La panthéonisation de l'artiste franco-américaine a été annoncée ce dimanche 22 août. La cérémonie, prévue dans trois mois, fera d'elle la première femme noire à être admise dans le temple républicain.
Elle fera bientôt partie des "grands hommes" qu’honore "la patrie reconnaissante". Joséphine Baker, artiste, résistante et figure de la lutte antiraciste devrait faire son entrée au Panthéon le 30 novembre prochain, a confirmé ce dimanche 22 août l’entourage d’Emmanuel Macron, corroborant une information du Parisien. Une date symbolique : ce même jour, 84 ans plus tôt, la célèbre meneuse de revue épousait Jean Lion à Crèvecoeur-le-Grand (Oise). L’union, bien que de courte durée, avait permis à cette native du Missouri d’acquérir la nationalité française.
Les coupures de journaux d’époque relatent le bouleversement qu’a représenté la cérémonie dans la commune. Issue d’une famille modeste de Saint-Louis, la danseuse et chanteuse est déjà connue en France comme "la vedette des Folies-Bergères". "On nous disait que la divette ne voulait pas se marier à Paris pour éviter des manifestations trop bruyantes, rapporte l’Hebdomadaire de l’Oise le 4 décembre, et que se trouvant dernièrement à une distribution de jouets espagnols avec son fiancé, M. Jean Lion, courtier parisien, elle y avait rencontré M. Schmidt (le député-maire Jammy Schmidt, NDLR), ami du père de son futur." Un souci de discrétion qui semble avoir été vain, le journal narrant la grande agitation et l’empressement médiatique qui a accompagné ce "mariage parisien à Crèvecoeur-le-Grand".
Quand arrivèrent les voitures ayant à bord les fiancés, les parents et les témoins, il était difficile de fendre la foule ; des coups de fusil éclataient, violents, nombreux à croire que les cagoulards du pays étaient tous là avec leurs tromblons, la clique faisait résonner la salle d’un pas redoublé, un phonographe répétait la chanson qui fit la renommée de Joséphine : « J’ai deux amours ». La fiancée, apeurée, quittait le bras de son témoin, M. Paul Derval, directeur des Folies-Bergères, et voulait prendre la fuite, on lui fit comprendre que tout ce vacarme était, à Crèvecoeur, une manifestation de sympathie.
Le couple repartira rapidement pour un repas de fête à Beauvais, non sans des dons généreux aux sociétés locales. Il quittera aussi vite la Picardie pour s’installer au château des Milandes, en Dordogne, où Joséphine Baker établira ensuite sa "tribu arc-en-ciel" en adoptant douze enfants avec son mari suivant, Jo Bouillon. Un projet qui constitue l’un de ses multiples engagements : "artiste, première star internationale noire, muse des cubistes, résistante pendant la Seconde Guerre mondiale dans l'Armée française, active aux côtés de Martin Luther King pour les droits civiques aux Etats-Unis d'Amérique et en France aux côtés de la Lica", résume ainsi la pétition qui réclamait, forte d’environ 37.000 signatures, son entrée dans la nécropole laïque.
Une "panthéonisation" qui représente un acte "éminemment politique", rappelle l’historien et chroniqueur picard Maxime Patte. "C’est une reconnaissance de la personne, de son oeuvre et de sa vie, développe-t-il. Et surtout, au fond, du message ou des valeurs que ce que cette personne a représenté et continue de véhiculer dans la société." En l’occurence, cela "symbolise l'image d'une France qui n'est pas raciste", a réagi le romancier Pascal Bruckner, l’une des personnalités soutenant le projet. Joséphine Baker devrait donc rejoindre 80 personnalités sur la montagne Sainte-Geneviève, parmi lesquelles on compte à ce jour cinq femmes. "Les Crèvecoeuriens se souviendront longtemps de cet heureux événement", prédisait l’Hebdomadaire de l’Oise à l'issue du mariage. Cette mémoire se voit désormais étendue à l’ensemble du pays.