La date de départ de la Route du Rhum a été reportée à mercredi en raison de la météo. Un soulagement pour les 138 skippers qui devaient prendre le large dimanche 6 novembre dans des conditions météo très difficiles. Parmi eux, on retrouve trois picards motivés à se lancer, dès que le temps le permettra.
Le départ de la Route du Rhum devait avoir lieu dimanche 6 novembre et a été reporté à cause de la météo.
Cela n'empêche pas les trois skippers picards d'être plus que jamais motivés pour s'élancer dans cette mythique course en mer. Tous expérimentés mais avec des profils totalement différents, ils envisagent cette course de façon différente.
"On dit qu'il n'y a pas de bons marins, il n'y a que de bons veilleurs"
A bord de son bateau, Romain Attanasio se prépare pour sa deuxième participation d'affilée à la Route du Rhum. Le skipper, qui a vécu une partie de son enfance en Picardie aux côtés de sa mère originaire de l'Oise, s'avance avec confiance vers son objectif : rallier Pointe-à-Pitre en étant, si possible, dans le top 10. "Je vais essayer d'être devant, dans le bon paquet, j'avais dit que je ne disais rien, mais je dis dans les dix", lance-t-il en riant.
Le skipper est désormais paré à partir. "Le bateau est prêt, moi aussi, donc on essaie vraiment de faire que tout soit au mieux pour partir, sachant qu'il y a plein de choses qu'on ne maîtrise pas, il faut au moins que la base soit solide", poursuit-il. Et même s'il y aura des bateaux plus performants, Romain Attanasio préfère miser sur la fiabilité du sien, un foiler qu'il possède depuis deux ans et qu'il décrit comme "solide". Il a fait la Vendée Arctique avec cette année dans des conditions extrêmes. "Je me suis rendu compte que le bateau était incassable", souligne-t-il en ajoutant, rieur, "enfin, faudrait quand même pas que je dise ça !".
Malgré ses grandes ambitions, il est conscient des enjeux et de la difficulté de la navigation. "On dit qu'il n'y a pas de bons marins, il n'y a que de bons veilleurs, c'est vrai que le plus dur c'est de peu dormir mais de garder quand même un peu de lucidité nécessaire pour faire fonctionner le bateau, pour ne pas faire de bêtises et pour aller au bon endroit".
Il faut aussi prendre en compte la stratégie météo qui "prend beaucoup de temps à la table à carte" car à part les conseils techniques, les skippers n'ont le droit ni à des conseils météo, ni stratégiques. "Donc on est obligé de faire ça nous mêmes", ce qui induit de dormir peu, "par tranche de 20 minutes à une demi-heure puis on essaie de reproduire ça plusieurs fois dans la journée pour faire quatre heures en 24 heures".
"On se sent vivant"
Romain Attanasio, impatient de prendre le large, fait et refait le tour des lieux. "Tout se passe ici, c'est vrai que c'est un grand bateau, il fait 18 mètres d'espace de vie, c'est très restreint". Cet espace de vie est surtout centré autour de la table à carte où il passe la majorité de son temps, "parce que j'étudie la météo, la stratégie, je contrôle tout le bateau, le pilote automatique".
Il désigne du doigt un siège et une bannette sur lesquels il dort. Un tout petit comptoir fait office de cuisine et un seau blanc lui sert de coin toilette.
Quand on lui demande pourquoi il se lance dans une telle aventure, il répond : "c'est la question que je me pose tout le temps et qu'on me pose tout le temps. Pourquoi ?" Au départ, il pointait du doigt "le dépassement de soi". En réalité, c'est bien plus que ça. Pour lui, ce genre de courses est une expérience où "on se sent vivant, c'est comme quand on monte dans la voiture et qu'on allume tout".
Il faut que j'arrête de citer Jean-Claude Van Damme, mais il dit qu'il faut être aware. C'est comme ça sur un bateau, quand on part, il faut être aware, c'est ça qui est incroyable.
Romain Attanasio
Et une fois arrivé à destination, "on est content parce qu'enfin ça se termine car c'est dur quand même". Mais au bout de quelque temps, il finit toujours par se dire "quand est-ce qu'on y retourne ?".
"Ce sera la dernière"
Cet amour pour la mer est partagé par Etienne Hochedé. A 66 ans, le skipper abbevillois devait se retirer après sa participation en 2018. Finalement, il repart pour une ultime aventure pour le seul plaisir de la navigation.
"Après 2018, je devais arrêter", explique le skipper. Il avait même mis son bateau en vente, mais celui-ci n'a pas trouvé preneur. "Donc l'an dernier, au mois d'août, je me suis dit : bon allez, je repars pour une troisième Route du Rhum, toujours motivé, mais bon, ce sera la dernière", promet-il.
Pour lui, cette course est un défi personnel. Le seul objectif qu'il se fixe, c'est "d'aller au bout à chaque fois et d'améliorer mon temps" car "on ne peut pas jouer la gagne avec ces bateaux-là".
J'aime bien naviguer en solitaire donc les traversées me plaisent bien. C'est pour ça que je continue à en faire, après on passera en croisière.
Etienne Hochedé
"L’objectif c’est d’arriver en Guadeloupe, après on verra pour le classement"
Un autre vétéran de la course, Marc Guillemot, a un objectif fixe : arriver en Guadeloupe, "après on verra pour le classement". Il a regardé les prévisions météo qui s'annoncent pour la première nuit - la date de départ a été décalée après l'entretien - et préfère partir "un petit peu en retrait", focalisé sur sa sécurité et celle du bateau.
"J'ai vécu 2002, j'ai terminé deuxième, mais deuxième lorsqu'il y a eu 15 abandons sur 18, si on peut éviter de faire ça cette année...", espère-t-il. C'est notamment grâce à cette expérience qu'il sait ce que représente le fait "d'aller en mer très courte" avec "des fonds qui remontent, qui lèvent une mer très forte, avec en plus le phénomène du courant". Le vent à contre-courant amplifie davantage le phénomène. La sécurité avant tout, donc.
Son bateau, quant à lui, est une première dans le genre. Il est composé "entre 90 et 95% d'équipements" récupérés et recyclés. Cela va aussi bien du châssis que du filet à vent en passant par les safrans, le mât, ou encore les cordages. "On est sur un bateau qui est tout neuf, qui est assez accueillant, assez sympa et qui est équipé de plein d'éléments qui avaient déjà une histoire", détaille-t-il.
Marc Guillemot a une "vraie fierté de porter tous ces équipements qui étaient couverts de toile d'araignée et de leur donner une deuxième vie". Son sponsor cette année est le fabricant d'arômes pour les industries agroalimentaires Metarom, basé à Boves (Somme). C'est la première fois qu'ils se lancent dans le sponsoring sportif et se disent séduits par le côté "innovant de ce bateau" et "extrêmement engagé de Marc Guillemot qui répond aux valeurs de notre entreprise".
Au final, "tous ces petits pas assemblées ensemble, ça fait de plus grands pas et peut-être que ça va donner envie à tous ceux qui font du bateau d'essayer de réutiliser des équipements qui sont stockés à droite, à gauche", conclut Marc Guillemot.
Désormais, il ne reste plus qu'à attendre mercredi pour le top départ.