Dans l'Oise, le projet de stockage des déchets du Grand Paris continue de faire polémique : "les déchets inertes, on ne sait pas exactement ce qu’il y a dedans"

Un projet de stockage de déchets du Grand Paris dans l'Oise fait polémique. Élus et habitants s'y opposent fermement depuis maintenant trois ans à cause des risques environnementaux. Des expertises complémentaires ont été demandées par la Préfecture.

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Les habitants de Bresles et Bailleul-sur-Thérain dans l'Oise sont inquiets. En cause, un projet de stockage des déchets inertes d'une hauteur de 19 mètres issus principalement des chantiers du Grand Paris. En tout, ce sont 4 millions de m3 de déchets qui devraient y être déversés dans les années qui viennent.

Les travaux devaient commencer dès la mi-septembre, mais les multiples interventions des élus locaux, des habitants et de nombreux rebondissements ont repoussé son installation. 

"Nous avons constaté que nous sommes sur une zone humide"

Sur ce site qui mêle patrimoine historique (l'Oppidum Gaulois et le Mont César) et environnemental, la principale source de crainte reste la pollution des sols. Élus et habitants ont constaté qu'ils étaient "sur une zone humide". Néanmoins ce constat "a été complètement écarté lorsque le projet a été déposé aux services de l'État", note Béatrice Lejeune, maire (PS) de Bailleul-sur-Thérain.

L'éventualité de résidus qui s'infiltreraient et contamineraient les nappes phréatiques a aussi été soulevée. "Nous avons peur pour la faune et la flore locale qui est assez exceptionnelle et nous souhaitons la préserver", résume Damien Tomicky, gérant d'une entreprise de transport. Ils craignent également "qu'il y ait des poussières dans l'air" qui viennent jusque chez eux. 

Autre crainte soulevée : le contrôle des camions. Le maire de Bresles, Dominique Cordier (DVD), pointe du doigt la difficulté de contrôler les déchets qui entrent dans la zone de stockage. "Il peut toujours y avoir des trous dans la raquette. Ça, on ne peut pas le savoir. Il faudrait systématiquement contrôler chaque camion, donc c'est vraiment impossible."

Ces "déchets inertes" veulent tout et rien dire, on ne sait pas exactement ce qu’il y a dedans. On sait, par exemple, qu'il ne devait pas y avoir d'amiante, de produits dérivés et de choses agressives. Dans la pratique, quand 50 à 80 camions vont passer par jour, je pense que les contrôles seront très rares et pas représentatifs de la réalité.

Alain Plessier, retraité et ancien conseiller municipal de Bresles

Une longue saga administrative

Le dossier du stockage de ces déchets ne date pas d'hier. Bien au contraire, cela fait trois ans que les deux parties se battent pour faire entendre leur voix. En 2019, un arrêté avait été pris pour interdire l'exploitation de ce projet avant d'être attaqué par la société Bonne Vie la même année.

Le tribunal administratif a rendu son jugement en décembre 2021 et a invalidé l'interdiction d'exploiter. "C'est suite à ce rendu du jugement que la préfecture a été dans l'obligation de prendre l'arrêté d'exploiter", rappelle Béatrice Lejeune. Toutefois, la Préfète a pris au même moment "un arrêté qui oblige la société Bonne Vie à enclencher des études faunistiques et floristiques". Elle a également dû enclencher des études pour s'assurer "que nous sommes ou pas sur une zone humide". 

L'exploitant est donc dans l'obligation de fournir de nouveaux éléments et d'effectuer des expertises complémentaires. "On a enjoint l'exploitant de faire des études permettant ou non de qualifier la nature de zone humide de ce terrain", rapporte Sébastien Lime, le secrétaire général de la préfecture de l'Oise. Les suspicions d'espèces protégées, quant à elles, n'ont pas été mises de côté : "nous avons demandé à l'exploitant sous trois mois d'attester qu'il n'y en avait pas". 

Des inquiétudes "nécessairement légitimes" selon la préfecture de l'Oise

Sébastien Lime insiste sur le fait qu'il est "important de savoir de quoi on parle". Pour lui, il s'agit "d'autoriser l'installation de déchets inertes du BTP" sur un terrain "qui est un ancien terrain de décantation de la sucrerie de Bresles sur lequel ont été stockés des grumeaux de betteraves pendant des années". C'est un "terrain en friche" sur lequel vont être "déposés des gravas du BTP". Ce dépôt fera ensuite l'objet d'un "retraitement qui permettra sa renaturation avec des plantations". 

Le secrétaire général se veut rassurant. Il assure que ce site est réservé à des déchets où il n'y aura ni "de substances actives" ni "de produits chimiques" ou de l'amiante. L'exploitant est tenu de tenir un registre de tout ce qui rentre sur son site "et il en est comptable". En cas de contrôle, "il sera en infraction et fera l'objet d'une verbalisation" si d'autres déchets venaient à être découverts. 

Dans le dossier d’exploitation qui a été déposé par le responsable de l’entreprise, les choses sont claires : 51% des déchets viendront d'Île-de-France, 49% d’ailleurs, notamment du département de l’Oise et de la région Hauts-de-France.

Sébastien Lime, secrétaire général de la préfecture de l'Oise

Même son de cloche chez Didier Malé, président du ROSO, une association de défense de l'environnement. "Il n'y a rien de polluant à déplacer de la terre tout simplement parce que tout est contrôlé". Il martèle que tout est fait de façon réglementaire. "Pour répondre aux inquiétudes des gens, il faut revenir à la réglementation. Donc un industriel, un collecteur de déchets, il ne peut pas faire n'importe quoi".

Il explique que tout est contrôlé "par les services de l'Etat, par la DREAL", donc à partir du moment où "on accepte de déplacer ces terres et que les conditions sont acceptables vis-à-vis de la réglementation, il n'y a pas de problème". 

À ce stade, les opposants réfléchissent à des stratégies en cas de lancement du projet. Le blocage des camions est une option qui a été soulevée au cours d'une réunion publique qui a réuni plus de 300 habitants des deux communes. "Il appartient aux citoyens d'engager des manifestations, on en a connu dans d'autres endroits", observe Béatrice Lejeune. Quoi qu'il en soit, "tous les élus de l'agglomération du Beauvaisis sont à nos côtés, nous ne sommes pas seuls", conclut-elle. 

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