Ferme de Saint-Aubin-en-Bray : condamné en appel, l'éleveur laitier se pourvoit en cassation

Vincent Verschuere, éleveur de vaches laitières à Saint-Aubin-en-Bray dans l'Oise, a été condamné en mars 2022 à payer plus de 100 000 euros de dommages et intérêts à des voisins pour troubles anormaux de voisinage. Son avocate a déposé un pourvoi en cassation le 13 octobre pour faire annuler l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens.

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L'affaire dure depuis plus de dix ans et son épilogue n'est pas pour bientôt. Jeudi 13 octobre, l'avocate de Vincent Verschuere a déposé un pourvoi en cassation pour tenter de faire annuler l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 9 mars 2022.

Confirmant une décision du tribunal de grande instance de Beauvais de 2018, le juge avait condamné l'éleveur de Saint-Aubin-en-Bray dans l'Oise à payer 106 000 euros à six plaignants pour "troubles anormaux du voisinage".

L'éleveur invoque la protection du patrimoine sensoriel

Ces derniers, des voisins (dont trois ont quitté la commune), lui reprochent des nuisances visuelles et olfactives causées par deux hangars de 1257 et 1550 m² bâtis à moins de cent mètres de leurs habitations en 2010. Vincent Verschuere avait pourtant l'aval de la mairie et une dérogation accordée par la préfecture. Mais en 2013, le tribunal administratif d'Amiens annule le permis de construire, les constructions étant jugées trop proches du voisinage. 

Le pourvoi devant la plus haute juridiction française s'appuie notamment sur la loi du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes, promulguée bien après le lancement des procédures judiciaires et toujours sans décret d'application : "Même si le dossier est antérieur, le juge doit en tenir compte, ça peut l'aider dans sa réflexion", veut croire Vincent Verschuere.

Ce nouveau chapitre de l'affaire ne surprend pas Me Bruno Paviot, avocat des voisins indisposés : "Après dix ans de procédure, on peut s'attendre à ce qu'il aille jusqu'au bout". Il se montre toutefois circonspect devant la référence à cette loi : "On est sur de l'élevage intensif, pas sur Marguerite qui va paître dans son champ. [Ce dossier] n'a rien à voir avec le coq qui chante ou l'église qui sonne toutes les heures".

Le spectre de la démolition

Ce nouveau recours n'est pas suspensif. L'éleveur a donc dû verser les dommages et intérêts à l'avocat des plaignants. Une somme réunie avec une avance remboursable de 40 000 euros apportée par la région Hauts-de-France et un emprunt bancaire de 60 000 euros.

La démolition des hangars n'est pas non plus écartée. La cour d'appel ne l'a pas exigée, mais Vincent Verschuere doit produire des devis d'aménagements techniques d'ici le 30 novembre : "Nous pouvons éventuellement isoler le bâtiment du côté des maisons des voisins. Mais si on fait ça, on condamne l'aération naturelle".

Si on se lance, c'est qu'on a espoir.

Vincent Verschuere, éleveur

Il lui faudra donc recréer une ventilation artificielle pour un budget évalué entre 80 000 et 100 000 euros : "Ce sera encore par emprunt, si la banque nous suit. Sinon il faudra vendre des bêtes, mais sans bête, on n'aura plus de revenus".

Si la cour de cassation lui donne raison, il récupèrera l'argent : "Si on se lance, c'est qu'on a espoir", assure-t-il, tout en reconnaissant une certaine lassitude : "Quand vous passez un tiers de votre vie dans un tel combat, vous en avez marre. Mais le soutien donne de l'énergie pour continuer à se battre".

Vincent Verschuere peut en effet compter sur l'appui des agriculteurs de l'Oise et au-delà, comme en témoignent les nombreux commentaires sur la page Facebook Soutien Ferme Verschuere - Non à la démolition. Une cagnotte en ligne, qui a permis de récolter 12 000 euros "servira à régler les frais d'avocats", explique-t-il.

Selon le site internet de la Haute juridiction, le délai de traitement d'un pourvoi par la cour de cassation est en moyenne de 15 mois. Entre temps, le juge du tribunal de grande instance pourrait rejeter les propositions d'aménagements et imposer la démolition de son site de Saint-Aubin :

Face à cette éventualité, Vincent Verschuere en appelle au bon sens de la justice : "le juge peut mettre sa décision en suspend le temps que la cour de cassation rende son arrêt, mais ce n'est pas obligatoire".

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