Le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la requête d'une entreprise d'enfouissement de déchets de Moulin-sous-Touvent dans l'Oise : elle voulait s'agrandir sur un site historique voisin où les corps de zouaves morts en 1914 seraient toujours ensevelis.
La butte des zouaves à Moulin-sous-Touvent dans l'Oise restera classé au titre des monuments historiques. C'est du moins ce qu'a provisoirement décidé le tribunal administratif d'Amiens. Il avait été saisi par l'enteprise Gurdebeke. Cette société d'enfouissement de déchets situé à côté du site demandait qu'il soit déclassé pour pouvoir étendre son exploitation. Sa requête a été rejetée. Elle ne pourra donc pas développer son activité au delà de la butte comme elle le souhaitait.
Un site classé
En 2014, la société Gurdebeke s'installe à environ un kilomètre de la butte des zouaves située sur la commune de Moulin-sous-Touvent dans l'Oise. Rapidement, l'entreprise d'enfouissement de déchets veut étendre sa déchetterie au-delà de la butte. Mais c'est impossible. C'est en effet un lieu de mémoire. Un tertre sous lequel reposent trois sapeurs de la compagnie M7 du 4ème régiment de génie ensevelis après l'explosion d'une mine allemande le 23 décembre 1915. La butte des zouaves est classée au titre des monuments historiques depuis 2002. La zone du tertre est protégée dans un rayon de 500 mètres. Ce périmètre de protection adaptée empêche les constructions.
Un an plus tôt, le 21 décembre 1914, les 250 soldats de la compagnie Burat du 2ème régiment de zouaves sont portés disparus au cours d'une bataille dont l'épicentre est la butte des zouaves, alors appelée le champignon.
L’Union nationale des zouaves a, à ce titre, fait ériger à proximité le monument national en l'honneur de tous les zouaves, inauguré le 29 septembre 2013. Deux plaques rendent également hommage à tous les zouaves dont ceux qui sont tombés en Algérie entre 1954 et 1962. Chaque année, une commémoration a eu lieu sur place.
Mais l'entreprise Gurdebeke veut faire valoir son droit à une extension de son exploitation. Elle demande dès 2014 à la préfecture de déclasser le site. Sans succès.
En décembre dernier, elle a à nouveau saisi le tribunal administratif d'Amiens pour demander le déclassement du site.
Jugement mi-janvier
L'audience s'est tenue jeudi 19 décembre. La cour devait statuer sur les deux requêtes de la société Gurdebeke : la réduction du périmètre protégé et le déclassement du site au titre des monuments historiques. Selon elle, le classement a été accordé sur la base de faits historiques erronés. Lors de sa plaidoirie, l'avocat de l'entreprise avait même parlé de "légende" et d'une "instrumentalisation du décès des soldats à des fins personnelles".
Face à la société Gurdebeke, la direction régionale des affaires culturelles (Drac), service de l'Etat. Elle avait insisté sur "la portée symbolique de la butte des zouaves qui s'inscrit dans l'imaginaire local au delà de tout malentendu sur l'Histoire". Ce qu'a en partie reconnu la justice dans sa décision : le périmètre de protection de 500 mètres ne sera pas réduit.
Petite incertitude en revanche : le tribunal administratif d'Amiens demande au préfet de région de rééxaminer l'inscription du site en sollicitant l'avis de la Commission régionale du patrimoine et de l'architecture (CRPA) dans les 6 mois. "Mais je ne vois pas comment la CRPA pourrait se déjuger, rassure Cyrille Cieslak, historien local. Je vois même ça comme une chance : on va pouvoir amener l'élément nouveau de la compagnie Burat que la Commission régionale du patrimoine et des sites (ancienne CRPA) n'avait pas lors du classement en 2015."