Un nom, une église, deux municipalités, deux codes postaux et surtout, invisible en plein milieu du village : une frontière qui sépare le Pas-de-Calais de la Somme. Conséquence, à Thièvres, depuis deux week-ends, une partie des habitants est confinée, l’autre non.
C’est une incongruité, une étrangeté de plus dans la vie de ce village partagé entre le Pas-de-Calais et la Somme. Depuis deux week-ends et la mise en place d’un reconfinement départemental, un Thièvres libéré côtoie un Thièvres confiné. Un village pour deux réalités.
D’un côté de la Grand'Rue - qui fait office de séparation - les habitants de la commune d’une centaine d’âmes appartenant au Pas-de-Calais doivent se plier aux nouvelles règles : une heure de sortie par jour, dans un rayon de 5 km, le tout en se munissant d’une attestation. De l’autre, leurs voisins d’en face, séparés par une simple ligne blanche, une demi-route bétonnée et un trottoir, ne doivent se soumettre qu’au couvre-feu. Pour tous, il est interdit de franchir cette ligne.
"Soit on enfreint la règle, soit on est obligé de faire un grand détour"
La première adjointe de Thièvres (du Pas-de-Calais), Muriel Lebas et habitante de cette fameuse rue ne peut que pointer du doigt cette situation un poil rocambolesque. "On n’a pas le droit de traverser la rue pour aller en face pour se promener alors qu’il y a les bois un peu plus loin. Le plus près pour aller faire ses courses dans un grand magasin est d’aller sur la Somme et on ne peut pas le faire. Mais c’est aussi problématique pour les gens de la Somme. S’ils veulent aller faire leurs courses là-bas, le plus simple est de passer par des villages du Pas-de-Calais, sauf que c’est interdit". "Soit on enfreint la règle, soit on est obligé de faire un grand détour pour ne passer que par des communes de la Somme", abonde Carine Jouy, maire de Thièvres (de la Somme).
Une incompréhension partagée par d’autres habitants de la commune. Croisés au détour d’une rue ou rencontrés sur leur pallier, nombreux sont ceux à déroger aux règles. "Si on veut aller se promener dans les champs, on passe par la route. On ne va pas se faire contrôler. Et c’est pas comme si on allait croiser du monde", partage l’une d’elle.
Un problème auquel devrait s’accoutumer sans trop de difficultés les Téverois et les Thiévrois pour les deux week-ends restants. Après tout, ces derniers ont patienté près de 228 ans avant que le Thièvres de la Somme reçoive enfin son courrier avec un code postal en 80...