatoire dès six ans. Il s'agissait pourtant bien de propositions "urgentes" ! En septembre 2020, le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer déclarait : "Nous sommes préparés à tout". Ils n'étaient préparés à rien et ne le sont toujours pas.

L'une des priorités et des fiertés du gouvernement, c'est de maintenir l'école ouverte.

C'est faux. J’ai surtout le sentiment que Jean-Michel Blanquer a créé un homme de paille qui voudrait fermer les écoles. En réalité, absolument personne ne demande ça ! Cet homme imaginaire permet juste au ministre de s’ériger en héros, celui qui maintiendra l’école ouverte quoi qu’il en coûte. Quitte à, comme l’annonçait le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal sur France Inter , faire appel à des retraités ou des étudiants pour remplacer les enseignants lorsqu’ils sont malades. Autant dire une garderie. D’ailleurs, en 2020, ni le président de la République ni le Premier ministre ne prenaient en compte les élèves ni même ne les mentionnaient. Ils assumaient de dire que si les écoles étaient fermées, ce serait gênant car les parents ne pourraient pas aller travailler. Alors aujourd’hui, mettre en avant la notion d’éducation comme priorité numéro 1, laissez-moi rire, c’est du storytelling. Leur priorité reste bel et bien l’économie. Il faut bien permettre aux parents de continuer à travailler...

La priorité du gouvernement, ce n'est pas de garder les écoles ouvertes, mais de permettre aux parents de travailler.

Docteur Michaël Rochoy

Par ailleurs, il faut définir "fermer les écoles". J’ai l’impression que pour le gouvernement, être en distanciel, ça veut dire que les écoles sont fermées. Or ce n’est pas le cas. Encore une fois, en aucun cas, nous ne demandons à fermer les écoles. Nous voulons des enseignants qui enseignent à nos enfants, et pas juste des gens disponibles pour aller les garder dans les enceintes d’écoles ouvertes. Nous avons donc réclamé en décembre, dans cette tribune du JDD, que la rentrée se fasse en distanciel. Malheureusement, ce n’est pas la stratégie que le gouvernement a retenue.

Mardi 4 janvier, le ministre de la Santé Olivier Véran indiquait devant les députés, au cours du débat instaurant le passe vaccinal, que soixante-quatre enfants étaient en réanimation pédiatrique en France à cause d’une forme grave du Covid-19, un chiffre en forte augmentation. Nos enfants sont-ils en danger ?

C’est deux fois plus que le maximum enregistré en novembre et décembre. On compte actuellement 284 enfants hospitalisés pour les 0-9 ans, 180 pour les 10-19 ans. 80% d’entre eux n'ont pas de comorbidité, selon l'étude Pandor visant à comprendre les spécificités du Covid-19 chez les plus jeunes.  On sait que c’est exponentiel, il y aura donc de plus en plus d’hospitalisations. De plus en plus de décès. Et de plus en plus de Covid long chez les enfants. Les courbes du data scientist Germain Forestier laissent peu de doutes, et je vous invite à consulter son site qui fournit des graphiques éloquents sur la situation, et notamment les niveaux scolaires.

Les chiffres sont éloquents. Le taux d'incidence à la rentrée était de 710 en maternelle, 1516 en primaire, 1720 au collège, 1992 au lycée. Avec le collectif "Du côté de la science", nous tentons d'alerter. Nous avons d'ailleurs rédigé un article pour La revue francophone de médecine générale .

Que fait-il ressortir ?

Je vous en livre un extrait :

"Bien que participant à la dynamique de transmission de la Covid-19, en particulier avec le rôle de l’école, les enfants font moins fréquemment des formes symptomatiques que les adultes. Toutefois, des syndromes inflammatoires multisystémiques ont été décrits chez les enfants après une infection à SARS-CoV-2 ou des pancréatites, qui peuvent évidemment entraîner des symptômes prolongés.

Les études sur les symptômes prolongés après Covid-19 chez les enfants sont plus rares, et il a fallu attendre novembre 2020 pour avoir les premiers articles scientifiques sur cette problématique. Depuis, il est apparu que les enfants peuvent souffrir des mêmes symptômes prolongés que les adultes, en particulier de fatigue, troubles respiratoires (dyspnée), troubles neurologiques (troubles de mémoire, troubles de concentration, céphalées), d’éruptions cutanées, etc. La littérature rapporte environ 8 % d’enfants souffrant de symptômes prolongés après Covid-19 après au moins 4 semaines, avec des extrêmes de 4 à 40 %. Une récente étude française signalait par exemple 17 % de symptômes à 1 an après l’infection initiale, avec asthénie, troubles de concentration et troubles d’apprentissage.

Une étude d’imagerie nucléaire a également montré une implication cérébrale fonctionnelle, similaire à celle trouvée chez les adultes, chez les enfants ayant des symptômes prolongés après Covid-19, indépendamment de l’âge et de la sévérité initiale. Une meilleure reconnaissance de cette problématique en France et des recommandations de prise en charge spécifiques à la population pédiatrique sont nécessaires, avec la coopération des principaux soignants d’enfants que sont les médecins généralistes et les pédiatres."

