Plusieurs gérants ou co-gérants d'hôtels calaisiens ont été entendus vendredi au tribunal de Boulogne-sur-Mer. Soupçonnés d'appartenir à un réseau de passeurs, ils hébergeaient des migrants en majorité Albanais.
Dix-huit à trente mois de prison ferme ont été requis vendredi par le tribunal de Boulogne-sur-Mer à l'encontre de quatre gérants ou co-gérants d'hôtels de Calais soupçonnés d'avoir hébergé des migrants, en majorité des Albanais, avant leur passage en Angleterre.Les prévenus avaient été interpellés le 7 février à l'aube, après plusieurs semaines d'écoutes téléphoniques et d'opérations de surveillance. Le tribunal correctionnel rendra sa décision le 17 mai.
Ils étaient parfois 6 ou 7 par chambre
Lors des perquisitions menées dans les hôtels Bel Azur, Citadel, Tudor et Pacific à Calais, les policiers avaient découvert plusieurs migrants albanais et irakiens.
"Ils étaient parfois 6 ou 7 par chambre", a déclaré une employée aux enquêteurs.
A la barre du tribunal, Abdeslem Merzoug, 45 ans, Janson Yahi, 37 ans, Mohamed Merzouk, 60 ans et son fils Mehdi, 29 ans, ont pu s'expliquer pendant 9h30 d'audience. "On exigeait un passeport pour chaque client, a argumenté M. Yahi. Le problème, c'est que les entrées n'étaient plus surveillées après 1h du matin".
Lorsque la procureure lui demande s'il savait que ces personnes voulaient passer en Angleterre, il répond: "Oui, mais j'avais des charges à payer. Moi, que ce soit des clients français, anglais, ou albanais, je suis content: je travaille".
"Le fait que vous aviez des charges à payer n'excuse pas tout", a rétorqué Yves Gaudin, le président du tribunal, faisant notamment référence aux nombreux effets personnels et à l'argent retrouvés lors des perquisitions.
"Il s'agit tout simplement de commerçants qui ont loué des chambres d'hôtels, a défendu Me Antoine Deguines, bâtonnier du barreau de Boulogne-sur-Mer, interrogé par Loïc Beunaiche et Philippe Rousselle. Pourquoi on ne poursuit pas tous les hôtels ? Pourquoi on ne poursuit pas les restaurateurs, les commerçants qui ont servi à manger à ces personnes dont on pouvait penser qu'elles étaient des migrants éventuellement dépourvus de papiers d'identité ?"
Maître Antoine Deguines, Batonnier du barreau de Boulogne-sur-Mer
Lors de leur intervention dans les hôtels et au domicile de leurs gérants, les enquêteurs ont en effet mis la main sur plus de 23.000 euros "dont 14.000 euros cachés dans des enveloppes sous l'évier de la cuisine de M.Yahi, a précisé le tribunal. "De l'argent pour soigner ma mère, malade d'un cancer", s'est justifié l'intéressé.
Au total, 35 bagages individuels et 3 sacs poubelles remplis de vêtements, de téléphones portables, de chargeurs, ont également été retrouvés dans les hôtels.
"Profiter de la misère des migrants"
Si les prévenus ont essayé de démontrer qu'ils ne faisaient que leur métier, le ministère public a quant à lui estimé qu'ils avaient investi dans l'hôtellerie calaisienne "pour profiter de la misère des migrants".
En conséquence, la procureure a réclamé un ""signal fort", malgré le casier judiciaire vierge des accusés. Elle a requis 30 mois d'emprisonnement pour M.Yahi, et de 18 mois d'emprisonnement pour les trois autres.