"On ne devient pas pervers, on le reste" : au troisième jour du procès, les experts décrivent le cas David Ramault

Au 3eme jour du procès de David Ramault devant les Assises du Nord, les experts sont venus décortiquer la personnalité du meurtrier de la jeune Angélique Six. S'il n'est pas considéré comme pénalement irresponsable, les exposés ont mis en avant des troubles profonds, et une personnalité perverse.

Dans le box des accusés, David Ramault se voûte de plus en plus à mesure qu'on parle de lui. Régulièrement, il se passe la main sur le visage, est pris de tremblements. Mais personne ne peut prétendre savoir ce qu'il ressent. Ce troisième jour de procès, les experts médicaux ont plongé la cour d'assises du Nord dans la psyché complexe de David Ramault.

"J'ai explosé dans l'horreur, et tu ne pouvais rien faire"

A l'ouverture de la séance, la présidente du tribunal, Sylvie Karas, a lu les lettres que David Ramault avait écrit à sa femme, à ses enfants, après le meurtre d'Angélique. "Tu vois, je t’ai joué la comédie toutes ces années, cachant mes vices et mes pensées. Pourtant, j’ai essayé, je te jure, d’être normal (…) J’aurais tant voulu vieillir avec toi, mais j’ai explosé dans l’horreur, la démence, et tu ne pouvais rien faire" écrit-il à son épouse. "Les camarades diront peut-être des choses qui vous toucheront, vous aurez le droit de dire : je ne suis pas mon père", dit-il à ses fils.

David Ramault est-il sincère ? Oui, et non, répond l'expert à la barre, le Dr Delannoy, psychologue clinicien à Villeneuve d'Ascq. "Il est sincère dans son ressenti. Je n'ai aucune raison de penser que ces lettres ne sont pas en adéquation avec ce qu’il éprouve. Mais en même temps il est dans une dichotomie, une dissimulation." Et c'est bien toute la difficulté du cas David Ramault.

Il n'est pas déficient intellectuellement, mais l'expert parle à son sujet "d'une forme d'absence, de détachement, une inhibition de la pensée" et même de "vide". Il n'est pas irresponsable pénalement, mais présente de graves troubles, décrits comme "une personnaltié pathologique, structurée sur un mode psychopathique, narcissiste, autocentré, avec une dimension sadique." Sa capacité d'empathie semble quasi-absente. En l'autre, il voit une altérité, un outil, voire un objet, particulièrement quand cela concerne les femmes. 

Sa jouissance, la domination de l'autre

Ses actes, il en est tout à la fois auteur, et spectateur. Quand il retrace le calvaire qu'il a infligé à Angélique, cette "jouissance" du voyeur perce également à travers son récit très détaillé, comme par exemple quand il commente le comportement de la jeune fille, qui se débat "courageusement". Le Dr Delannoy insiste sur ce point : David Ramault n'est pas seulement un délinquant sexuel. 

Le mot le plus employé par l'expert à la barre est celui de perversion. "C'est une structuration, une organisation de la personnalité qui fait que le rapport à l’autre ne peut être autrement. La jouissance du sujet, c’est la domination. La perversion n’est pas uniquement sexuelle, même si elle s’est exercée dans ce sens." Le spécialiste en veut aussi pour preuve l'impressionnant historique d'accusations de vols accumulé par l'accusé, et le type de pornographie qu'il consomme avidemment : des contenus basés sur l'humiliation et la domination des femmes mises en scène.

Pour essayer de comprendre ces troubles profonds, les experts se sont penchés sur son enfance, où David Ramault essaye de se construire entre une mère absente et un père violent, et dont la sexualité est depuis toujours entourée d'un "profond malaise". A l'un des professionnels de santé, il évoque des attouchements sexuels de la part de sa cousine, alors qu'il avait 11 ans. La colère et l'impuissance qu'il ressent en permanence "ont basculé dans un comportement pervers de domination, de toute-puissance". Des constantes liées à ses traumatismes persistent : les deux experts l'ont constaté, David Ramault recherche la punition, qui fonctionne pour lui comme la clotûre d'un chapitre.

Pour le Dr Delannoy, le meurtre d'Angélique n'est pas dû à un sentiment de panique après le viol infligé par David Ramault. C'est le besoin d'aller au bout de ce scénario de toute-puissance. Le Dr Améziane Aït Menguellet, estime de son côté que le viol était bien prémédité par l'accusé, mais pas le meurtre. 

"Tout pervers reste pervers dans son fonctionnement"

Les avocats reviendront à la charge : ce jour-là, David Ramault a-t-il cédé à une pulsion, 20 ans après sa première condamnation ? L'accusé les a décrit, ces fantasmes qui l'envahissent, le parasitent. "Chez Mr Ramault, ce n’est pas une envie imprévisible qui le laisse désemparé. A aucun moment il ne cède à la panique. Pour moi, cliniquement, il n’y a pas de temps de latence, soutient l'expert. Il est toujours sur le fil du rasoir même s’il n’y a pas eu de condamnation. [Le meurtre d'Angélique] est l’aboutissement d’un cheminement de plusieurs années. Pourquoi ce jour-là ? Je ne sais pas, si ce n’est que peut-être cette jeune adolescente s’est juste trouvée là."

Le cas David Ramault touche aux limites de la médecine face à la personnalité perverse. "Tout le travail, c'est de l'amener à prendre conscience de qui il est réellement. Tout pervers reste pervers dans son fonctionnement, ça ne veut pas dire qu'il ne peut y avoir des améliorations et une réduction du risque de récidive", poursuit l'expert. Mais par instint de survie, le cerveau trouve des moyens de ruser avec lui-même : fragmenter, mettre à distance, nier, pour se supporter soi-même. "Ou le sujet continue dans le déni, ou il développe une capacité d'appréhender sa propre personnalité, qui souvent, mène au suicide"

En abordant ces mécaniques complexes de l'esprit humain, le Dr Delannoy entre dans une autre question centrale du procès. Laissé libre de suivi après avoir purgé sa peine, David Ramault aurait-il pu initier lui-même une démarche de soin ? interroge la présidente Sylvie Karas. "Sa personnalité ne porte pas à une telle démarche. Tel qu’il est structuré, il ne peut pas avoir conscience de ce qui dysfonctionne profondément chez lui. Il est tributaire d’un passé qui font qu’il se construit dans un rapport qui n’est pas empathique, d’égalité, mais dans une jouissance de la transgression, d’être plus fort, plus malin, répond l'expert. Un sujet qui se structure dans ce rapport et ce fonctionnement pervers, est quelqu’un qu’on peut, à distance, qualifier aussi de victime."

"On ne devient pas pervers, on le reste. C'est une victimité, pas une victimisation" précise le Dr Améziane Aït Menguellet : il ne s'agit pas de plaindre David Ramault, mais de considérer des troubles qu'il n'a pas choisi d'avoir. Assise au premier rang, la mère d'Angélique tient toujours contre son coeur le portrait de sa fille.

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