Les nouvelles de l’étranger ne sont pas rassurantes non plus...

Aux Etats-Unis par exemple, le nombre d’hospitalisations des mineurs entre le 21 et le 27 décembre a augmenté de 58 % au niveau national ; au Royaume-Uni, où l’on ouvre des services dédiés au Covid long des mineurs, 774 enfants étaient admis à l’hôpital avec Covid-19 le 31 décembre.

Pourquoi, en France, en parle-t-on si peu ?

Le message de base au sujet de la contamination des mineurs ne passe pas. On entend tout et son contraire. La présidente de la société française de pédiatrie, Christèle Gras-Le Guen, déclarait par exemple en novembre 2021 que les adultes contaminaient les enfants, et pas l’inverse. C’est absurde, tout le monde contamine tout le monde. Le Premier ministre Jean Castex lui-même a été contaminé par sa fille. Mais non, quand notre gouvernement reconnaît enfin que les enfants des vecteurs de contamination, que fait-il ? Il ferme les boîtes de nuit…

Bien sûr, certains me taxeront d’alarmiste. Mais il faudrait que ces gens disent clairement aujourd’hui quel est le nombre d’hospitalisations et d’entrées en réanimation quotidiennes qu'ils sont prêts à accepter avant d’augmenter les mesures de freinage.

Qu’est-ce qu’il faudrait, d’après vous, pour sécuriser les écoles ?

Changer de gouvernement ?... En attendant, la solution royale, comme je vous le disais, ce serait le distanciel. En collant deux semaines de cours à distance aux deux semaines de vacances de Noël, on pouvait s’en sortir. Mais là, c’est trop tard. C’est foutu, il aurait fallu le faire avant.

Il n’y a rien à faire, alors ?

Si, on peut d'ores et déjà réfléchir aux vacances de février. Il faut définir une stratégie aujourd’hui, et non pas attendre six semaines, même si apparemment Jean-Michel Blanquer fait tout pour "être au plus près de la réalité" (sic.) Si d’une façon ou l’autre il y a un miracle de Noël tardif, il sera temps de faire machine arrière.

J’ai l’impression de devenir fou, j’ai déjà dit exactement les mêmes choses l’an dernier.

Docteur Michaël Rochoy

J’ai l’impression de devenir fou, j’ai déjà dit exactement les mêmes choses l’an dernier. Les vacances d’hiver s’étalent sur quatre semaines. Prévoyons, dès aujourd’hui, deux semaines de vacances pour toute la France au même moment, suivies de deux semaines de télé-enseignement organisées au niveau national. Cela permettra par ailleurs à la vaccination des enfants de se mettre en place.

Ce serait un coup de massue pour l’économie touristique…

J’entends bien, cela dit quand on sera tous contaminés, on ne risque pas d’aller skier. Néanmoins, on peut très bien prévoir de garder les semaines de congés telles qu’elles sont prévues, et d’organiser du distanciel une semaine avant et une semaine après, ou deux semaines avant ou après selon les zones, l’essentiel étant d’éviter le brassage des enfants pendant une durée suffisante.

Que fait-on d’ici aux vacances de février ?

Pendant ces six semaines, il faut tenir. La deuxième stratégie après l’école en distanciel, c’est les masques. Il faut fournir des FFP2 aux enseignants et ATSEM de maternelle, où les enfants ne sont pas masqués, ainsi qu’au personnel de cantine, aux immunodéprimés, aux non vaccinés.

Le principe absolu, c’est de limiter les moments sans masque. Le sport en intérieur par exemple doit impérativement se faire masqué.

Le moment où les enfants risquent de se contaminer entre eux, finalement, c’est la cantine ?

Tout à fait. On a beau aérer, le virus ne disparaît pas comme ça. Il faudrait que les élèves puissent manger classe par classe, et pas par niveau, pour limiter les brassages. La solution idéale serait que chaque enfant mange un sandwich de façon isolée, mais cela n’a pas été retenu.

Vous savez, il va y avoir des morts à cause de cette stratégie à la con. Pas beaucoup, c’est vrai, mais à partir de quel seuil les morts d’enfants sont-elles acceptables ? Treize enfants entre 0 et 9 ans sont décédés du Covid-19 en France avant le pic actuel. Nous sommes aujourd’hui au plus haut point jamais atteint chez les mineurs en réa. Fatalement, il va y avoir des décès.

Le nombre de décès des adultes augmente, lui aussi. Je ne sais vraiment pas à quel moment un gouvernement peut se dire que ce n’est pas si grave que ça. Le nôtre estime forcément les futures hospitalisations et décès...

A la question : "Est-ce que ça vaut le coup de freiner notre économie pour quelques centaines de morts par jour ?", des morts évitables avec une autre stratégie, quelqu’un a répondu non. Et ce quelqu’un va devoir vivre avec ça.

 

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