En forêt de Compiègne, de plus en plus d'arbres ne résistent pas aux sécheresses successives : "peu importe les solutions techniques appliquées, c'est le dépérissement qui nous guide"

En juin dernier, l'un des plus vieux arbres de la forêt de Compiègne dans l'Oise ne s'est pas réveillé de son hibernation. La mort de cet arbre remarquable est le symptôme d'un mal qui touche de nombreux arbres du domaine forestier, quel que soit leur âge. En cause, le dérèglement climatique et la succession de périodes de fortes sécheresses.

C'était l'un des plus arbres de la forêt de Compiègne. L'un de ses nombreux arbres remarquables. Sa majesté et son pied imposant ont marqué les randonnées de nombreux promeneurs. Le Chêne sous Saint-Pierre est mort en juin dernier. Les sécheresses successives auront eu raison de ses 500 ans, de ses 2 mètres de diamètres de de ses 33 mètres de haut. Il n'a pas réussi à se réveiller de son hibernation.

"Il aura survécu à d’innombrables conflits armés, évènements climatiques extrêmes et était déjà là à l’avènement des Lumières avant qu’aujourd’hui ne s’éteigne la sienne", écrivait alors l'Office national des forêts sur sa page Facebook.

L'arbre qui cache la forêt

Déjà au printemps 2021, les techniciens forestiers de l’ONF avaient remarqué que le ramage du chêne sous Saint-Pierre n’avait pas repris. Un chêne dont le dépérissement est observé depuis 2019. La mort de cet arbre remarquable de presque 500 ans cache la forêt des conséquences du réchauffement climatique qui sont déjà à l’œuvre sur les arbres exceptionnels de la forêt de Compiègne.

La pluviométrie est de moins en moins bien répartie sur l'année pour que les arbres puissent s'épanouir correctement.

Guillaume Duclochez, technicien ONF à l'Unité territoriale de Compiègne-Laigue

"Ils ne sont pas tous en bon état, déplore Guillaume Du clochez, technicien forestier à l’Unité territoriale de Compiègne-Laigue. Il y a le chêne du point de vue des Beaux monts qui depuis un ou deux ans commence à se faire attaquer par les champignons et à être piquer au niveau de l'écorce. Et celui de St Jean, qui a 700 ans à peu près, qui est dans le mal depuis des années mais on le voit encore dépérir encore de plus en plus vite. Tous ces vieux arbes souffrent comme le reste de la forêt mais encore plus du fait de leur âge."

Sans avoir de réponses précises quant à la cause du dépérissement des arbres remarquables de la forêt de Compiègne, les techniciens de l’ONF y voient néanmoins les conséquences du changement climatique. Depuis des années, ils assistent à "une augmentation des périodes de sécheresse intenses sans eau et une hausse des températures à certaines périodes de l'année, et globalement un déséquilibre de la pluviométrie annuelle. La pluviométrie est de moins en moins bien répartie sur l'année pour que les arbres puissent s'épanouir correctement", précise Guillaume Duclochez.

Trop de stress

Si les périodes de sécheresse ne sont pas inédites, la nouveauté depuis 2015, c'est la succession de ces épisodes qui ont lieu chaque année : la sécheresse est désormais une canicule intense et cela tous les ans. "Cette année est particulièrement exceptionnelle, avoue Guillaume Duclochez. Les arbres qui ont pu résister les deux, trois premières années, au bout de 5 épisodes de stress comme ça, ils tournent de l'œil. C'est la conséquence d'un enchaînement de catastrophes climatiques que l'on voit seulement maintenant."

On expérimente mais on n'a aucune certitude. On a des solutions mais est-ce qu'elles fonctionneront ?

Guillaume Duclochez, technicien ONF à l'Unité territoriale de Compiègne-Laigue

Les vieux arbres de la forêt ne sont pas les seuls touchés par ce dérèglement climatique : d’autres, plus jeunes et poussant dans d’autres secteurs du le domaine forestier, sont également abîmés. Aujourd’hui, les signes de dépérissement sont visibles sur les 2/3 de la forêt de Compiègne.

Une forêt d'un autre visage

La seule action possible pour l’ONF, c’est de réduire le volume des coupes d’arbres sains. Depuis trois ans, les seuls arbres prélevés sont ceux qui meurent doucement. "On est dans le contrôle du dépérissement, on tâtonne puisque tout va tellement vite, témoigne Guillaume Duclochez. C'est une évolution qui s'est faite en une dizaine d'années à peine. On observe. On expérimente mais on n'a aucune certitude. On a des solutions mais est-ce qu'elles fonctionneront ? C'est impossible à dire pour le moment on expérimente et la forêt, c'est du vivant qui a une certaine latence dans ses réactions, donc ça va prendre 10-15 ans avant de confirmer nos hypothèses."

Peu importe les solutions techniques qui peuvent être envisagées, c'est le dépérissement qui nous guide. Il s'impose à nous.

Guillaume Duclochez, technicien ONF à l'Unité territoriale de Compiègne-Laigue

Une autre solution mise en place consiste à passer certaines parcelles en gestion irrégulière c'est-à-dire en maintenant un couvercle continu, "mais peu importe ce que l'on fait, on est guidé par le dépérissement. Peu importe les solutions techniques qui peuvent être envisagées, c'est le dépérissement qui nous guide. Il s'impose à nous."

S’il ne fait aucun doute pour Guillaume Duclochez que La forêt de Compiègne existera toujours, il est certain qu’elle n’aura plus le même visage : d’autres essences d’arbres, une autre gestion de l’écosystème, plus fine. "Elle ne disparaitra jamais, rassure-t-il. Elle va être transformée et tous ceux qui vivent aujourd'hui ne connaîtront pas le visage qu'elle aura dans un siècle ou deux, c'est certain. On est dans une phase de transition très forte pour la forêt."

Des essences venues d'ailleurs

Le visage de la forêt de Compiègne n’est déjà plus le même que celui qu’elle présentait il y a plusieurs décennies : pour éviter que le domaine ne s’éclaircisse trop, l’ONF mène une politique de replantations forte. En 2021, 150 000 plants ont été plantés un peu partout dans la forêt. Certains sont des essences locales avec une génétique proche de celle des essences du sud. Mais la plupart ne sont pas indigènes.

Il s’agit d’arbres du sud ou de l’est de l’Europe : des chênes de Hongrie, des pins laricio de Calabre ou encore des cèdres. "Ce sont des essences dont les conditions de développement semblent plus résistantes ​​​​​​​aux évolutions climatiques que l'on attend, précise Guillaume Duclochez. Mais rien ne dit que ça fonctionnera dans 5 ans ou dans 10 ans. Notre hypothèse, c'est que ça fonctionnera mieux puisqu'à priori, elles sont mieux adaptées. C'est la science qui nous le dit. Mais est-ce- qu'en réalité, concrètement, on va réussir à les faire pousser ? Ça, ça reste à voir." 

Un périmètre de sécurité a été établi autour du chêne sous Saint Pierre. Son abattage n’est pas à l’ordre du jour. Il ne sera prélevé que s’il présente un risque majeur. Les promeneurs pourront, quelques temps encore, continuer à admirer sa silhouette majestueuse au pied du Mont-St-Pierre.  

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