Pollution aux PFAS : contactée par les autorités néerlandaises à propos de l'usine de Chemours, la préfecture de l'Oise n'y voit aucune "alerte"

Les autorités néerlandaises ont adressé un courrier à la préfecture de l'Oise pour "échanger" autour de la problématique des PFAS, "polluants éternels", émis par l'entreprise Chemours, installée à la fois en Hollande méridionale et dans l'Oise, à Villers-Saint-Paul. La préfecture ne voit rien d'alarmant dans cette lettre.

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C'est une simple lettre qui fait grand bruit. En novembre 2023, la province néerlandaise Hollande-Méridionale a envoyé un courrier de deux pages à la préfecture de l'Oise pour avertir de l'activité potentiellement dangereuse de l'usine Chemours à Villers-Saint-Paul. 

Les autorités néerlandaises en savent quelque chose : l'entreprise américaine possède une usine à Dordrecht, à 25 km au sud de Rotterdam. "Étant donné que nos autorités publiques traitent avec la même entreprise et sont susceptibles d'être confrontées aux mêmes défis, nous espérons pouvoir apprendre les unes des autres et bénéficier mutuellement d'un échange régulier d'informations, expliquent-elles dans le courrier. C'est pourquoi nous vous adressons cette lettre et vous invitons, vous ou les administrateurs directement responsables, à venir nous rentre visite au siège du Conseil provincial à La Haye."

Une entreprise habituée des PFAS, les "polluants éternels"

Pourquoi cette prise de contact ? Le géant de la chimie serait responsable de pollution aux PFAS, des polluants extrêmement résistants dans l'environnement. Présents dans les poêles en Teflon, les emballages alimentaires, les textiles imperméables, ou encore les automobiles, ces molécules s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu'au corps humain, et sont quasiment indestructibles, d'où leur surnom de "polluants éternels". Nos confrères du Monde révélaient par ailleurs, en mars 2023, la présence d'une centaine de sites de contamination, présumée ou avérée, dans les Hauts-de-France.

C'est sur ces substances toxiques que les Néerlandais attire l'attention de la préfecture de l'Oise. Elle précise que l'usine a utilisé entre 1967 et 2012 un agent de dispersion appelé PFOA, qui était en partie rejeté dans l'eau et l'air. "Cela a notamment conduit à une augmentation de la concentration de PFAS dans la région et les eaux de surface, ce qui a entraîné des restrictions sur l'utilisation des jardins potagers et des eaux de baignade", précisent-Ils. En 2012, l'entreprise a changé de méthodes de production qui utilise un autre PFAS, nommé HFPO-DA.

Lors de la production, une partie des agents de dispersion est rejetée dans l'environnement, tant dans l'eau que dans l'air. Depuis les airs, une partie du HPFO-FA émis retombe sur le sol près de l'usine. S'il pleut, une partie se retrouve également dans les cours d'eau, charriée par la pluie.

Courrier du conseil provincial de Hollande méridionale à la préfecture de l'Oise

La province assure ensuite avoir trouvé des moyens de réduire les émissions de ces agents, "y compris un certain nombre de substances considérées comme extrêmement préoccupantes au niveau européen". Apprenant que Chemours compte agrandir le site de Villers-Saint-Paul, via un investissement de 200 millions de dollars, le conseil provincial de Hollande méridionale propose à la préfecture de l'Oise une rencontre pour échanger sur le sujet.

La préfecture assure qu'une surveillance est déjà en place

La préfecture n'aurait jamais répondu à ce courrier, d'après les élus néerlandais contactés par nos confrères de Franceinfo. Si elle a rejeté notre demande d'interview, elle indique dans un communiqué ne rien voir d'alarmant dans ce courrier.

Contrairement à ce qui a pu être rapporté dans la presse, ce courrier ne comprend aucune "alerte" ou "mise en garde" mais propose un partage d’informations sur les stratégies mises en place pour réduire les rejets de PFAS, ainsi qu'un échange sur les bonnes pratiques mises en œuvre aux Pays-Bas et en France.

Communiqué de la préfecture de l'Oise

Elle assure que ces rejets de polluants font déjà l'objet d'une surveillance par les autorités. "La préfète a signé le 22 mars 2023 un arrêté préfectoral imposant notamment à la société Chemours une surveillance des rejets dans l'environnement. En s'appuyant sur ces connaissances, l'action de l’État vise également à s'assurer que la société Chemours s'engage résolument dans une stratégie de réduction de ses rejets de PFAS."

S'appuyant sur des analyses réalisées par l'entreprise elle-même, elle précise : "en 2022, la société Chemours a estimé rejeter 59 kg de PFAS", et "en 2023, la quantité est de 2,6 kg". Une nouvelle étude effectuée sur les poissons de la rivière Oise a été réalisée par Chemours en octobre. "L'ARS rendra ses conclusions sur cette étude d'ici à deux semaines", soit début février.

Une plainte contre X déposée en juin

En juin dernier pourtant, l'ONG Générations futures avait déposé plainte contre X pour pollution de la rivière Oise, située à proximité de la plateforme chimique, après avoir effectué des relevés révélant une présence importante de PFAS. "On a quand même des niveaux qui n'avaient pas descendu significativement depuis une dizaine d'années, des niveaux importants avec de très nombreux PFAS retrouvés, jusqu'à 14 dans l'Oise", indique François Veillerette, porte-parole de l'ONG.

Les arguments de la préfecture ne convainquent pas le militant. "Il y a des analyses qui sont faites par l'entreprise et qui sont communiquées aux autorités. Ce qu'on regrette, ce qu'il n'y ait pas de communication publique de ces analyses. Ces données devraient être publiques."

Le public a droit de savoir dans quel environnement il vit et par quelle pollution cet environnement est contaminé. On demande une plus grande transparence.

François Veillerette, porte-parole de Générations futures

Il estime par ailleurs que les analyses devraient être poussées plus loin. "Le problème des PFAS, c'est qu'on a une famille énorme de plus de 14 000 molécules différentes, dont on surveille à peu près une vingtaine, explique-t-il. Il n'est pas question de recherche les 14 000, ça n'aurait pas de sens et ce serait impossible, mais d'allonger les listes ds PFS à des substances qui peuvent être très présents dans les eaux notamment, comme le TFA. Ça relève du bon sens." À noter que d'après la préfecture, les analyses les plus récentes de Chemours portent sur 48 PFAS différents, soit 28 de plus que ce qu'impose la directive européenne sur la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.

L'entreprise assure pouvoir réduire ses émissions de 99 %

De son côté, Chemours assure dans un communiqué que les procédés des sites de Villers Saint-Paul et de Dordrecht sont différents. L'entreprise affirme d'ailleurs que les conséquences aux Pays-Bas sont liées à des "problèmes historiques" et qu'elle a "mis en œuvre des mesures rigoureuses (...) réduisant ses émissions de plus de 99 % pour le HFPO-DA et de 80 % pour les autres composés organiques fluorés."

Concernant le site isarien, elle balaie les accusations : "Les substances qui seront produites sur le site de Villers-Saint-Paul […] ont un profil de risque à "faible préoccupation" suivant la classification de l'OCDE. Cependant, nous avons prévu, en plus des technologies installées nous permettant de minimiser nos émissions de la production actuelle à hauteur de 92 %, l'installation de technologies additionnelles nous permettant de réduire les émissions futures de 99 %."

Aux Pays-Bas, Chemours fait l'objet d'une enquête criminelle. 2 400 personnes ont déposé un recours collectif.

Avec Anthony Halpern et Mary Sohier / FTV

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