Info France 3 Picardie : Après une pause sur une aire d’autoroute de l’Oise jeudi 13 août dans la soirée, le Flixbus est reparti sans la passagère. Victime d’un malaise après avoir été agressée, l’habitante de Creil attendait les pompiers avec un autre passager.
C’est la deuxième fois en quelques jours que des conducteurs de Flixbus s’illustrent en laissant des passagers en cours de route. Si les deux amies restées en plan dans l’Eure auraient payé leur retard de retour de pause selon les dires de la compagnie, les causes de la scène et de l’agression qui se sont déroulées sur une aire de Ressons-sur-Matz dans l’Oise, jeudi 13 août, sont toutes autres.
Le car qui a notamment assuré la liaison entre Bruges-Paris et ses deux copilotes ont abandonné une passagère et habitante de Creil alors qu’elle attendait les pompiers après une altercation violente avec l’un des deux conducteurs. "Le bus faisait une pause et une passagère s’est mise à prendre la défense d’une autre qui voulait accéder à la soute pour récupérer quelque chose pour son bébé. Le gamin avait des coliques et sa mère voulait récupérer des couches," contextualise Baptiste*, l’un des passagers du bus.
"L'agresseur a carrément répondu qu'il s'en foutait et que le bébé pouvait mourir"
"La maman très polie, très douce, est venue les voir plusieurs fois. D'abord pour demander l'arrêt de la climatisation et ensuite récupérer de quoi couvrir son enfant. Mais tout le monde se plaignait de la fraîcheur et demandait depuis un moment si quelque chose pouvait être fait," appuie Sonia, la victime.
Une pause sur l'aire d'autoroute de Ressons-sur-Matz vient enfin et la passagère espère pouvoir avoir gain de cause. Sans succès. "L'un d'eux a dit qu'ils n'avaient pas le temps, qu'on était déjà assez en retard (1h30). L'autre, celui qui m'a agressé, a carrément répondu qu'il s'en foutait et que le bébé "pouvait mourir", s'exclame Sonia encore secouée. "Ils ont eu le temps d'aller se chercher un café et de quoi manger, mais pas d'ouvrir la soute. Quand la mère a fait une nouvelle demande, j'ai sorti mon portable pour filmer la scène et c'est là où tout est allé très vite."
"Le copilote (…) l’a attrapée par les cheveux, puis l’a frappée."
Le ton monte rapidement entre le chauffeur et l’habitante de Creil. Les événements dégénèrent quand son copilote s’interpose : "Le copilote qui avait contrôlé nos billets et géré l’entrée dans le bus l’a attrapée par les cheveux, puis l’a frappée. Je n’ai pas directement vu la scène, mais c’est ce que les passagers présents m’ont raconté. C’est un cri qui m’a interpellé", poursuit Baptiste.
Elle répétait "il m’a frappée, il m’a frappée". Elle était au sol et avait la pommette très rougie. Avec son groupe d’amis, des Belges, on s’est approchés pour l’aider à se relever, mais elle a fait un malaise. Nous l’avons mise en PLS avant de prévenir les pompiers.
Cinq minutes plus tard, alors que la victime reprend progressivement ses esprits sur l’aire d’autoroute, le chauffeur du bus se présente devant le groupe. "Il n’a même pas demandé de ses nouvelles. Il a juste dit "bon, qu’est-ce que je dis aux autres passagers. On peut repartir ?" Ils avaient très rapidement fait remonter tous les passagers dans le bus."
Le bus est reparti "en scred"
Baptiste répond par la négative répétant qu’il faut attendre les pompiers. Au final, le Flixbus repart et laisse Baptiste et la passagère sur l'aire. Ce dernier narre cette scène "surréaliste" : "Ils sont repartis en scred, comme si de rien n’était. Sans prévenir. Grâce à l’application qui permet de géolocaliser notre bus on a pu voir qu’il avait déjà fait 20 bornes. Les personnes présentes sur l’aire et qui ne faisaient pas partie du voyage étaient sidérées. Nous avons attendu l’arrivée des pompiers et la dame est partie avec eux et les gendarmes. Elle n'a d'ailleurs pas pu récupérer ses bagages qui sont restés dans le bus."
Les pompiers et les gendarmes qui sont intervenus ont été exceptionnels. D'autant plus dans le contexte actuel de division de notre nation, je tiens à les remercier. Ils ont fait preuve d'une grande humanité et d'une grande ponctualité. Et bien sûr, il y a eu la gentillesse de mes amis belges et de Baptiste. Dans cette mésaventure, j'ai retrouvé la France que j'aime, celle où on fait attention les uns aux autres.
La victime prise en charge par les pompiers a porté plainte auprès de la gendarmerie de Senlis. Une enquête est en cours. Sonia auditionnée samedi n'avait toujours pas de nouvelles de ses bagages et la compagnie s'était alors bornée à lui dire "de remplir le formulaire", qu'elle en saurait "plus sous quinze jours", tandis qu'un des responsables lui aurait signifié "qu'il ne pouvait rien faire". "En fait, c'est la procédure normale. Il n'y a aucune mesure spécifique alors qu'il y a eu agression et fuite. Si un responsable ne peut rien faire alors qui le peut ? Et on m'a clairement fait comprendre que si le chauffeur était agacé ce serait possible qu'il balance mes bagages quelque part et que je ne mette plus la main dessus. D'ailleurs, même les gendarmes ont essayé d'avoir des renseignements auprès de la compagnie notamment pour retrouver le bus et le chauffeur, mais on n'a pas voulu leur donner les renseignements", relate Sonia.
Quant à Baptiste, coincé sur une aire de l’Oise "aux alentours de minuit" et "en plein Covid", il s'estime très chanceux d'avoir "pu compter sur les Belges qui l'ont accueilli dans leur voiture" pour arriver à bon port à Paris. De son côté, Sonia a réussi à dégager du positif de cette mésaventure. Elle espère surtout que raconter son histoire évitera à d'autres de telles mésaventures.
Flixbus, contacté par nos soins, a annoncé lundi 17 août le lancement d'une enquête interne et la suspension des deux chauffeurs.
*le prénom a été modifié.