Quelques semaines après l'annulation d'un atelier LGBTQIA+ dans un lycée privé de Pont-Sainte-Maxence, dans l’Oise, Mediapart a révélé vendredi 31 mars que l'établissement catholique Jean-Paul-II de Compiègne avait censuré le visionnage de deux films traitant de l'IVG et de l'homosexualité. Une association locale réagit à l'affaire.
"Cela envoie des messages extrêmement violents pour toutes les personnes potentiellement concernées qui sont dans cet établissement, on est en train de leur dire que c'est mal. Derrière, il y a l'idée que ce n'est pas bien, que surtout, il ne faut pas en parler. Pour les élèves concernés, la violence symbolique est extrêmement importante", dénonce Claire Lequièvre, présidente de l'association compiégnoise Clin d'œil LGBTQI+.
Dans une enquête publiée sur Mediapart le 31 mars 2023, notre consœur révèle que le lycée privé Jean-Paul-II de Compiègne, dans l'Oise, a interdit à des professeurs plusieurs sorties pédagogiques au cinéma pour les films Simone, le voyage d'un siècle d'Olivier Dahan, qui traite notamment de la lutte pour le droit à l'IVG, et Rafiki de Wanuri Kahiu qui suit un couple lesbien au Kenya.
"On parle de droits humains, d'égalité"
Selon Mediapart, le proviseur de l'établissement aurait déclaré devant plusieurs témoins que l'établissement "prône la vie et pas la mort" pour justifier sa décision d'empêcher les enseignants d'amener leurs élèves voir le film sur Simone Veil. Selon les informations de Mediapart, devant plusieurs professeurs, le proviseur aurait également accusé le film Rafiki de "banaliser l'homosexualité" et craindre qu'il ne suscite "la controverse" dans les familles.
"Depuis quand regarder un film qui traite d'une thématique égalitaire, c'est banaliser quoi que ce soit ? On parle de droits humains, d'égalité, on n'est pas en train de faire du prosélytisme. Notre combat est là. Ce n'est pas en créant une omerta sur des sujets qu'on va réussir à créer une société plus tolérante et à créer du vivre ensemble", souligne Claire Lequièvre.
"On invisibilise la cause, comme c'est très fréquent sur le territoire de l'Oise"
L'institution catholique, qui accueille des élèves de l'école primaire au BTS, est sous contrat avec l'État. Elle est encadrée par le code de l'éducation et doit donc respecter les programmes de l'enseignement public.
La sensibilisation des élèves fait partie intégrante de la lutte contre l'homophobie et la transphobie. En tant qu'acteurs de la lutte contre les discriminations faites aux personnes LBGT, on ne comprend pas qu'il puisse encore y avoir aujourd'hui des établissements qui refusent les échanges sur ce sujet-là.
Claire Lequièvre, présidente de l'association compiégnoise Clin d'œil LGBTQI+
"On invisibilise la cause, comme c'est très fréquent sur le territoire de l'Oise", estime Claire Lequièvre. Selon elle, cela est dû au fait que le territoire "n'est pas politiquement très favorable" à la cause LGBTQIA+ et que "des organisations catholiques traditionalistes sont assez présentes" dans l'Oise. "Il y a plein d'établissements privés ailleurs en France où ces thématiques sont abordées avec les élèves et ça ne pose aucun problème", observe-t-elle.
Un contrôle du rectorat prévu le 11 avril
Sollicité, le rectorat de l'académie d'Amiens nous affirme lundi dans un mail être "très vigilant sur la situation" au lycée privé Jean-Paul-II. "Nous sommes tout particulièrement attentifs au respect du contrat d’association", assure le rectorat. Des inspecteurs doivent se rendre dans l'établissement mardi 11 avril pour faire la lumière sur ce que les enseignants considèrent comme une censure pédagogique.
"Nous ne ferons pas de commentaire avant la visite des inspecteurs du rectorat afin de ne pas obstruer leur enquête", réagit Pascal Leroy, le directeur du diocésain de l’enseignement catholique de l’Oise. Le directeur du lycée a, quant à lui, refusé de s'exprimer.
Un problème similaire s'est posé récemment dans le lycée catholique Saint-Joseph-du-Moncel à Pont-Sainte-Maxence, dans l’Oise. Du 6 au 10 mars 2023, l'établissement devait organiser une semaine de l’égalité avec des ateliers autour des questions LGBTQIA+. L'institution privée a finalement décidé d'annuler l'événement après la contestation du collectif "Parents vigilants", proche du parti Reconquête de l'ancien candidat à l'élection présidentielle 2022, Eric Zemmour.
Avec Léa Broquerie / FTV